DĂ©couvrezsur mon oncle ! par Yves Grevet - Collection Tempo - Librairie Decitre Apparemment, javascript est dĂ©sactivĂ© sur votre navigateur. Javascript doit ĂȘtre activĂ© dans
Slides 23 Download presentation RĂ©sumĂ©s des chapitres LA ROUTE DE CHLIFA » MICHÈLE MARINEAU PREMIÈRE PARTIE CATALYSTE CHAPITRE 1 Karim arrive le 8 janvier Ă  l’école Nancy pose beaucoup de questions Robert professeur de français accueille Karim, dans son journal, dit qu’il dĂ©teste sa vie et l’école. CHAPITRE 2 Karim attire encore l’attention Ă  l’école Nancy le trouve beau, Sandrine essaie de le faire joindre un groupe. Karim reçoit une lettre de BĂ©chir, un ami qui habite en France. Pendant un exposĂ© oral, Karim rĂ©agit Ă  une chanson et sort de la classe. CHAPITRE 3 Des rumeurs circulent au sujet de Karim car les Ă©lĂšves ne le connaissent pas il a un bĂ©bé  Dave David et sa gang sont mĂ©chants avec les Ă©lĂšves, y compris Karim. La classe part en classe-neige. Les Ă©lĂšves discutent de leurs origines et des diffĂ©rences entre la culture quĂ©bĂ©coise et celle du pays d’oĂč ils viennent. Dave et sa gang commence a dĂ©rangĂ© les autres; ils quittent vers le dortoir ensemble CHAPITRE 4 Un bruit rĂ©veille tout le monde qui couchaient et ils ont trouvĂ© Karim par terre, presque mort et Dave debout tenant un couteau sanglante Dave et sa gang se sont cachĂ©s dans les toilettes pour boire de l’alcool. My-Lan est arrivĂ©e et Dave et sa gang ont voulu l’agresser. Karim est arrivĂ©, et il a voulu dĂ©fendre My-Lan Karim s’est fait poignarder par Dave. Il se rĂ©veille Ă  l’hĂŽpital oĂč My-Lan va lui rendre visite DEUXIÈME PARTIE LE LIBAN, C’EST D’ABORD UNE MONTAGNE CHAPITRE 5 - DEUXIÈME PARTIE Karim est au Liban, il se rappelle quand la guerre a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e, lorsqu’il avait 3 ans. Les parents de Karim AgnĂšs et Salim partent pour MontrĂ©al, oĂč la grand-mĂšre de Karim doit se faire opĂ©rer. Les parents de Karim partent avec Walid et Tarek les deux jeunes frĂšres de Karim. Karim reste au Liban parce qu’il doit passer des examens importants pour l’école. Ses parents ne peuvent pas revenir parce que la guerre a empirĂ©. Karim va vivre chez BĂ©chir. Karim et BĂ©chir vont rendre visite Ă  Nada car c’est la fĂȘte de Karim donne un baiser Ă  Nada BĂ©chir part vivre en France avec sa famille et Karim refuse d’aller avec eux Karim reste au Liban et un matin, va rendre visite Ă  Nada, mais le bĂątiment oĂč elle habite a Ă©tĂ© bombardĂ© et il a Ă©tĂ© dĂ©truit. CHAPITRE 6 Karim apprend que Nada est morte en voulant aller aider une tante qui Ă©tait restĂ©e dans l’immeuble. La petite sƓur de Nada, Maha, est la seule de sa famille qui a survĂ©cu avec son petit frĂšre Jad. Karim devient Ă©motionnel avec ces nouvelles Mme Farhat veut se dĂ©barasser de Maha et Jad Maha dit Ă  Karim qu’elle veut s’en aller Ă  Chlifa elle ne veut pas partir avec les gens de la Croix -Rouge CHAPITRE 7 Karim essaie de convaincre Maha de rester Finalement, Karim dĂ©cide de partir avec Maha et Jad vers Chlifa CHAPITRE 8 Karim se sent obligĂ© de protĂ©ger la petite soeur et le petit frĂšre de Nada lui dit qu’ils vont chez le vieil Elias– un ancien employĂ© de ses parents – et sa femme Zahra Karim et Maha doivent traverser Beyrouth-Est par la cĂŽtĂ© chrĂ©tienne; Maha suggĂšre de se prĂ©senter comme frĂšre et soeur s’ils rencontrent quelqu’un Ils sont arrĂȘter par un milicien; Karim lui dit qu’ils veulent visiter leurs oncle Antoine Milad CHAPITRE 9 Maha est fascinĂ©e par une carte postale au mur Antoine lui rencontre des histoires de guerres et d’histoire; il dit qu’il voulait rester pour rĂ©sister, mais maintenant il ne sait plus ce qu’il veut faire; il veut que les enfants restent car il se sent responsable pour eux Antoine, Karim et Maha discutent comment Ă©chappĂ© la ville et qu’il irait avec eux s’il pouvait CHAPITRE 10 Ils se prĂ©pare Ă  quitter et Maha mentionne Nada Ă  Karim; il ne la laisse pas terminĂ© Antoine les conduits; arrĂȘter par la milice deux fois; il lui dit qu’il les conduits chez une cousine Ă  JouniĂ© Karim rĂ©alise qu’Antoine mentent Ă  la milice pour que les enfants puissent “disparaĂźtre” CHAPITRE 11 Les trois commence leur voyage Ile veulent faire une pause Ă  la grotte de Jeita mais Karim ne veut pas rentrer car il a peur Maha lit son livre touristique pour imaginer comment cela regarde Ă  l’intĂ©rieure Avant de s’endormir, Maha demande Karim pourquoi il pense que la licorne Ă  l’aire triste – mais il ne la rĂ©pond pas CHAPITRE 12 Ils admirent le paysage Maha mentionne Ă  Karim que sa soeur pensait qu’il Ă©tait un “garçon parfait” et il pense de ceci toute la journĂ©e Ils discutent la religion; Maha ne croit pas qu’elle est une mauvaise musulmane Ils se sont remis en direction des montagnes et Maha est certaine qu’ils s’éloignent d’eux Ils traverssent “les pierres de lune” et s’installent pour la nuit dans des ruines romaines Karim rĂ©flĂ©chi de Maha comment peut-elle ĂȘtre de la maniĂšre qu’elle soit rĂ©bellieuse et innocente? CHAPITRE 13 Ils trouvent un chĂšvre et Karim essaie de le traire Karim se frustre; Maha commence Ă  rire et Karim est gagnĂ© par le rire Ils dĂ©cident qu’ils ne veulent pas aller Ă  travers les petits villages donc ils prennent la route la plus longue par la montagne Karim et Maha, parle du chĂšvre avant qu’ils s’endorent avec de grands sourires CHAPITRE 14 Les deux sont en bon humeur Discutent si traverser les montagnes soit une bonne idĂ©e; dĂ©cide que ce n’est pas; rĂȘve de comment la neige sent sous les doigts Maha voit un sentier qu’elle veut atteindre mais Karim l’a dit de s’occuper de Jad et TĂȘte-noire pendant qu’il explore Karim joue le rĂŽle d’un monstre ce qui fait Maha rire Ils sont en train de cher la vallĂ©e et la trouve finalement; Karim pense Ă  s’installer pour dormir TĂȘte-noire s’échappe et Maha court aprĂšs lui; Karim entend un bruit fulgurant et court aprĂšs Maha CHAPITRE 15 TĂȘte-noire est explosĂ©e par une mine Quand Karim retouve Maha, il la prend dans ses bras et dit qu’elle est folle car elle veut retrouver TĂȘte-noire et l’enterrer Maha commence Ă  parler de la bĂȘte; dit qu’elle Ă©tait toujours jalouse de sa soeur, quand elle Ă©tait vivante et maintenant qu’elle est morte Elle demande Ă  Karim d’admettre qu’il voudrait avoir Nada sur ce voyage au lieu de Nada Karim dit Ă  Maha d’arrĂȘter de se torturer avec cette jalousie car tout le monde est jaloux de quelqu’un d’autre Ă  un moment ou l’autre; il l’a prend dans ses bras comme “un trĂ©sor fragile” et veut pleurer CHAPITRE 16 Karim se rĂ©veille en honte quand il trouve qu’il est couchĂ© contre Maha Ils commencent Ă  argumenter et se prĂ©pare pour quitter en silence complĂšte Pendant la montĂ©e rude, Karim pensait aux mots de Maha Ă  propos Nada Karim va faire un tour et Maha pense qu’il les abandonne Il trouve de la neige et cela lui fait penser Ă  Maha; ceci lui fait contempler ce qui est-ce passĂ© auparavant – il a besoin du sourire, de son pardon et de son amitiĂ© Il entend un cri perçant et court vers oĂč il a laissĂ© Maha Il espĂšre que Maha joue une blague sur lui quand il retrouve Jad – il retrouve Maha, son corps Ă  moitiĂ© nu. CHAPITRE 17 AprĂšs que Karim a retrouvĂ© Maha, morte, il a pris Jad sur son dos et Maha dans ses bras et a continuĂ© Ă  marcher jusqu’à YamounnĂ© oĂč il reçoit un wagon pour transporter le corps de Maha Ă  Chlifa. À Chlifa, Karim dĂ©couvre que le vieil Élias est mort depuis 6 mois Il enterre Maha au pied d’un arbre de gĂ©nĂ©vrier Karim prend la dĂ©cision de prendre Jad Ă  MontrĂ©al aprĂšs que Fatima lui suggĂšre de lui laisser avec elle, car il se sent responsible pour le petit maintenant. TROISIÈME PARTIE LA VIE CONTINUE CHAPITRE 18 Karim continue son journal DĂ©crit la rĂ©action de sa famille quand il est descendu de l’avion avec Jad dans ses bras Dit que les premiers 5 ou 6 mois Ă©taient pĂ©nible et c’est grĂące Ă  Jad qu’il les a survĂ©cu; ses parents lui forcaient de quittĂ© la maison My-Lan continue de lui visiter Ă  l’hĂŽpital et quand Karim quitte l’hĂŽpital, ses visites lui manquent CHAPITRE 19 Il y avait des tracasseries administratives et lĂ©gales avec Dave mais Karim ne s’intĂ©ressait pas de ceci Le narrateur dĂ©crit comment c’était difficile pour tout le monde qui est allĂ© pour la classe-neige de comprendre ce qui est arrivĂ© AprĂšs l’incident, Dave est devenu plus “calm” en classe; Karim a commencĂ© a participĂ© plus et ils ont mĂȘme commencĂ© Ă  jouer au soccer ensemble Karim FINALEMENT Ă©crit la lettre Ă  BĂ©chir avec les 21 choses qu’il aime Ă  propos MontrĂ©al
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Dobby disparut alors avec un bruit sec, comme le claquement d'un cris retentirent dans la salle Ă  manger et l'oncle Vernon surgit dans la cuisine oĂč il trouva Harry figĂ© de terreur et couvert des pieds Ă  la tĂȘte de gĂąteau Ă  la crĂšme. — Perturbation du dĂźner au 4, Privet Drive par Dobby l'elfe de maison Harry Potter Non. S'il vous plait, pas ça... Ils vont me tuer...Dobby Harry Potter doit me promettre qu'il ne retournera pas Ă  l'Ă©cole...Harry Potter Dobby, s'il vous plait...Dobby Promettez-le, Monsieur...Harry Potter C'est impossible ! Dobby Dans ce cas, Dobby doit agir, Monsieur, pour le bien de Harry l'immense gĂąteau s'Ă©crasa sur le carrelage dans un fracas Ă©pouvantable. Le plat vola en Ă©clats, Ă©claboussant les murs et les fenĂȘtres de crĂšme fouettĂ©e et de violettes. Dobby disparut alors avec un bruit sec, comme le claquement d'un cris retentirent dans la salle Ă  manger et l'oncle Vernon surgit dans la cuisine oĂč il trouva Harry figĂ© de terreur et couvert des pieds Ă  la tĂȘte de gĂąteau Ă  la crĂšme.— Perturbation du dĂźner au 4, Privet Drive par Dobby l'elfe de maison L'avertissement de Dobby Angl. Dobby's Warning est le deuxiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© Pendant que Harry Potter a une conversation avec l'elfe de maison Dobby dans sa chambre, les Dursley accueillent Mr et Mrs Mason dans le sĂ©jour. Dobby met Harry en garde et lui demande de ne pas retourner Ă  Poudlard. Voyant qu'il refuse, il fait usage de la magie dans la maison pour lui poser des problĂšmes. En effet, peu aprĂšs il reçoit une lettre du Service des usages abusifs de la magie pour avoir violĂ© la Restriction de l'usage de la magie chez les sorciers de premier cycle. De plus, pour le punir d'avoir fait rater son contrat avec Mr Mason, l'oncle Vernon l'enferme dans sa chambre. RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages Mafalda Hopkrik CrĂ©atures Elfe de maison premiĂšre mention du nom ‱ Dobby premiĂšre mention du nom ÉvĂšnements DĂ©cret sur la Restriction de l'usage de la magie chez les sorciers de premier cycle Magie SortilĂšge de LĂ©vitation Termes propres Ă  la magie Service des usages abusifs de la magie Secrets du tournage Dans le film Dobby essaie de sortir de l'armoire oĂč Harry Potter l'a poussĂ© et Vernon Dursley lui demande d'arranger la porte. Dobby fait lĂ©viter le gĂąteau jusqu'Ă  la salle Ă  manger, oĂč il tombe sur Mrs Mason, alors que dans le livre, le gĂąteau tombe Ă  la cuisine qu'il Ă©clabousse entiĂšrement. La lettre du Service des usages abusifs de la magie est omise. L'oncle Vernon pose lui-mĂȘme des barreaux Ă  la chambre de Harry, alors que dans le livre il fait venir quelqu'un. Lorsque Ron, Fred et George Weasley viennent chercher Harry, il est rĂ©veillĂ©, alors que dans le livre il est endormi. De plus, Ron lui souhaite un bon anniversaire, alors que dans le livre, le dĂźner avec les Mason Ă©tait le jour de son anniversaire et ce n'est que trois jours plus tard que les Weasley viennent le chercher. Chapitre 03 Le Terrier Molly Weasley Les lits vides ! Pas le moindre mot ! La voiture disparue... auriez pu avoir un accident... attendez que votre pĂšre soit rentrĂ© ! Jamais Bill, Charles ou Percy ne nous ont causĂ© autant de soucis...— ColĂšre de Mrs Weasley aprĂšs le retour de ses enfants Fred, George et Ron, qui ont Ă©tĂ© chercher Harry Potter en voiture volante Le Terrier Angl. The Burrow est le troisiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© Ron Weasley, inquiet de n'avoir eu aucune rĂ©ponse de Harry Potter Ă  ses lettres, vient le chercher au 4, Privet Drive dans la voiture volante de son pĂšre, accompagnĂ© de Fred et George. Enfin en sĂ©curitĂ© dans la voiture, Harry parle de Dobby et de sa mise en garde aux frĂšres qui lui rĂ©pondent de ne pas s'inquiĂ©ter, que ce ne doit ĂȘtre qu'une mauvaise blague, provenant probablement de Drago Malefoy. ArrivĂ© au Terrier, alors que Harry observe la maison, Molly Weasley en sort et hurle sur ses trois garçons avant d'inviter Harry Ă  venir manger. Ils sont tout les quatre en train de dĂ©gnomer le jardin lorsqu'Arthur Weasley rentre Ă  son tour Ă  la maison. Il se fait lui aussi disputer par son Ă©pouse pour la voiture. Ron invite Harry Ă  monter dans sa chambre et il rencontre Ginny qui se cache en le voyant passer. RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages Perkins mention ‱ CĂ©lestina Moldubec ‱ Gilderoy Lockhart mention ‱ Arthur Weasley mention auparavant mais premiĂšre apparition rĂ©elle ‱ Mondingus Fletcher mention ‱ Mortlake mention ‱ Canons de Chudley mention CrĂ©atures Goule ‱ Goule de la famille Weasley ‱ Gnome ‱ Errol ‱ HermĂšs Objets Voiture volante ‱ Service Ă  thĂ© ensorcelĂ© ‱ Pendule de la famille Weasley ‱ Comment ensorceler son fromage ‱ La PĂątisserie magique ‱ Festin minute en un coup de baguette ‱ Le Guide des crĂ©atures nuisibles ‱ ClĂ© rĂ©trĂ©cissante ‱ Bouilloire mordeuse ‱ Martin Miggs, le Moldu fou Lieux Loutry Ste Chaspoule ‱ Le Terrier ‱ Chambre de Ron Weasley ‱ Chudley mention Magie SortilĂšge d'AmnĂ©sie Termes propres Ă  la magie Service des dĂ©tournements de l'artisanat moldu ‱ DĂ©gnomer ‱ Commission des sortilĂšges expĂ©rimentaux ‱ Attrape-Moldus ‱ Salut les Sorciers Anecdotes Il est intĂ©ressant de constater que la plupart des enfants Weasley sont gĂ©nĂ©ralement appelĂ©s par un diminutif mais que pour Charlie Weasley, il n'est jamais fait mention d'un prĂ©nom plus officiel dans les livres. En effet, le "Charles" de la citation en haut de la page est exclusif Ă  la version française. Secrets du tournage Dans le film Vernon Dursley arrive trĂšs vite dans la chambre de Harry Potter aprĂšs que les barreaux ont Ă©tĂ© arrachĂ©s et les adolescents ont juste le temps de prendre toutes les affaires prĂ©sentes dans la chambre. Il est retardĂ© par les multiples serrures de la porte, attrape Harry par la cheville et tombe par la fenĂȘtre. Dans le livre, la scĂšne est lĂ©gĂšrement diffĂ©rente tous les effets de Harry ne sont pas dans sa chambre, une partie est enfermĂ©e dans le placard sous l'escalier. Les barreaux sont arrachĂ©s et ensuite Fred Weasley crochĂšte la porte de la chambre pour aller chercher la valise de Harry dans le placard sous l'escalier, pendant que Harry prend tout ce qui est dans sa chambre. Hedwige crie parce que Harry l'avait oubliĂ©e et c'est uniquement lĂ  que Vernon dĂ©barque dans la chambre, attrape Harry par la cheville, qui se dĂ©gage. Harry et les Weasley partent alors que les Dursley les regardent par la fenĂȘtre. Le dĂ©gnomage du jardin est absent et Arthur Weasley arrive durant le petit-dĂ©jeuner de ses enfants et de Harry. Chapitre 04 Chez Fleury et Bott Lucius Malefoy Tiens, tiens, tiens, Arthur Weasley. Arthur Weasley Lucius. Lucius Malefoy Beaucoup de travail au ministĂšre, Ă  ce qu'on dit... Toutes ces perquisitions... J'espĂšre qu'ils vous paient des heures supplĂ©mentaires, au moins ?Il plongea la main dans le chaudron de Ginny, parmi les livres neufs sur papier glacĂ© de Gilderoy Lockhart, et en sortit un vieil exemplaire usĂ© du Guide des dĂ©butants en pas. À quoi bon dĂ©shonorer la fonction de sorcier si on ne vous paie mĂȘme pas bien pour ça ? Arthur Weasley Nous n'avons pas la mĂȘme conception de ce que doit ĂȘtre l'honneur d'un sorcier, Malefoy. Lucius Malefoy Ça ne fait aucun doute, rĂ©pliqua Mr Malefoy en tournant ses yeux pĂąles vers Mr et Mrs Granger qui observaient la scĂšne avec apprĂ©hension. Vous frĂ©quentez de drĂŽle de gens, Weasley... Je ne pensais pas que votre famille puisse tomber encore plus bas... — PrĂ©lude Ă  la bagarre entre Mr Weasley et Mr Malefoy Lucius Malefoy Tiens, tiens, tiens, Arthur Weasley Malefoy Beaucoup de travail au ministĂšre, Ă  ce qu'on dit... Toutes ces perquisitions... J'espĂšre qu'ils vous paient des heures supplĂ©mentaires, au moins ?Il plongea la main dans le chaudron de Ginny, parmi les livres neufs sur papier glacĂ© de Gilderoy Lockhart, et en sortit un vieil exemplaire usĂ© du Guide des dĂ©butants en pas. À quoi bon dĂ©shonorer la fonction de sorcier si on ne vous paie mĂȘme pas bien pour ça ?Arthur Weasley Nous n'avons pas la mĂȘme conception de ce que doit ĂȘtre l'honneur d'un sorcier, Malefoy Ça ne fait aucun doute, rĂ©pliqua Mr Malefoy en tournant ses yeux pĂąles vers Mr et Mrs Granger qui observaient la scĂšne avec apprĂ©hension. Vous frĂ©quentez de drĂŽle de gens, Weasley... Je ne pensais pas que votre famille puisse tomber encore plus bas...— PrĂ©lude Ă  la bagarre entre Mr Weasley et Mr Malefoy Chez Fleury et Bott Angl. At Flourish and Blotts est le quatriĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© Harry Potter, Ron Weasley et ses frĂšres reçoivent leur liste de fournitures Ă  acheter pour Poudlard. Tous les livres sont Ă©crits par Gilderoy Lockhart, l'auteur prĂ©fĂ©rĂ© de Molly Weasley. Le lendemain, ils partent pour le Chemin de Traverse en utilisant la poudre de cheminette. Harry balbutie en toussant le nom de destination et se retrouve une boutique Ă©trange, oĂč il est contraint de se cacher dans une armoire Ă  l'arrivĂ©e de Drago Malefoy et son pĂšre. Enfin sorti de la boutique et perdu dans l'AllĂ©e des Embrumes, Harry se fait ramener sur le Chemin de Traverse par Rubeus Hagrid. LĂ  il rencontre Hermione Granger et retrouve les Weasley. Ils se rendent tous chez Fleury et Bott. L'auteur Gilderoy Lockart attrape Harry, lui offre tous les exemplaires de ses livres et annonce qu'il est le nouveau professeur de dĂ©fense contre les forces du Mal de Poudlard. Arthur Weasley et Lucius Malefoy se bagarrent dans la librairie. RĂ©vĂ©lations La bagarre dĂ©clenchĂ©e par Lucius Malefoy est une manƓuvre de diversion pour introduire le journal intime de Tom Jedusor dans le Guide des dĂ©butants en mĂ©tamorphose de Ginny Weasley. PremiĂšres apparitions Personnages Lucius Malefoy mention auparavant mais premiĂšre apparition rĂ©elle ‱ Mr Barjow ‱ SorciĂšre ĂągĂ©e de l'AllĂ©e des Embrumes ‱ PĂšre d'Hermione Granger mention auparavant mais premiĂšre apparition rĂ©elle ‱ MĂšre d'Hermione Granger mention auparavant mais premiĂšre apparition rĂ©elle ‱ Gilderoy Lockhart mention auparavant mais premiĂšre apparition rĂ©elle ‱ Photographe de La Gazette du sorcier CrĂ©atures Gobelin de Gringotts non identifiĂ© ÉvĂšnements Premier voyage avec la Poudre de cheminette Objets Miroir des Weasley au dessus de la cheminĂ©e ‱ Le Livre des sorts et enchantements, niveau 2 ‱ FlĂąneries avec le Spectre de la mort ‱ Vadrouilles avec les goules ‱ Vacances avec les harpies ‱ RandonnĂ©es avec les trolls ‱ Voyages avec les vampires ‱ Promenades avec les loups-garous ‱ Une annĂ©e avec le YĂ©ti ‱ Étoile filante ‱ Main de la Gloire ‱ Collier d'opale ‱ Bouse de dragon ‱ PĂ©tards mouillĂ©s du Dr Flibuste ‱ Histoire des prĂ©fets cĂ©lĂšbres ‱ Moi le magicien ‱ EncyclopĂ©die des champignons vĂ©nĂ©neux Lieux Barjow et Beurk ‱ Manoir des Malefoy mention ‱ Magasin qui vend des tĂȘtes rĂ©duites ‱ AllĂ©e des Embrumes ‱ Coffre des Weasley Ă  Gringotts ‱ Magasin de robes d'occasion ‱ Magasin d'accessoires de Quidditch ‱ Pirouette et Badin ‱ Boutique de brocante Termes propres Ă  la magie Brevet Universel de Sorcellerie ElĂ©mentaire BUSE ‱ Seigneur des TĂ©nĂšbres ‱ Acte de Protection des Moldus Secrets du tournage Dans le film Errol amĂšne les lettres de Poudlard le matin de l'arrivĂ©e de Harry Potter au Terrier alors que dans le livre, les lettres arrivent une semaine aprĂšs, amenĂ©es probablement par un hibou de l'Ă©cole. Errol amĂšne lui aussi une lettre, mais c'est une lettre d'Hermione Granger qui leur indique la date oĂč elle va se rendre au Chemin de Traverse. Harry prononce Chemin de Travers alors que dans le livre, il dit bien Chemin de Traverse, mais en balbutiant et en toussant. Hermione rĂ©pare les lunettes avec Oculus Reparo alors que dans le livre, c'est Arthur Weasley qui rĂ©pare les lunettes et Ă  ce moment le sort n'est pas prĂ©cisĂ©. Gilderoy Lockhart offre tous ses ouvrages Ă  Harry et Molly Weasley les prend pour les faire dĂ©dicacer alors que dans le livre, il annonce qu'il va enseigner la dĂ©fense contre les forces du Mal Ă  Poudlard, offre tous ses ouvrages Ă  Harry qui les donne Ă  son tour Ă  Ginny Weasley. Lucius Malefoy Ă©change des paroles avec les adolescents puis avec Arthur Weasley alors que dans le livre, les deux sorciers parlent ensemble uniquement et en viennent rapidement aux mains. Chapitre 05 Le saule cogneur Severus Rogue Au cours de mes recherches dans le parc, j'ai constatĂ© qu'un saule cogneur d'une valeur inestimable avait subi des dommages considĂ©rables. Ron Weasley C'est Ă  nous que cet arbre a fait subir des dommages considĂ©rables... Severus Rogue Silence ! Malheureusement, vous n'appartenez pas Ă  la maison de Serpentard et il ne m'appartient pas de dĂ©cider de votre exclusion. Mais je vais aller chercher les personnes qui disposent de cet heureux pouvoir. Attendez-moi ici. — Suite au voyage de Ron Weasley et Harry Potter en voiture volante jusqu'Ă  Poudlard Severus Rogue Au cours de mes recherches dans le parc, j'ai constatĂ© qu'un saule cogneur d'une valeur inestimable avait subi des dommages Weasley C'est Ă  nous que cet arbre a fait subir des dommages considĂ©rables...Severus Rogue Silence ! Malheureusement, vous n'appartenez pas Ă  la maison de Serpentard et il ne m'appartient pas de dĂ©cider de votre exclusion. Mais je vais aller chercher les personnes qui disposent de cet heureux pouvoir. Attendez-moi ici.— Suite au voyage de Ron Weasley et Harry Potter en voiture volante jusqu'Ă  Poudlard Le saule cogneur Angl. The Whomping Willow est le cinquiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© À la gare pour prendre leur train pour l'Ă©cole, alors que toute la famille Weasley est dĂ©jĂ  passĂ©e, Harry Potter et Ron Weasley n'arrivent pas Ă  accĂ©der Ă  la voie 9Ÿ. Les deux amis dĂ©cident donc de prendre la voiture volante d'Arthur Weasley pour se rendre Ă  Poudlard. Ils sont repĂ©rĂ©s par de nombreux Moldus lors de leur trajet et s'Ă©crasent sur le Saule cogneur Ă  leur arrivĂ©e. Avant de pouvoir entrer dans la Grande Salle, ils sont interceptĂ©s par Severus Rogue qui tente de les faire expulser mais Minerva McGonagall ne leur octroie qu'une retenue chacun. Retournant Ă  la salle commune de Gryffondor aprĂšs avoir dĂźnĂ©, ils sont sermonnĂ©s par Hermione Granger et accueillis comme des hĂ©ros par les autres Gryffondor. RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages Hetty Bayliss ‱ Angus Fleet Objets Journal intime de Ginny Weasley ‱ Sorcier du soir ÉvĂšnements Article du Sorcier du soir UNE FORD ANGLIA VOLANTE INQUIÈTE LES Moldus Lieux Bureau de Severus Rogue ‱ Poste centrale mention ‱ Peebles mention ‱ Norfolk mention Plantes Saule cogneur Termes propres Ă  la magie "AntochĂšre" mot de passe Secrets du tournage Dans le film Le trajet de la voiture volante qui suit le Poudlard Express est mouvementĂ©, le train fonce sur la voiture que Ron Weasley conduit trop bas, Harry Potter manque de tomber de la voiture... Dans le livre, cela se passe tranquillement. Argus Rusard surprend Harry et Ron alors que dans le livre, les deux adolescents regardent la CĂ©rĂ©monie de la RĂ©partition depuis l'extĂ©rieur de la Grande Salle quand ils sont surpris par Severus Rogue qui les fait venir dans son bureau. Albus Dumbledore et Minerva McGonagall font irruption dans le bureau alors que dans le livre, Severus Rogue s'absente pour aller les chercher. Chapitre 06 Gilderoy Lockhart Gilderoy Lockhart Il est de mon devoir de vous armer contre les crĂ©atures les plus rĂ©pugnantes qui soient connues dans le monde des sorciers ! Vous aurez peut-ĂȘtre dans cette classe les plus belles peurs de votre vie. Mais sachez que rien de fĂącheux ne peut vous arriver tant que vous ĂȘtes en ma ce que je vous demande, c'est de garder votre calme. Je vous demande de ne pas crier, ça pourrait les le regard des Ă©lĂšves qui retenaient leur souffle, Lockhart dĂ©couvrit alors la oui, en effet, ce sont bel et bien des lutins de Cornouailles fraĂźchement Finnigan ne put se retenir. Il laissa Ă©chapper un Ă©clat de rire que mĂȘme Lockhart ne pouvait confondre avec un hurlement de ? Vous avez quelque chose Ă  dire ? Seamus Finnigan Ils ne sont... ils ne sont pas trĂšs dangereux, rĂ©pondit Seamus en s'Ă©tranglant de rire. Gilderoy Lockhart N'en soyez pas si sĂ»r ! Ce sont parfois des petites pestes parfaitement diaboliques. — Premier cours de dĂ©fense contre les forces du Mal de Gilderoy Lockhart Gilderoy Lockhart Il est de mon devoir de vous armer contre les crĂ©atures les plus rĂ©pugnantes qui soient connues dans le monde des sorciers ! Vous aurez peut-ĂȘtre dans cette classe les plus belles peurs de votre vie. Mais sachez que rien de fĂącheux ne peut vous arriver tant que vous ĂȘtes en ma ce que je vous demande, c'est de garder votre calme. Je vous demande de ne pas crier, ça pourrait les le regard des Ă©lĂšves qui retenaient leur souffle, Lockhart dĂ©couvrit alors la oui, en effet, ce sont bel et bien des lutins de Cornouailles fraĂźchement Finnigan ne put se retenir. Il laissa Ă©chapper un Ă©clat de rire que mĂȘme Lockhart ne pouvait confondre avec un hurlement de ? Vous avez quelque chose Ă  dire ?Seamus Finnigan Ils ne sont... ils ne sont pas trĂšs dangereux, rĂ©pondit Seamus en s'Ă©tranglant de Lockhart N'en soyez pas si sĂ»r ! Ce sont parfois des petites pestes parfaitement diaboliques.— Premier cours de dĂ©fense contre les forces du Mal de Gilderoy Lockhart Gilderoy Lockhart est le sixiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© Au petit dĂ©jeuner, Ron Weasley reçoit une Beuglante de sa mĂšre pour avoir volĂ© la voiture volante. Harry Potter arrive en retard au premier cours de botanique car Gilderoy Lockhart souhaite s'entretenir avec lui, il rejoint ensuite ses camarades pour commencer l'Ă©tude des mandragores oĂč le trio fait Ă©quipe avec un Ă©lĂšve de Poufsouffle, Justin Finch-Fletchley. Lors de la pause de midi, Harry fait la connaissance de Colin Crivey, un Ă©lĂšve de premiĂšre annĂ©e qui le considĂšre comme une cĂ©lĂ©britĂ©. Puis les Gryffondor ont cours de dĂ©fense contre les forces du Mal. Lockhart se montre un pitoyable professeur ne sachant pas se dĂ©barrasser seul de lutins de Cornouailles. RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages MĂšre de Justin Finch-Fletchley mention ‱ Colin Crivey ‱ PĂšre de Colin et Dennis Crivey mention CrĂ©atures Spectre de la mort mention ‱ Lutins de Cornouailles Objets Beuglante ‱ SorciĂšre-Hebdo ‱ Papier collant ‱ Ogden's Old Firewhisky mention Lieux Serre numĂ©ro 3 ‱ Eton mention ‱ Bandon version originale uniquement ‱ Magie MĂ©tamorphose de scarabĂ©e en bouton ‱ Potion pour dĂ©velopper les photos ‱ "Une formule magique suffisamment puissante pour le faire disparaĂźtre" traduit de a good Vanishing Spell ‱ Mutinlutin Malinpesti ‱ Immobilisation Plantes Mandragore ‱ Tentacula vĂ©nĂ©neuse Termes propres Ă  la magie Ligue de DĂ©fense contre les Forces du Mal Secrets du tournage Dans le film Le volume sonore de la Beuglante peut varier, Molly Weasley s'adresse notamment doucement Ă  Ginny pour la fĂ©liciter de son admission Ă  Gryffondor alors que dans le livre, elle semble toujours crier et c'est Minerva McGonagall qui a prĂ©cĂ©demment averti Ron que le Choixpeau magique avait envoyĂ© Ginny Ă  Gryffondor. La scĂšne oĂč Gilderoy Lockhart explique Ă  Pomona Chourave comment soigner un saule cogneur est omise. Neville Londubat s'Ă©vanouit lors du cours de botanique. La formule pour immobiliser les lutins de Cornouailles est Immobulus alors que dans le livre, elle n'est pas prĂ©cisĂ©e. Chapitre 07 Sang-de-Bourbe et drĂŽle de voix Il entendit alors quelque chose - quelque chose qui n'avait rien Ă  voir avec le bavardage de Lockhart ou le crachotement des chandelles une voix, une voix Ă  figer le sang, une voix Ă  couper le souffle, une voix glacĂ©e comme un Viens Ă  moi... que je te dĂ©chire, que je t'Ă©corche... que je te tue... — En punition avec Gilderoy Lockhart, Harry Potter entend une voix Sang-de-Bourbe et drĂŽle de voix Angl. Mudbloods and Murmurs est le septiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© Olivier Dubois a rĂ©servĂ© le terrain de Quidditch pour la matinĂ©e. Il rĂ©veille Harry Potter et les autres membres de l'Ă©quipe de Gryffondor pour exposer les nouvelles techniques qu'il a Ă©laborĂ©es. DĂšs leur arrivĂ©e sur le terrain, l'Ă©quipe de Serpentard apparait et leur annonce qu'elle a un nouvel attrapeur Drago Malefoy. Celui-ci traite Hermione Granger de Sang-de-Bourbe. Ron Weasley, outrĂ©, tente de jeter un sort Ă  Drago mais sa baguette cassĂ©e lui renvoie et c'est lui qui se retrouve Ă  vomir des limaces. Harry et Ron partent en retenue. Ron est chargĂ© de nettoyer la salle des trophĂ©es avec Argus Rusard tandis que Harry doit aider Gilderoy Lockhart Ă  rĂ©pondre Ă  ses admiratrices. Pendant sa retenue, Harry entend une voix menaçante. Il se rend compte que lui seul est capable de la percevoir. Ron et Hermione trouvent cela inquiĂ©tant. RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages Gladys GourdeniĂšze mention ‱ Veronica Smethley mention CrĂ©atures Kelpy remplacĂ© par Farfadet dans la version française ‱ Une voix Objets Nimbus 2001 ‱ Brossdur 5 ‱ MĂ©daille de Services rendus Ă  l'École de Tom Elvis Jedusor prĂ©cisĂ© au chapitre Un journal trĂšs intime Lieux Bureau de Gilderoy Lockhart Magie SortilĂšge pour cracher des limaces nom non mentionnĂ© ‱ SortilĂšge de Gavage plus tard traduit sortilĂšge d'Engorgement et sortilĂšge d'Empiffrement Termes propres Ă  la magie Sang-de-Bourbe ‱ Sang pur ‱ Remarque les termes de Muggle-Born et Half-Blood sont dĂ©jĂ  prĂ©sents dans ce chapitre mais n'ont pas Ă©tĂ© retranscrits dans la saga immĂ©diatement sous NĂ©-Moldu et Sang-MĂȘlĂ©, Jean-François MĂ©nard Ă©vite au dĂ©part ces expressions. Secrets du tournage Dans le film La formule du sort que Ron Weasley lance semble ĂȘtre Crache Limaces alors que dans le livre, la formule n'est pas indiquĂ©e. Hermione Granger saisit immĂ©diatement ce que signifie Sang-de-Bourbe alors que dans le livre, elle comprend juste que l'expression est probablement grossiĂšre. Miss Teigne est retrouvĂ©e pĂ©trifiĂ©e Ă  l'issue de la punition de Harry Potter alors que dans le livre elle est dĂ©couverte aprĂšs l'anniversaire de mort de Nick Quasi-Sans-TĂȘte. Chapitre 08 L'anniversaire de mort Nick Quasi-Sans-TĂȘte Le jour d'Halloween sera le cinq centiĂšme anniversaire de ma Potter Quasi-Sans-TĂȘte À cette occasion, j'organise une petite fĂȘte dans le plus grand des cachots. Des amis viendront de tout le pays et ce serait pour moi un tel honneur si vous acceptiez de vous joindre Ă  nous. Mr Weasley et Miss Granger seraient Ă©galement les bienvenus, cela va sans dire. Mais je me doute que vous prĂ©fĂ©rerez assister Ă  la fĂȘte de l'Ă©cole ?Harry Potter Oh, non, je serai ravi de venir....Nick Quasi-Sans-TĂȘte Ah, cher ami ! Harry Potter prĂ©sent Ă  l'anniversaire de ma mort ! Et... croyez-vous que vous pourriez Ă©ventuellement dire Ă  Sir Patrick combien vous me trouvez impressionnant et mĂȘme terrifiant ?Harry Potter Bien... Bien sĂ»r.— Invitation de Harry Potter Ă  l'anniversaire de mort de Sir Nicholas de Mimsy-Porpington, afin qu'il appuie sa candidature pour entrer dans le club des Chasseurs sans tĂȘte L'anniversaire de mort Angl. The Deathday Party est le huitiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© Le jour d'Halloween, Harry Potter se rend Ă  l'anniversaire de mort de Nick Quasi-Sans-TĂȘte au lieu d'aller cĂ©lĂ©brer cette fĂȘte dans la Grande Salle de Poudlard avec le reste des Ă©lĂšves. RĂ©vĂ©lations La date du dĂ©cĂšs de Sir Nicholas de Mimsy-Porpington est le 31 octobre 1492. Il fĂȘte cette annĂ©e le cinq centiĂšme anniversaire de sa mort, cela permet de situer l'action du livre Ă  1992 - 1993. PremiĂšres apparitions Personnages Madame DĂ©zorties mention ‱ D. J. Prod mention CrĂ©atures Sir Patrick Delaney-Podmore ‱ Salamandre ‱ Musiciens ‱ Nonnes Ă  la mine funĂšbre ‱ Homme en haillons couvert de chaĂźnes ‱ Chevalier dont le front est percĂ© d'une flĂšche ‱ Mimi Geignarde ‱ FantĂŽme corpulent ‱ Veuve pleureuse ‱ Une douzaine de chevaux fantĂŽmes ‱ Plusieurs membres du club des Chasseurs sans tĂȘte non identifiĂ©s ÉvĂšnements Anniversaire de mort de Sir Nicholas de Mimsy-Porpington ‱ Mort de Sir Nicholas de Mimsy-Porpington 31 octobre 1492 ‱ Ouverture de la Chambre des Secrets Objets Armoire Ă  disparaĂźtre Lieux Cachot n°5 ‱ Topsham mention ‱ Didsbury mention ‱ Bureau d'Argus Rusard ‱ Chambre des Secrets mention Magie Pimentine Termes propres Ă  la magie Vitmagic ‱ HĂ©ritier de Serpentard Secrets du tournage Dans le film L'anniversaire de mort de Nick Quasi-Sans-TĂȘte est totalement absent. L'enveloppe de Vitmagic d'Argus Rusard est vue bien auparavant, le jour de la rentrĂ©e Ă  Poudlard, alors que dans le livre elle apparaĂźt juste avant l'invitation de Nick Ă  son anniversaire de mort pour Halloween. La destruction de l'Armoire Ă  disparaĂźtre par Peeves sur demande de Nick est absente, ce qui pose un problĂšme de continuitĂ© dans le sixiĂšme film oĂč Drago Malefoy rĂ©pare cette armoire cassĂ©e par l'esprit frappeur. Chapitre 09 L'avertissement Harry Potter Vous croyez que j'aurais dĂ» leur parler de la voix que j'ai entendue ? Ron Weasley Non. Entendre des voix, ce n'est pas bon signe, mĂȘme chez les sorciers. Harry Potter Mais toi, tu me crois, au moins ? Ron Weasley Bien sĂ»r. Mais il faut reconnaĂźtre que c'est bizarre... Harry Potter Je sais bien que c'est bizarre. Et d'abord, qu'est ce que ça voulait dire, ce graffiti ? La Chambre des Secrets a Ă©tĂ© ouverte... Qu'est-ce que ça signifie ? Ron Weasley Ça me rappelle vaguement quelque chose. Un jour, quelqu'un m'a racontĂ© une histoire Ă  propos d'une chambre secrĂšte, Ă  Poudlard. — Suite Ă  la dĂ©couverte de l'avertissement sur un mur Harry Potter Vous croyez que j'aurais dĂ» leur parler de la voix que j'ai entendue ?Ron Weasley Non. Entendre des voix, ce n'est pas bon signe, mĂȘme chez les Potter Mais toi, tu me crois, au moins ?Ron Weasley Bien sĂ»r. Mais il faut reconnaĂźtre que c'est bizarre...Harry Potter Je sais bien que c'est bizarre. Et d'abord, qu'est ce que ça voulait dire, ce graffiti ? La Chambre des Secrets a Ă©tĂ© ouverte... Qu'est-ce que ça signifie ?Ron Weasley Ça me rappelle vaguement quelque chose. Un jour, quelqu'un m'a racontĂ© une histoire Ă  propos d'une chambre secrĂšte, Ă  Poudlard.— Suite Ă  la dĂ©couverte de l'avertissement sur un mur L'avertissement Angl. The Writing on the Wall est le neuviĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages Godric Gryffondor mention ‱ Helga Poufsouffle mention ‱ Rowena Serdaigle mention ‱ Salazar Serpentard mention CrĂ©atures Monstre lĂ©gendaire de la Chambre des Secrets ÉvĂšnements Convention des Sorciers de 1289 Objets Nettoie-Tout magique de la mĂšre Grattesec ‱ Balai miniature ‱ Les Potions de grands pouvoirs Lieux Ouagadougou ‱ Toilettes des filles Magie Supplice de MĂ©tamorphose mention ‱ PĂ©trification ‱ Philtre rĂ©gĂ©nĂ©rateur Ă  la mandragore mention ‱ MĂ©tamorphose d'un ours en peluche en grosse araignĂ©e ‱ SortilĂšge pour enlever des tĂąches ‱ Polynectar Termes propres Ă  la magie Cracmol ‱ AssemblĂ©e mĂ©diĂ©vale des sorciers d'Europe Secrets du tournage Dans le film Minerva McGonagall raconte sur la demande d'Hermione Granger la lĂ©gende de la Chambre des Secrets alors que dans le livre, c'est le professeur Binns qui, devant l'insistance d'Hermione, se lance dans ce rĂ©cit. Chapitre 10 Le Cognard fou Chapitre 11 Le club de duel Gilderoy Lockhart Approchez-vous, approchez-vous ! Tout le monde me voit ? Tout le monde m'entend ? Parfait ! Le professeur Dumbledore m'a donnĂ© l'autorisation d'ouvrir ce petit club de duel pour vous enseigner des mĂ©thodes de dĂ©fense au cas oĂč vous auriez besoin de faire face Ă  une agression quelconque, comme cela m'est arrivĂ© d'innombrables fois. Pour de plus amples dĂ©tails, je vous renvoie Ă  la collection complĂšte de mes livres. Je vais maintenant vous prĂ©senter mon assistant, le professeur Rogue. Il m'a dit qu'il avait lui mĂȘme quelques notions en matiĂšre de duel et il a trĂšs sportivement acceptĂ© de me servir de partenaire pour vous faire une petite dĂ©monstration en guise de prĂ©ambule. Mais ne vous inquiĂ©tez pas, votre maĂźtre des potions sera toujours en Ă©tat de vous faire cours quand j'en aurai fini avec lui. Aucun danger ! — PremiĂšre sĂ©ance du club de duel dans la Grande Salle Gilderoy Lockhart Approchez-vous, approchez-vous ! Tout le monde me voit ? Tout le monde m'entend ? Parfait ! Le professeur Dumbledore m'a donnĂ© l'autorisation d'ouvrir ce petit club de duel pour vous enseigner des mĂ©thodes de dĂ©fense au cas oĂč vous auriez besoin de faire face Ă  une agression quelconque, comme cela m'est arrivĂ© d'innombrables fois. Pour de plus amples dĂ©tails, je vous renvoie Ă  la collection complĂšte de mes livres. Je vais maintenant vous prĂ©senter mon assistant, le professeur Rogue. Il m'a dit qu'il avait lui mĂȘme quelques notions en matiĂšre de duel et il a trĂšs sportivement acceptĂ© de me servir de partenaire pour vous faire une petite dĂ©monstration en guise de prĂ©ambule. Mais ne vous inquiĂ©tez pas, votre maĂźtre des potions sera toujours en Ă©tat de vous faire cours quand j'en aurai fini avec lui. Aucun danger !— PremiĂšre sĂ©ance du club de duel dans la Grande Salle Le club de duel Angl. The Dueling Club est le onziĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages Miss Faucett ‱ Ernie Macmillan ‱ Aurora Sinistra CrĂ©atures Goule camĂ©lĂ©on mention ‱ Gobelin buveur de sang mention Surnoms Petit pote Potter pour Harry Potter par Peeves ÉvĂšnements Club de duel Objets Yeux de poissons ‱ Gargouille du bureau du directeur ‱ Heurtoir en forme de griffon Lieux Dortoirs de Poufsouffle ‱ Bureau du directeur Magie Potion d'Enflure ‱ Antidote Ă  la potion d'Enflure ‱ SortilĂšge de DĂ©sarmement Expelliarmus ‱ Rictusempra ‱ Tarentallegra ‱ Finite Incantatem ‱ Serpensortia ‱ MĂ©tamorphose d'un Ă©lĂšve en blaireau ‱ Sort de protection autour du poulailler non prĂ©cisĂ© Termes propres Ă  la magie Fourchelang premiĂšre mention du nom ‱ "Sorbet citron" mot de passe Secrets du tournage Dans le film Harry Potter fait la connaissance de Justin Finch-Fletchley lors du club de duel alors que dans le livre, ils se sont rencontrĂ©s lors du premier cours de botanique. Harry et Drago Malefoy sont seuls Ă  se livrer un duel alors que dans le livre tous les Ă©lĂšves sont rĂ©partis par Ă©quipe de deux avant que deux volontaires pour un exemple ne soient dĂ©signĂ©s. Harry raconte Ă  Ron Weasley et Ă  Hermione Granger qu'il a dĂ©jĂ  parlĂ© Ă  un python alors que dans le livre il s'agissait d'un boa constrictor. Chapitre 12 Le Polynectar Hermione Granger Je suis certaine d'avoir tout fait comme il fallait. Tout se passe comme le dit le livre... Une fois que nous aurons bu la potion, nous disposerons d'exactement une heure avant de reprendre notre forme normale. Ron Weasley Et maintenant ? Hermione Granger On verse la potion dans trois verres et on ajoute les l'aide d'une louche, Hermione versa gĂ©nĂ©reusement le Polynectar dans les trois verres qu'elle avait prĂ©parĂ©s. Puis, la main tremblante, elle laissa tomber dans l'un des verres le cheveu de Millicent liquide se mit Ă  siffler comme une bouilloire et se couvrit d'Ă©cume. Un instant plus tard, il avait pris une couleur jaunĂątre passablement rĂ©pugnante. — PrĂ©paration du trio pour entrer dans la salle commune de Serpentard Hermione Granger Je suis certaine d'avoir tout fait comme il fallait. Tout se passe comme le dit le livre... Une fois que nous aurons bu la potion, nous disposerons d'exactement une heure avant de reprendre notre forme Weasley Et maintenant ?Hermione Granger On verse la potion dans trois verres et on ajoute les l'aide d'une louche, Hermione versa gĂ©nĂ©reusement le Polynectar dans les trois verres qu'elle avait prĂ©parĂ©s. Puis, la main tremblante, elle laissa tomber dans l'un des verres le cheveu de Millicent liquide se mit Ă  siffler comme une bouilloire et se couvrit d'Ă©cume. Un instant plus tard, il avait pris une couleur jaunĂątre passablement rĂ©pugnante.— PrĂ©paration du trio pour entrer dans la salle commune de Serpentard Le Polynectar Angl. The Polyjuice Potion est le douziĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages ÉlĂšve de Serdaigle nom non mentionnĂ© ‱ Victime du monstre de la Chambre des Secrets mention nom non mentionnĂ© CrĂ©atures PhĂ©nix ‱ Fumseck Surnoms Saint Potter pour Harry Potter par Drago Malefoy ÉvĂšnements Article de la La Gazette du sorcier ENQUÊTE AU MINISTÈRE DE LA MAGIE Objets En vol avec les Canons ‱ Plume d'aigle Lieux Salle commune de Serpentard ‱ Azkaban mention Magie MĂ©tamorphoses avec le Polynectar humaines de Harry Potter en Gregory Goyle et de Ron Weasley en Vincent Crabbe ; animale donc Ă©chouĂ©e d'Hermione Granger en chat Termes propres Ă  la magie "Sang-pur" mot de passe ‱ Conseil d'administration de Poudlard Secrets du tournage Dans le film, la voix et la vision de Harry Potter ne changent pas lorsqu'il prend l'apparence de Gregory Goyle il parle avec sa voix habituelle et n'enlĂšve pas ses lunettes, alors que dans le livre, il parle d'une voix rauque et enlĂšve immĂ©diatement les lunettes qui troublent sa vue. Chapitre 13 Un journal trĂšs intime Assis sur son lit Ă  baldaquin, il prit une plume et un encrier et laissa tomber une goutte d'encre sur la premiĂšre page du petit livre noir. Pendant un instant, la tache d'encre brilla sous ses yeux, puis elle disparut soudain, comme aspirĂ©e par le papier. D'un geste fĂ©brile, Harry reprit alors sa plume et Ă©crivit Je m'appelle Harry Potter. »Tout comme la tache, les mots tracĂ©s sur le papier brillĂšrent un instant puis disparurent Ă  leur un instant plus tard, d'autres lettres se formĂšrent sur la page, comme si elles suitaient du papier, et la phrase suivante, Ă©crite de la mĂȘme encre, apparut sous les yeux de Harry Bonjour Harry Potter. Je m'appelle Tom Jedusor. Comment as-tu trouvĂ© mon journal ? — DĂ©couverte des souvenirs cachĂ©s dans le journal intime de Tom Elvis Jedusor, en premiĂšre apparence vide Un journal trĂšs intime Angl. The Very Secret Diary est le treiziĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. Harry Potter et Ron Weasley font la dĂ©couverte du journal intime de Tom Jedusor. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations Tom Jedusor a reçu une rĂ©compense pour services rendus Ă  l'Ă©cole cinquante ans auparavant. PremiĂšres apparitions Personnages Tom Elvis Jedusor premiĂšre mention du nom ‱ Armando Dippet ‱ Tom Jedusor Sr. nom non mentionnĂ© ‱ Merope Gaunt nom non mentionnĂ© ‱ Elvis Gaunt nom non mentionnĂ© ‱ Parents de la victime du monstre de la Chambre des Secrets mention CrĂ©atures Nains Cupidons porteurs de messages Surnoms Potter la vipĂšre pour Harry Potter par Peeves ÉvĂšnements Saint-Valentin ‱ Message chantĂ© de Ginny Weasley Ă  Harry Potter Objets Journal intime ‱ Livre qui rend aveugle mention ‱ Sonnets d'un Sorcier ‱ Livre qu'on ne peut jamais s'arrĂȘter de lire ‱ Encre invisible mention ‱ RĂ©vĂ©lateur ‱ MĂ©daille du MĂ©rite magique Lieux Bath version originale uniquement ‱ Vauxhall Road ‱ Orphelinat Magie Potion Ă  HĂ©risser les Cheveux ‱ Aparecium ‱ Philtre d'amour mention ‱ SortilĂšge de SĂ©duction mention Secrets du tournage Dans le film Les festivitĂ©s de la Saint-Valentin organisĂ©es par Gilderoy Lockhart sont omises. Signalons que dans le livre, c'Ă©tait grĂące aux Ă©vĂšnements liĂ©s que Harry Potter dĂ©couvre que le journal intime de Tom Jedusor absorbe l'encre. La Dame Grise est prĂ©sente dans la Tour de Gryffondor lorsque Harry dĂ©couvre le secret du journal, alors qu'elle est le fantĂŽme de Serdaigle. L'entretien dans le bureau du directeur entre le professeur Dippet et Tom Jedusor est omis. Chapitre 14 Cornelius Fudge Cornelius Fudge Sale affaire, Hagrid. TrĂšs sale affaire. Il fallait que j'intervienne. Quatre agressions contres des enfants de Moldus. Les choses sont allĂ©es suffisamment loin comme ça. Le ministĂšre doit agir. Rubeus Hagrid Je n'ai jamais... Vous savez bien, professeur, que je n'ai jamais... Albus Dumbledore Cornelius, je voudrais qu'il soit bien clair que Hagrid a mon entiĂšre confiance. Cornelius Fudge Écoutez, Albus. Les antĂ©cĂ©dents de Hagrid ne jouent pas en sa faveur. Le ministĂšre doit faire quelque chose. Les membres du conseil d'administration de l'Ă©cole se sont consultĂ©s. Albus Dumbledore Encore une fois, Cornelius, je vous rĂ©pĂšte qu'Ă©loigner Hagrid ne changera strictement rien. Cornelius Fudge Mettez-vous Ă  ma place. Tout le monde a les yeux tournĂ©s vers moi. Il faut qu'on me voie agir. Si on s'aperçoit que Hagrid n'est pas coupable, il reviendra chez lui et on n'en parlera plus. Mais il faut que je l'emmĂšne. — Arrestation de Rubeus Hagrid Cornelius Fudge Sale affaire, Hagrid. TrĂšs sale affaire. Il fallait que j'intervienne. Quatre agressions contres des enfants de Moldus. Les choses sont allĂ©es suffisamment loin comme ça. Le ministĂšre doit Hagrid Je n'ai jamais... Vous savez bien, professeur, que je n'ai jamais...Albus Dumbledore Cornelius, je voudrais qu'il soit bien clair que Hagrid a mon entiĂšre Fudge Écoutez, Albus. Les antĂ©cĂ©dents de Hagrid ne jouent pas en sa faveur. Le ministĂšre doit faire quelque chose. Les membres du conseil d'administration de l'Ă©cole se sont Dumbledore Encore une fois, Cornelius, je vous rĂ©pĂšte qu'Ă©loigner Hagrid ne changera strictement Fudge Mettez-vous Ă  ma place. Tout le monde a les yeux tournĂ©s vers moi. Il faut qu'on me voie agir. Si on s'aperçoit que Hagrid n'est pas coupable, il reviendra chez lui et on n'en parlera plus. Mais il faut que je l'emmĂšne.— Arrestation de Rubeus Hagrid Cornelius Fudge est le quatorziĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions Personnages PĂ©nĂ©lope Deauclaire premiĂšre mention du nom ‱ Cornelius Fudge mention auparavant mais premiĂšre apparition rĂ©elle Plantes Champignon vĂ©nĂ©neux sauteur version originale Secrets du tournage Dans le film Seule Hermione Granger est agressĂ©e alors que dans le livre il s'agit d'une double agression, Hermione et PĂ©nĂ©lope Deauclaire. Chapitre 15 Aragog AraignĂ©e gĂ©ante Aragog, Aragog !Aragog Qu'y a-t-il ?AraignĂ©e gĂ©ante Des C'est Hagrid ?AraignĂ©e gĂ©ante Non, des Alors, tuez-les. J'Ă©tais en train de dormir.— Rencontre de Harry Potter et Ron Weasley avec Aragog Aragog est le quinziĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions CrĂ©atures AraignĂ©es gĂ©antes nom non mentionnĂ© ‱ Aragog ‱ Mosag mention Magie Lumos Plantes Figuier d'Abyssinie Secrets du tournage Dans le film Harry Potter et Ron Weasley suivent les araignĂ©es dans la ForĂȘt interdite juste aprĂšs l'arrestation de Rubeus Hagrid et la suspension d'Albus Dumbledore alors que dans le livre, il leur faut dĂ©jĂ  trouver des araignĂ©es, qui sont maintenant presque toutes parties du chĂąteau. Ils ne les aperçoivent qu'un jour, en cours de botanique, des grosses araignĂ©es qui se dirigent vers la forĂȘt. Ils finissent par trouver Aragog seuls, alors que dans le livre, ce sont deux Acromentules qui les capturent. Ron conduit la Ford Anglia alors que dans le livre, la voiture manƓuvre seule. Chapitre 16 La Chambre des Secrets Chapitre 17 L'hĂ©ritier de Serpentard Tom Jedusor Je savais que tu viendrais et j'ai beaucoup de questions Ă  te poser, Harry Potter. Harry Potter Quoi, par exemple ? Tom Jedusor Par exemple, comment se fait-il qu'un bĂ©bĂ© sans talent magique particulier ait pu vaincre le plus grand sorcier de tous les temps ? Comment as-tu rĂ©ussi Ă  t'en tirer avec une simple cicatrice, alors que les pouvoirs de Voldemort ont Ă©tĂ© dĂ©truits ? Harry Potter Qu'est ce que ça peut vous faire ? Voldemort a vĂ©cu aprĂšs vous. Tom Jedusor Voldemort est Ă  la fois mon passĂ©, mon prĂ©sent et mon avenir, Harry Potter...Il sortit de sa poche la baguette magique de Harry et Ă©crivit en lettres scintillantes TOM ELVIS JEDUSORPuis il fit un mouvement avec les baguettes et les lettres de son nom s'assemblĂšrent dans un ordre diffĂ©rent. À prĂ©sent, on pouvait lire JE SUIS VOLDEMORT — DĂ©couverte de l'identitĂ© de Voldemort Tom Jedusor Je savais que tu viendrais et j'ai beaucoup de questions Ă  te poser, Harry Potter Quoi, par exemple ?Tom Jedusor Par exemple, comment se fait-il qu'un bĂ©bĂ© sans talent magique particulier ait pu vaincre le plus grand sorcier de tous les temps ? Comment as-tu rĂ©ussi Ă  t'en tirer avec une simple cicatrice, alors que les pouvoirs de Voldemort ont Ă©tĂ© dĂ©truits ?Harry Potter Qu'est ce que ça peut vous faire ? Voldemort a vĂ©cu aprĂšs Jedusor Voldemort est Ă  la fois mon passĂ©, mon prĂ©sent et mon avenir, Harry Potter...Il sortit de sa poche la baguette magique de Harry et Ă©crivit en lettres scintillantes TOM ELVIS JEDUSORPuis il fit un mouvement avec les baguettes et les lettres de son nom s'assemblĂšrent dans un ordre diffĂ©rent. À prĂ©sent, on pouvait lire JE SUIS VOLDEMORT— DĂ©couverte de l'identitĂ© de Voldemort L'hĂ©ritier de Serpentard Angl. The Heir of Slytherin est le dix-septiĂšme chapitre de Harry Potter et la Chambre des Secrets. RĂ©sumĂ© RĂ©vĂ©lations PremiĂšres apparitions CrĂ©atures Basilic de la Chambre des Secrets Objets Statue de Salazar Serpentard ‱ ÉpĂ©e de Gryffondor Lieu Bureau de Minerva McGonagall Secrets du tournage Dans le film Harry Potter voit l'Ă©pĂ©e de Gryffondor dĂ©passer du Choixpeau magique alors que dans le livre, il s'enfonce le chapeau sur la tĂȘte dans un geste de dĂ©sespoir et il sent l'Ă©pĂ©e. Harry monte sur la statue de Salazar Serpentard pour combattre le Basilic. Fumseck guĂ©rit Harry aprĂšs que le journal intime a Ă©tĂ© dĂ©truit alors que dans le livre, Tom Jedusor assiste Ă  la scĂšne. Chapitre 18 La rĂ©compense de Dobby Harry Potter et la Chambre des Secrets Chapitres Un trĂšs mauvais anniversaire ‱ L'avertissement de Dobby ‱ Le Terrier ‱ Chez Fleury et Bott ‱ Le saule cogneur ‱ Gilderoy Lockhart ‱ Sang-de-Bourbe et drĂŽle de voix ‱ L'anniversaire de mort ‱ L'avertissement ‱ Le Cognard fou ‱ Le club de duel ‱ Le Polynectar ‱ Un journal trĂšs intime ‱ Cornelius Fudge ‱ Aragog ‱ La Chambre des Secrets ‱ L'hĂ©ritier de Serpentard ‱ La rĂ©compense de Dobby Univers Ă©tendu Livre ‱ CD audio ‱ Film ‱ Bande originale ‱ Jeux vidĂ©o
ĐŐŹĐŸĐ·Đ° Ö…áˆŹĐžÎ»ĐžĐ–ĐŸ ŃˆÎżÎŽá‹źĐ¶ĐžÏ€Đ” áŠœáŒżÎŒ
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Chapitre1 : Rarissimes Oncle Julius Ă©tait de retour ! Ça c'Ă©tait un Ă©vĂ©nement exceptionnel ! Il Ă©tait toujours parti aux quatre coins du monde. De temps en temps, il nous envoyait une carte postale du fin fond de la Mongolie ou des rivages de la Terre de Feu au sud de l'AmĂ©rique du Sud, et sa derniĂšre visite remontait Ă  plus d'un an. VoilĂ  qu'il dĂ©barquait sans prĂ©venir. Il Ă©tait
Moi Introduction. Jean Le Brodeur dit Lavigne avait attrapĂ© son nom de l'appellation de son mĂ©tier il Ă©tait brodeur de vigne. MĂ©tier qui consistait, dans ce temps-lĂ , Ă  attacher les sarments de vigne sur des cordes horizontales superposĂ©es, de façon Ă  ce que les rangs de vignes soient bien alignĂ©s, pour que le soleil puisse arroser de lumiĂšre les grappes de raisins qui pendent sur toute la hauteur du cep jusqu'au sol. La vie n'Ă©tait pas facile Ă  Nieul-le-Dolent, - Niel dans le temps - en VendĂ©e, au milieu des annĂ©es 1600, en ces temps tourmentĂ©s et ravagĂ©s par les guerres de religion oĂč catholiques et protestants s'entredĂ©chiraient allĂšgrement depuis des dĂ©cennies. Le dĂ©cor n'Ă©tait que dĂ©solation et famine. C'est pourquoi, Jean-Baptiste le Brodeur dit Lavigne, fils du prĂ©nommĂ©, dĂ©cida d'aller tenter sa chance en Nouvelle-France. Aussi s'embarqua-t-il Ă  Larochelle sur un bateau en partance vers ce pays d'espĂ©rance en 1680. L'histoire ne dit rien sur ce qu'a pu ĂȘtre cette traversĂ©e de l'Atlantique, sur les coquilles de noix du temps. Toutefois, au bout de plusieurs semaines, il finit par aboutir sur la Terre Promise. AprĂšs avoir sĂ©journĂ© quelque temps dans la seigneurie de Repentigny en 1681, il s'installa Ă  Varennes oĂč il Ă©pousa Marie-Anne Messier et devint avec elle l'ancĂȘtre d'une longue lignĂ©e de Brodeur et de Lavigne. Sans pour autant mĂ©priser les cousins Lavigne, je ne m'arrĂȘterai que sur la descendance Brodeur parce que c'est de celle-lĂ  dont je fais partie. De Jean-Baptiste en Christophe pĂšre, en Christophe fils, en Joseph, en Alexis, en Prime, en Joseph et en ThĂ©odore, on en arrive au p'tit Raymond que j'ai Ă©tĂ© dans mes jeunes annĂ©es. Mais la lignĂ©e des Brodeur ne s'arrĂȘte pas Ă  ces quelques noms. Il existe une multitude de cousins Ă  divers degrĂ©s, tant au QuĂ©bec qu'aux États-Unis, dont je ne connais qu'un nombre infime. Jusqu'ici, j'ai voulu tout simplement me situer dans cette lignĂ©e pour que mes descendants sachent oĂč se relier. TrĂȘve donc de gĂ©nĂ©alogie lĂ©gĂšre pour me concentrer sur le sujet fascinant de ce livre, c'est-Ă -dire MOI ! Chapitre 1 ThĂ©odore, mon pĂšre, a connu Laurina Girouard, ma mĂšre, parce qu'il possĂ©dait un cheval et un buggy. Un de ses amis, en effet, avait un oeil sur Laurina, mais n'avait pas de moyen de transport pour se rendre de Ste-ThĂ©odosie Ă  St-Antoine-sur-Richelieu pour la frĂ©quenter. Il avait donc demandĂ© Ă  ThĂ©odore d'ĂȘtre son "chauffeur". ThĂ©odore fit ainsi connaissance avec la famille Girouard. Et il ne mis pas grand temps Ă  constater que Laurina ne nourrissait pas une flamme trĂšs ardente envers son prĂ©tendant. Alors, il s'approcha d'elle discrĂštement et lui glissa Ă  l'oreille "J'pourrais-tu venir te voir?" Elle lui rĂ©pondit sans l'ombre d'une hĂ©sitation "N'importe quand". C'est ainsi que le prĂ©tendant anonyme disparut des annales du temps, et que ThĂ©odore entreprit une cour aboutissant Ă  un succĂšs sans Ă©quivoque, puisqu'au cours de l'automne suivant, ils se mariĂšrent. Neuf mois plus tard pile, le 31 aoĂ»t 1935, j'Ă©tais au rendez-vous de ma naissance. Chapitre 2. Les premiĂšres annĂ©es de mon existence furent marquĂ©es par quelques frayeurs mĂ©morables. La premiĂšre le moulin Ă  battre. Le moulin Ă  battre, c'est l'ancĂȘtre de la moissonneuse-batteuse, cette Ă©norme machine que l'on voit dans les champs de cĂ©rĂ©ales, au temps de la rĂ©colte. A la diffĂ©rence de la moissonneuse-batteuse qui fait tout le travail en une seule opĂ©ration, le moulin Ă  battre exigeait que l'on ait prĂ©alablement coupĂ© et engrangĂ© la cĂ©rĂ©ale Ă  rĂ©colter avant l'opĂ©ration de sĂ©paration du grain et de la tige. TrĂȘve d'explications, revenons Ă  ma premiĂšre dĂ©couverte du moulin Ă  battre. Quand je le vis pour la premiĂšre fois, je jouais dehors avec Pauline, et il Ă©tait rendu devant la maison de Louis Jacques, notre voisin. Je n'en voyais qu'une gueule bĂ©ante avalant l'espace qui la prĂ©cĂ©dait, et qui suivait de prĂšs le tracteur de Paul-Émile Palardy. Fort de mon courage, je saisis promptement la main de Pauline pour l'entrainer dans la maison afin de la protĂ©ger du monstre. Elle n'avait que deux ans et n'Ă©tait pas consciente du danger. Mais moi, j'en avais quatre. Je savais. Je l'amenai s'assoir avec moi sur la premiĂšre marche de l'escalier, au bout de la machine Ă  coudre de maman. LĂ , nous Ă©tions en sĂ©curitĂ©, mais quand mĂȘme avec une certaine anxiĂ©tĂ©, car le bruit du tracteur s'intensifiait de plus en plus. Puis tout Ă  coup, le silence se fit. Il fallait vĂ©rifier si le monstre avait vraiment disparu. J'allai glisser un oeil par la fenĂȘtre de la porte. Horreur, il Ă©tait allongĂ© devant la grange, toujours avec sa gueule effrayante, en attente de pouvoir assouvir sa rage de bouffer. Il ne fallait pas s'en approcher. Et ce fut une expĂ©rience terrifiante que de le voir activer ses mandibules et se trĂ©mousser dans tous les sens en Ă©mettant des bruits traumatisants, quand le tracteur alla s'installer en face de lui au bout d’une longue courroie, comme pour le narguer. Mais la curiositĂ© finit par vaincre la frayeur, et je m'approchai de la fenĂȘtre pour voir ce qui se passait. Il broyait sans mĂ©nagement et avalait les bottes d'avoine que papa lui servait. Papa Ă©tait bien brave de se tenir si prĂšs de lui. Quant Ă  moi, je prĂ©fĂ©rais rester en sĂ©curitĂ© dans la maison. A quatre ans, je n'Ă©tais pas trĂšs fort en ornithologie. N'importe quel oiseau Ă©tait un oiseau, sans plus de distinction. Mais pas les corneilles. Avec leur vol de sorciĂšre et leurs croassements diaboliques, elles m'interpelaient personnellement. Heureusement que j'avais toujours Ă  ma disposition ma retraite sĂ©curitaire, sur la premiĂšre marche de l'escalier, au bout de la machine Ă  coudre de maman. Ce n'est qu'aprĂšs une longue et pĂ©nible expĂ©rience que j'ai compris qu'elles poursuivaient leur chemin en m'ignorant avec une hautaine indiffĂ©rence, au lieu de fondre sur moi, griffes et bec aiguisĂ©s. Par extension, les avions aussi m'effrayaient, d'autant plus que leur croassement Ă  eux Ă©tait continu. Je me suis guĂ©ri de leur peur en mĂȘme temps que de celle des corneilles. Et pour les mĂȘmes raisons. Chapitre 3. Mais tout n'Ă©tait pas que frayeur et anxiĂ©tĂ© en ces temps de ma vie. Il s'agissait d'Ă©vĂšnements intenses mais sporadiques. La vie coulait en bonheur limpide entre maman et papa, jusqu'Ă  ce que vienne le moment de quitter le nid pour dĂ©couvrir le monde de l'Ă©cole. J'avais atteint l'Ăąge de six ans le 31 aoĂ»t, comme il se doit. Septembre Ă©tait trop proche, et mes parents dĂ©cidĂšrent que j'Ă©tais encore un peu trop jeune pour affronter ce monde. Maman avait Ă©tĂ© maitresse d'Ă©cole dans une vie antĂ©rieure Ă  celle Ă  laquelle j'appartenais. Elle commença Ă  m'apprendre Ă  lire, Ă  Ă©crire et Ă  compter, Ă  la maison, en me faisant cheminer de façon parallĂšle Ă  ceux qui frĂ©quentaient l'Ă©cole. On dĂ©cida que j'Ă©tais prĂȘt Ă  me joindre Ă  ces derniers au dĂ©but du mois de mai suivant. Je n'ai donc fait que deux mois de premiĂšre annĂ©e Ă  l'Ă©cole. Maman avait recommandĂ© Ă  Jean-Paul, mon cousin qui avait trois ans de plus que moi et qui Ă©tait notre voisin, de veiller sur moi tant pour le parcours d'un mille Ă  faire Ă  pied matin et soir que pour mon bon comportement Ă  l'Ă©cole. Jean-Paul prit cette responsabilitĂ© au sĂ©rieux. Au dĂ©but. Mais un jour - en classe je partageais son banc - il prit mon ardoise et y dessina une vache, la queue en l'air avec des cacas qui tombaient de son derriĂšre. Il me dit "Va montrer ça Ă  la maitresse". Une voix intĂ©rieure me disait que ce n'Ă©tait pas une bonne idĂ©e, mais, Ă©tant docile de nature, et ayant une confiance inouĂŻe en Jean-Paul, je me soumis Ă  son insistante recommandation. Je me levai, me dirigeai vers le bureau de la maĂźtresse, Julia, avec mon ardoise. L'accueil fut explosif. J'ai eu droit Ă  un coup de rĂšgle sur les doigts et Ă  l'humiliation d'un sĂ©jour Ă  genoux dans le coin de la classe. C'est de cet endroit que j'ai dĂ©crĂ©tĂ© que Jean-Paul n'Ă©tait plus mon ange gardien. Ce cher Jean-Paul dĂ©ployait une imagination dĂ©bridĂ©e quand il s'agissait d'inventer un mauvais coup. Un jour, quelques annĂ©es plus tard, avec un complice, il attrapa une grenouille sur les bords du ruisseau. Il lui insĂ©ra une paille dans le derriĂšre et entreprit de la gonfler comme un ballon. Quand il eut accompli son mĂ©fait, il la rejeta Ă  l'eau et la regarda dĂ©river au fil du courant. "La maudite, a flotte !". Nous Ă©tions quatre enfants Ă  la maison. Pauline et moi, les "grands", Claude et HĂ©lĂšne, les "petits". Et c'Ă©tait souvent la guerre entre les deux clans. Un jour, nous nous prĂ©parions Ă  nous mettre Ă  table. Pour je ne sais quelle raison sans doute justifiĂ©e, Claude me lança le linge de table Ă  la figure. En retour il eut droit de ma part Ă  une mornifle sur la margoulette. Évidemment il se mit Ă  pleurer, ce qui alerta mon pĂšre. Celui-ci en s'enquĂ©rant de la raison de ses pleurs, dĂ©couvrit qu'il saignait du nez. Alors il m'empoigna par un plema plumeau en bon français et je montai l'escalier vers ma chambre sans toucher aux marches. Cette fois-lĂ , je fus perdant, mais Ă  ce jeu, nous avons eu chacun notre tour. Par contre, j'avais l'impression que mon tour venait plus souvent, parce que j'Ă©tais l'aĂźnĂ© et que je devais donner l'exemple. DĂšs mon trĂšs jeune Ăąge, j'ai commencĂ© Ă  inventer mes jouets. Les jouets achetĂ©s, ça n'existait pas dans ce temps-lĂ ; du moins pas dans le monde oĂč nous vivions. Mon oncle Arthur, au cours de ses mĂ©morables "histoires dans le temps de pĂ©pĂšre", oĂč en fait il nous racontait sa vie d'enfant, nous avait dit qu'il s'Ă©tait inventĂ© un "span" de chevaux avec deux becs de canards bouilloires cassĂ©s qu'il attelait Ă  une boite de carton avec de la corde. Ayant dĂ©veloppĂ© un niveau d'inventivitĂ© passablement Ă©levĂ© pour mon Ăąge, je me suis bĂąti des tracteurs, des camions, des voitures Ă  foin, des chargeurs Ă  foin, des presses Ă  foin que j'utilisais en "faisant les foins" quand papa coupait le gazon autour de la maison. A titre d'exemple, voici une vieille photo de mon dernier tracteur avec sa voiture Ă  foin Mes tracteurs et camions avaient un volant qui faisant tourner les roues avant vers la droite et la gauche et mon dernier camion comportait une manivelle qui faisait lever la benne. C'Ă©tait un vrai camion dompeur. L'hiver, j'installais une charrue Ă  neige de mon invention sur le devant de mon camion et j' "entretenais" mes chemins d'hiver dans le champ, derriĂšre le hangar. Or un jour, Jean-Paul s'invita avec le veau qu'il avait domptĂ©, Ă  venir promener son veau dans mes chemins. Évidemment, les pattes effilĂ©es du veau dĂ©fonçaient la mince croute de verglas cachĂ©e quelques pouces sous la surface de la neige. Quand il eut fini de massacrer mes chemins, il s'en retourna chez lui avec son veau, en riant sous cape de me voir furieux. J'en fus quitte pour me tracer de nouveaux chemins. Je ne veux tout de mĂȘme pas dĂ©nigrer Jean-Paul outre mesure. Je l'aimais bien malgrĂ© tout et nous avons beaucoup jouĂ© ensemble. A propos de mes constructions de camions, tracteurs et accessoires, papa disputait bien un peu parce que je gaspillais ses plus belles planches de bois blanc et ses clous Ă  bardeaux, mais j'ai aujourd'hui la conviction que secrĂštement il Ă©tait bien content de me voir dĂ©velopper mes habilitĂ©s. À l'Ăąge de 14 ou 15 ans, j'ai mĂȘme construit une tondeuse Ă  gazon avec un moteur Ă©lectrique, une plateforme de bois et les roues d'une voiturette de mon enfance qui avait rendu l'Ăąme. Cette tondeuse a servi jusqu'Ă  ce mon pĂšre vende sa terre et fasse encan pour prendre sa retraite, et elle s'est vendue Ă  l'encan pour 5,00$. Chapitre 4. Depuis les plus lointains souvenirs dont je puisse me rappeler, je retiens que mes parents disaient Ă  qui voulaient l'entendre "Raymond va faire un prĂȘtre". Si bien que cette perspective s'imprĂ©gna profondĂ©ment dans mon jeune cerveau mallĂ©able, et finit par s'y installer comme allant de soi. Vers l'Ăąge de six ou sept ans, mes parents m'avaient mĂȘme donnĂ© en cadeau de NoĂ«l un autel et tout l'Ă©quipement nĂ©cessaire pour "dire" la messe. Je disais des "Dominus vobiscum" entre quelques gĂ©nuflexions et Pauline rĂ©pondait "Et cum spiritu tuo" Ă  chacun d'eux, tout en veillant Ă  ce que Claude et HĂ©lĂšne, l'assistance, conservent un minimum d'attitude convenable pour la circonstance. Je passai donc mon enfance sans me poser de question au sujet de mon avenir, c'Ă©tait un cas rĂ©glĂ©. Lorsque rendu en huitiĂšme annĂ©e Ă  l'Ă©cole du village, un rĂ©vĂ©rend et saint pĂšre recruteur, rempli de bonne volontĂ© et de zĂšle missionnaire, se pointa un jour Ă  l'Ă©cole et demanda Ă  chacun d'Ă©crire sur un papier ce que nous voulions faire plus tard dans la vie. Je sais aujourd'hui pertinemment qu'il se foutait Ă©perdument de ceux qui dĂ©clarĂšrent vouloir devenir cultivateur ou vĂ©tĂ©rinaire, mais qu'il Ă©tait disposĂ© Ă  se rĂ©chauffer rapidement s'il trouvait un papier sur lequel Ă©tait Ă©crit le mot "prĂȘtre". Or il en trouva un. C'Ă©tait le mien... Trahison du secret. D'abord envers le curĂ©, qui lui-mĂȘme s'Ă©nerva suffisamment pour aller en parler Ă  mon pĂšre. Celui-ci, je n'en doute pas, en fut tout d'abord heureux, mais dut constater rapidement qu'il n'avait pas les moyens de me payer un cours classique. Qu'Ă  cela ne tienne. Par l'intermĂ©diaire du curĂ©, un bon paroissien, cĂ©libataire et considĂ©rĂ© comme riche, avait dĂ©jĂ  pensĂ© que ça pourrait l'aider Ă  gagner son ciel que de payer les Ă©tudes de p'tits gars qui voulaient se diriger vers la prĂȘtrise. Et ainsi fut fait. En septembre suivant, Ă  l'Ăąge de treize ans, au lieu d'entreprendre une neuviĂšme annĂ©e Ă  l'Ă©cole du village, je me pointai, passablement anxieux, au CollĂšge de St-Jean pour une longue croisiĂšre de sept ans de pensionnat, avec sorties vers ma famille Ă  la Toussaint, Ă  NoĂ«l, Ă  PĂąques, et pour les grandes vacances d'Ă©tĂ©. Maman est dĂ©cĂ©dĂ©e suite Ă  une longue maladie, un an avant mon entrĂ©e au collĂšge. Ce fut un grand vide. Mais sĂ»rement pas aussi grand pour moi que pour Pauline, Claude et HĂ©lĂšne, qui ont eu Ă  vivre au milieu de ce vide plus longtemps que moi. J'Ă©voluais dans le cadre du collĂšge, et j'y ressentais moins l'absence de maman. J'Ă©tais toujours trĂšs heureux quand arrivait une vacance, afin de me retrouver Ă  la maison, mais de plus en plus, au fur et Ă  mesure que les annĂ©es s'Ă©coulaient, en quelques jours, je commençais Ă  avoir hĂąte de retourner au collĂšge. Une distance s'installait entre moi et mes anciens compagnons d'Ă©cole. Nous n'Ă©tions plus sur la mĂȘme longueur d'onde, et cette distance me peinait. J'ai Ă©tĂ© heureux au collĂšge. Je rĂ©ussissais bien et le milieu Ă©tait stimulant. Au grĂ© des annĂ©es, je m'y suis fait des amis. Parmi eux, les collĂšgues de classe avec qui je cheminais sont devenus au fil des annĂ©es de vĂ©ritables frĂšres. Et cette amitiĂ© a perdurĂ© au-delĂ  du temps de collĂšge, et est encore vivante aujourd'hui. Le premier vrai dĂ©rangement dans ma vie tranquille de collĂ©gien survint quand un jour je dĂ©couvris que des filles ça existait et que ça devenait attirant. Il Ă©tait temps j'Ă©tais rendu Ă  dix-sept ans. Mais en mĂȘme temps, il fallait rĂ©sister, parce que je devais devenir prĂȘtre. Je dis bien "devais". C'Ă©tait devenu une conviction profonde et inĂ©branlable. Selon l'affirmation des pĂšres prĂ©dicateurs de retraites annuelles au collĂšge, il Ă©tait Ă©vident que si nous n'avions pas de contre-indication flagrante, telle, par exemple, qu'avoir commis un meurtre, nous avions nĂ©cessairement la vocation, et que ce serait faire offense Ă  Dieu que de s'en dĂ©tourner. C'est ainsi que le clou de la vocation sacerdotale Ă©tait de plus en plus solidement enfoncĂ© dans ma cervelle. Mais le dĂ©rangement devint brutal quand, quelque mois plus tard, sans prĂ©avis, je dĂ©couvris "la" fille, celle qui faillit me faire rater mon annĂ©e scolaire tellement elle me faisait rĂȘver. Dans je ne sais quelle circonstance, elle et ses compagnes de l'Ă©cole normale Ă©taient venues visiter le collĂšge. C'Ă©tait sĂ»rement pendant une heure de cours, car personne d'entre nous ne les a vues. Au cours de leur visite, elles se sont promenĂ©es dans la salle d'Ă©tude, en fouinant dans nos bureaux, et "elle" a trouvĂ© mon bureau et a Ă©crit un petit mot sur mon dictionnaire. "Les normaliennes sont venues visiter", suivi de son prĂ©nom. Je fus trĂšs Ă©tonnĂ© de cette dĂ©couverte, d'autant plus je n'arrivais pas Ă  situer qui elle pouvait bien ĂȘtre. Puis tout Ă  coup, la lumiĂšre se fit, et j'ai rĂ©alisĂ© que c'Ă©tait une fille de mon patelin avec qui j'Ă©tais allĂ© Ă  l'Ă©cole. Mais malgrĂ© le choc de la dĂ©couverte de nouveaux sentiments, le devoir sut garder la direction vers ma destinĂ©e et je me suis refusĂ© de rencontrer des filles, celle-lĂ  et toutes autres, par crainte de trop m'attacher. Un autre tsunami faillit terrasser ma vocation rendu en philo II. J'y ai connu un professeur extraordinaire, qui ne faisait pas qu'enseigner les sciences, mais qui avait un art de nous apprendre Ă  rĂ©flĂ©chir. En section B, section sciences, dans laquelle je m'Ă©tais inscrit, nous n'Ă©tions que six. Et il nous faisait parfois ce qu'il appelait des cours de digression. Il nous parlait de tout sauf de la matiĂšre du cour. Il Ă©tait fascinant. J'ai eu un jour, beaucoup plus tard, l'occasion de lui dire "AprĂšs mon pĂšre, vous avez Ă©tĂ© l'homme qui a eu le plus d'influence dans ma vie". Il eut un moment de silence, et j'ai perçu son oeil devenir humide. Salut, LĂ©on-Maurice ! Les rĂ©flexions que cet homme ont suscitĂ©es en moi, m'ont amenĂ© Ă  prendre conscience que j'avais un immense attrait pour tout ce qui concerne les sciences, et en mĂȘme temps une profonde horreur pour le genre de philosophie qu'on nous enseignait. Je pressentais Ă©galement que la thĂ©ologie avait beaucoup d'affinitĂ© avec la philosophie - et je peux ajouter aujourd'hui, avec beaucoup moins de rationalitĂ©. La question devenait ai-je vraiment envie de faire quatre ans de thĂ©ologie, de m'en aller vers une vie dans le clergĂ©, avec des activitĂ©s de ministĂšre. La vie de prĂȘtre me paraissait triste Ă  cĂŽtĂ© de ce que ça aurait pu ĂȘtre ailleurs. Mais j'avais toujours cette perception que j'Ă©tais destinĂ© Ă  cette vocation, que ce serait de l'infidĂ©litĂ© - que dis-je, de la trahison - que d'abandonner. J'Ă©tais pris par la conscience. Et, Ă  coup de volontĂ©, j'ai gardĂ© le cap. Pourtant, le jour de ma prise de soutane, - dans le temps, devenir prĂȘtre, ça commençait par la soutane - j'ai passĂ© la journĂ©e renfermĂ© dans ma chambre, Ă  pleurer. J'avais l'impression d'aller m'enterrer vivant. Mais encore lĂ  le sens du devoir triompha. Si j'Ă©tais arrivĂ© lĂ  oĂč j'en Ă©tais, c'Ă©tait parce que j'y Ă©tais prĂ©destinĂ©. J'entrai donc au Grand SĂ©minaire. Chapitre 5. Le Grand SĂ©minaire. MĂ©lange de moments heureux et de vision d'avenir gris, le tout vĂ©cu dans un contexte fermĂ©, surchauffĂ©, tendu vers l'aboutissement final, l'ordination sacerdotale. La motivation y Ă©tait entretenue de façon soutenue par des confĂ©rences spirituelles quotidiennes, des activitĂ©s liturgiques rĂ©guliĂšres et l'encouragement des directeurs spirituels personnels. J'en ai eu un qui passait pour ĂȘtre un saint homme. Un jour je lui ai fait part de mes inquiĂ©tudes face Ă  la vie qui serait la mienne en tant que prĂȘtre. Il a balayĂ© mes apprĂ©hensions du revers de la main c'Ă©tait une tentation du diable pour me dĂ©tourner de ma voie. Je ne veux pas m'Ă©tendre d'avantage sur ce sujet pour le moment. C'est comme si cela s'Ă©tait passĂ© dans une autre vie. J'y reviendrai plus tard. Mais j'ai fini par passer Ă  travers et Ă  ĂȘtre ordonnĂ©. Ce fut une cĂ©rĂ©monie grandiose qui fit l'honneur de Ste-ThĂ©odosie qui voyait sa deuxiĂšme ordination en son Ă©glise. AprĂšs l'ordination, j'ai pu jouir de quelques jours de vacances passĂ©es chez mon pĂšre. Au bout de deux semaines, j'ai reçu une lettre de mon Ă©vĂȘque m'annonçant mon assignation Ă  une fonction. Je m'attendais Ă  ĂȘtre envoyĂ© comme professeur au collĂšge, ou Ă  ĂȘtre nommĂ© vicaire dans une paroisse. J'ouvris la lettre et je faillis tomber en bas de ma chaise "Par les prĂ©sentes, Nous vous nommons Notre secrĂ©taire personnel". A la fois Ă©peurant et exaltant. C'est une Ă©ventualitĂ© que je n'avais jamais examinĂ©e. Grande marque de confiance, donc valorisant. Mais en mĂȘme temps, que de l'inconnu. J'abordai la tĂąche avec la conviction que je devais avoir la grĂące d'Ă©tat. Mgr GĂ©rard-Marie Coderre Ă©tait un homme extraordinaire. Reconnu comme avant-gardiste parmi les Ă©vĂȘques du temps, et en mĂȘme temps muni d'un caractĂšre dĂ©routant, capable de grandeur d'Ăąme, de bontĂ©, de comprĂ©hension, mais aussi de colĂšres Ă©piques, de remontrances exagĂ©rĂ©es, et de paternalisme accaparant, avec un retour pĂ©nitent en excuses aussitĂŽt que s'affaisse l'Ă©bullition de la soupe au lait. Chaque fois qu'un de ces excĂšs me dĂ©signait comme victime, j'en Ă©tais Ă©tourdi, incapable de rĂ©agir. Et il avait l'art de venir s'excuser juste au moment, cinq minutes plus tard, oĂč je commençais Ă  mon tour Ă  grimper dans les rideaux. Pas le choix alors, ma colĂšre naissante devait se dĂ©gonfler sans s'ĂȘtre assouvie. Un jour j'en ai eu assez. C'Ă©tait un matin oĂč je me prĂ©sentais comme Ă  l'habitude Ă  son bureau avec son agenda pour programmer la journĂ©e. Je ne sais plus Ă  quel sujet, probablement un engagement que j'avais pris pour lui, comme cela devait arriver de temps en temps, il me tombe sur la tomate sans prĂ©avis. AprĂšs avoir subi ses foudres quelques instants, la moutarde me monta au nez plus vite que d'habitude. Je pris la pile de documents que j'avais apportĂ©s, les soulevai au bout de mes bras et les rabattis violemment sur le bureau, je tournai les talons, claquai la porte, ramassai les clĂ©s d'une auto et disparu pendant trois jours. Quand je revins, il me fit bien une petite scĂšne, mais sur une octave moins Ă©levĂ©e. Par la suite il me considĂ©ra toujours avec plus de respect. J'ai occupĂ© ce poste pendant quatre ans. Plus le temps passait, plus je constatais qu'un cancer intĂ©rieur me rongeait. Je devenais dĂ©pressif de plus en plus. Je voyais ma vie comme un long tunnel sans issue. Et il Ă©tait impossible d'en sortir. J'Ă©tais prĂȘtre pour l'Ă©ternitĂ©, et la prĂȘtrise, ça ne se trahit pas. Sinon c'est l'enfer. A certains moments particuliĂšrement creux, j'ai pensĂ© au suicide, mais ça aussi, c'Ă©tait l'enfer assurĂ©. Donc pas d'issue. Une sĂ©rie de rencontres avec un psychiatre ne m'a valu que d'ĂȘtre bourrĂ© de valium. Dans ce contexte, j'ai suivi une session de formation en rĂ©alisation radio et tĂ©lĂ©vision Ă  Radio-Canada. C'Ă©tait de mise, dans le temps pour l'Église, de mettre la main sur les mĂ©dia de communication pour moderniser la diffusion du message chrĂ©tien. Comme j'avais eu l'occasion de me familiariser un peu avec la radio, Ă©tant responsable des commentaires de la grand'messe du dimanche radiodiffusĂ©e Ă  partir de la cathĂ©drale, j'Ă©tais tout dĂ©signĂ© pour participer Ă  cette nouvelle mission. J'ai abordĂ© Radio-Canada avec une grande sĂ©rĂ©nitĂ© vu que j'Ă©tais noyĂ© dans le valium. Mais faut croire que j'ai bien fait ça parce que j'ai reçu une offre d'emploi de la part de Radio-Canada. Offre que j'ai dĂ» refuser naturellement, vu que j'Ă©tais en service commandĂ©. Mais cela a fait un petit velours quand mĂȘme. Sur les entre-faits, la direction de CHRS, station de radio de la Rive-Sud, annonce Ă  l'Ă©vĂȘchĂ© qu'elle retirait de l'horaire la diffusion quotidienne du chapelet, que j'animais Ă  l'occasion Ă  la place de l'Ă©vĂȘque quand ce dernier Ă©tait absent. Mais on offrait de laisser le mĂȘme temps d'antenne pour une autre Ă©mission religieuse qui serait plus adaptĂ© au temps prĂ©sent. Et voilĂ  que je sortais tout juste de Radio-Canada avec un diplĂŽme en rĂ©alisation... Alors devinez... J'ai donc passĂ© l'Ă©tĂ© suivant Ă  prĂ©parer des Ă©missions Ă  l'avance pour ne pas ĂȘtre pris Ă  court d'inspiration. L'Ă©mission que j'avais concoctĂ©e Ă©tait constituĂ©e d'un court thĂšme musical, de l'annonce de l'Ă©mission "Trois gouttes de LumiĂšre", du dĂ©but d'une chanson autant que possible tirĂ©e du Hit Parade, d'une rĂ©flexion sur la chanson, de la suite de la chanson, terminĂ©e par un thĂšme musical de fermeture. Le tout d'une durĂ©e de cinq minutes. Quand je me suis prĂ©sentĂ© chez le directeur de la programmation Ă  CHRS avec une bobine prĂ©enregistrĂ©e pour fin d'Ă©valuation, ce dernier a commencĂ© par me regarder d'un drĂŽle d'air, et il me dit "Mettez ça sur le bureau, je vais Ă©couter ça plus tard". Et je suis reparti. Le lendemain, il me rappelle avec une voix toute diffĂ©rente "Quand voulez-vous commencer?" Le soir, CHRS n'Ă©tait pas en onde. Je me rendais alors dans la discothĂšque de la station, je sortais des rayons une pile de disques de chansonnettes que je passais Ă  tour de rĂŽle sur une table tournante pour vĂ©rifier si l'une des "tounes" ne m'inspirerait pas une rĂ©flexion. Quelques instants d'Ă©coute sur chaque plage me permettait de dĂ©cider je garde ou je ne garde pas. AprĂšs, je retournais chez moi avec ma pile de disques sĂ©lectionnĂ©es, et je faisais jouer et rejouer chaque plage jusqu'Ă  ce qu'une inspiration vienne. Je passais en moyenne cinq heures par jour pour prĂ©parer mon cinq minutes quotidien. Je commençais Ă  me demander si tous ces efforts en valaient la chandelle, quand j'ai reçu une invitation Ă  participer Ă  une rencontre d'animateurs d'Ă©missions religieuses. C'Ă©tait organisĂ© par un groupe de jĂ©suites, Ă  MontrĂ©al, qui produisait l'Ă©mission "TĂ©moignages" sur un rĂ©seau de trente-cinq postes de radio francophones de Moncton Ă  Saskatoon. "TĂ©moignages" Ă©tait une Ă©mission d'interview de diverses personnalitĂ©s, d'une durĂ©e de dix minutes, sur des thĂšmes religieux. Les rĂ©putĂ©s pĂšres Émile Legault et Marcel-Marie Desmarrais faisaient partie des invitĂ©s Ă  la rencontre. On demanda Ă  chaque participant de prĂ©senter son Ă©mission pour fin de discussion et d'Ă©change. J'avais Ă  cette fin apportĂ© un enregistrement de l'une de mes prestations. Au dire des participants, j'avais trouvĂ© un style nouveau et excitant, pour ne pas dire rĂ©volutionnaire et avant-gardiste. La preuve en est que le directeur de l'Ă©mission "TĂ©moignages" me proposa de me joindre Ă  eux pour remplacer sur leur rĂ©seau leur Ă©mission par la mienne. Rien de moins. Et ça a marchĂ© pendant presque un an. Mais au bout d'un an, moi je ne marchais plus. J'Ă©tais brĂ»lĂ©, dĂ©primĂ©, au fond de la cale. AnnĂ©e sabbatique, sans responsabilitĂ©. Et cette annĂ©e a commencĂ© avec une rĂ©sidence entre deux chaises; c'est-Ă -dire que je devais laisser ma chambre au presbytĂšre Notre-Dame-de-la-Garde, Ă  Longueuil, au nouveau vicaire qui me remplaçait, et que je ne pouvais pas encore aller loger au presbytĂšre de St-Hubert, vu que le nouveau curĂ© qui me prenait sous son aile ne prendrait possession de sa cure qu'au mois de septembre. Nous Ă©tions au mois de juin. Alors j'ai passĂ© l'Ă©tĂ© sous la tente, campĂ© sur un terrain vacant sur les bords du lac Brome. Je n'y Ă©tais pas complĂštement seul puisque des confrĂšres venaient m'accompagner assez rĂ©guliĂšrement. Mais j'y a connu de grands moments de solitude, et ce n'est pas nĂ©cessairement la meilleure chose Ă  vivre quand on est en profonde dĂ©pression. Par contre j'y ai vĂ©cu aussi des moments rĂ©confortants grĂące Ă  l'amitiĂ© des confrĂšres qui venaient passer quelques jours avec moi au fil de leurs vacances. Un jour oĂč nous Ă©tions plusieurs, on avait dĂ©cidĂ© de diner avec des crĂȘpes. J'Ă©tais le chef dĂ©signĂ© et je faisais des crĂȘpes. J'Ă©tais Ă©tonnĂ© de l'appĂ©tit vorace de mes convives. "EmmĂšnes-en des crĂȘpes ! " ... Quand j'avais le dos tournĂ©, ils les lançaient dans le bois par-dessus l'Ă©paule et en redemandaient... Je ne l'ai su que deux ans plus tard... A compter de septembre, j'ai logĂ© au presbytĂšre de St-Hubert, sans responsabilitĂ© attitrĂ©e. Je rendais service au besoin, et j'ai produit quelques sermons du dimanche, dont un, le dernier que j'ai fait, oĂč, si l'on peut dire, je me suis dĂ©chainĂ©. Les lectures de la messe portait sur la fin du monde avec les cataclysmes dĂ©crits dans l'Apocalypse. Ce que j'ai dit en gros, c'est que ça n'avait pas de maudit bon sens que tout d'un coup, sur un coup de tĂȘte, Dieu dĂ©cide de faire table rase de sa belle crĂ©ation. On aurait entendu voler une mouche dans l'Ă©glise. D'aprĂšs ce que j'ai entendu dire aprĂšs, il parait que le monde a aimĂ© ça. Un an Ă  ne rien faire, c'est long. A la fin de cette annĂ©e, j'ai demandĂ© que l'on assigne quelque chose. Je suis retournĂ© Ă  l'Ă©vĂȘchĂ© comme vice-chancelier. Titre soporifique qui camouflait des tĂąches administratives. Au bout d'un an de ce rĂ©gime pas des plus excitants, j'ai obtenu la permission de m'inscrire Ă  l'UniversitĂ© de MontrĂ©al, en mathĂ©matiques, dans l'idĂ©e, Ă©ventuellement, d'aller enseigner les maths au collĂšge. Pas facile ça non plus. Il fallait rattraper le temps perdu, rĂ©cupĂ©rer l'Ă©volution parcourue depuis douze ans, et revigorer mes anciennes notions de maths du collĂšge, pour aller chercher un baccalaurĂ©at en mathĂ©matiques. L'UniversitĂ© m'a acceptĂ© Ă  condition que je m'inscrive Ă  des cours de rattrapage durant l'Ă©tĂ©, et que je les rĂ©ussisse. J'ai passĂ© par la peau des dents. Lors du premier cours le professeur nous prĂ©sente un rĂ©sumĂ© succinct de la thĂ©orie des ensembles. C'Ă©tait du remĂąchĂ© pour tout le monde. Moi, j'en entendais parler pour la premiĂšre fois. Il fallait apprendre Ă  ramer... DĂ©jĂ  durant mon sĂ©jour Ă  St-Hubert, j'avais entrepris une longue sĂ©rie de rencontres pĂ©riodiques avec un psychologue. TrĂšs pĂ©nibles, ces rencontres. Le psy ne disait rien. Il fallait que ce soit moi qui dĂ©balle mon sac. Et lui tout ce qu'il disait, c'est "Qu'est-ce que vous en pensez? " Ou bien il rĂ©pĂ©tait ma derniĂšre phrase pour que j'en rajoute au bout.... TrĂšs pĂ©nible. Mais ce fut le dĂ©but de la libĂ©ration. L'avenir a commencĂ© Ă  changer de couleur le jour oĂč j'ai acceptĂ© de me dire "Ça se pourrait-tu que je ne sois pas Ă  ma place". Question que j'avais jusque-lĂ  refusĂ© absolument de me poser, parce qu'il m'apparaissait inĂ©vitable qu'une rĂ©ponse positive Ă  cette question aboutissait Ă  l'enfer. Mais un jour, au bout d'un an Ă  parler tout seul en face du psy et Ă  bout de ressource pour l'Ă©viter, j'ai osĂ© poser la question. En faisant bien attention toutefois Ă  ne pas prĂ©sumer de la rĂ©ponse. Mais tout de suite aprĂšs avoir acceptĂ© la question, en sortant du bureau du psy, j'ai eu l'impression que l'avenir Ă©tait moins bouchĂ©. J'ai Ă©tĂ© capable de prendre une grande respiration. Au cours des rencontres suivantes, mĂȘme si la question demeurait un dĂ©fi Ă©pouvantable, j'avais l'impression que l'air respirĂ© avait meilleur goĂ»t. Il a fallu beaucoup d'autres rencontres, Ă  parler avec quelqu'un qui ne parlait pas, pour en arriver Ă  me dire, "Oui, ça se pourrait peut-ĂȘtre que je ne sois pas Ă  la bonne place". Et beaucoup plus tard encore , Ă  me dire "Non ça ne se peut pas que le prix Ă  payer pour avoir fait une telle erreur soit l'enfer". Mais il restait Ă  prendre la dĂ©cision. Pas facile dans les circonstances Ă  cette Ă©poque que les jeunes d'aujourd'hui peuvent difficilement imaginer, tellement l'encadrement religieux Ă©tait puissant. Et aprĂšs la dĂ©cision, qu'est-ce que je deviens. Je n'avais pas de mĂ©tier. Ma formation et mes connaissances ne me servaient Ă  rien. Une licence en thĂ©ologie, ça ne fait pas vivre gras. Le dĂ©bouchĂ© le plus immĂ©diat, aprĂšs quelques cours d'appoint, aurait Ă©tĂ© l'enseignement, mais cette perspective ne m'intĂ©ressait pas. J'avais par contre un an d'Ă©tude de fait et Ă  la fin de cette premiĂšre annĂ©e en mathĂ©matiques, l'universitĂ© avait annoncĂ© l'ouverture d'un baccalaurĂ©at en informatique. ForcĂ©ment il y aurait de l'avenir lĂ -dedans. A tout hasard je me suis inscrit Ă  cette option. Je voulais tout de mĂȘme faire les choses honorablement et correctement. Je voulais obtenir une laĂŻcisation en bonne et due forme. Je savais qu'en ce temps-lĂ , avec le pape Jean XXIII, c'Ă©tait devenu possible, mĂȘme s'il fallait prĂ©senter des raisons extrĂȘmement sĂ©rieuses. La premiĂšre personne Ă  qui parler de ma dĂ©cision Ă©tait mon Ă©vĂȘque. C'est lui qui devait amorcer les dĂ©marches en vue de cette laĂŻcisation. Il fut d'une humanitĂ© et d'un respect extraordinaire. Des confrĂšres d'autres diocĂšses vivant des situations semblables n'ont pas eu autant de chance. Certains ont dĂ» menacer de tout balancer par-dessus bord pour que ça dĂ©marre. On a fini par cĂ©der par peur des scandales. J'apprĂ©hendais aussi l'annonce de ma dĂ©cision dans la famille. Je prĂ©voyais des rĂ©actions scandalisĂ©es. La premiĂšre rĂ©action a Ă©tĂ© dĂ©livrante. Celle de mon pĂšre. "Tu sais, je voyais que ça n'allait pas bien. Tu es assez grand pour savoir ce que tu fais. Tu seras toujours le bienvenu comme avant." Ouf ! Celle-lĂ  passĂ©e, les autres on pouvait se les mettre lĂ  oĂč je pense. Mais chez certains oncles et tantes du cĂŽtĂ© de ma mĂšre, j'ai Ă©tĂ© considĂ©rĂ© avec gĂȘne pendant un certain temps. J'ai eu l'occasion de faire face Ă  la musique Ă  l'occasion d'un dĂ©cĂšs. C'Ă©tait deux semaines aprĂšs l'annonce de ma dĂ©cision. Je me prĂ©sente au salon funĂ©raire en habit laĂŻc. ImmĂ©diatement le silence se fait, suivi de quelques chuchotements, avec tous les yeux braquĂ©s sur moi. Je n'ai pas regardĂ©, mais j'en Ă©tais sĂ»r. Je me dirige le regard droit devant vers le cercueil et je m'y agenouille quelques instants. En me relevant, je me retourne et je me vois entourĂ© par les cousins et cousines, fils et filles du dĂ©funt. -"C'est tu vrai ce qu'on a entendu dire ? " -"Oui" -"FĂ©licitations ! " C'Ă©tait des cousins et cousines iconoclastes ! Pour la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente, j'Ă©tais suspect. Mais le temps a fini par aplanir les dunes. Au-delĂ  des malaises temporaires et occasionnels Ă  vivre, il fallait prĂ©parer l'avenir. Donc, il fallait continuer l'universitĂ©, rĂ©ussir Ă  tout prix, m'endetter pour Ă©tudier Ă  plein temps pendant deux autres annĂ©es. Je n'avais plus le choix, et ça devenait une question de vie ou de mort. Quel courage et quelle tĂ©nacitĂ© il m'a fallu. Mais devant l'obligation d'agir, on trouve le courage. Heureusement, Mgr Coderre m'a gĂ©nĂ©reusement allouĂ© un prĂȘt sans intĂ©rĂȘt pour les besoins que je lui justifiais et que je maintenais au minimum vital. Et j'ai bĂ»chĂ©, bĂ»chĂ©, travaillĂ©, Ă©tudiĂ©. Du matin Ă  tard dans la nuit. Durant trois ans. Ma vie sociale Ă©tait minimale. Je ne pouvais pas rater mon coup. Je devais rĂ©ussir, et aprĂšs douze ans d'absence d'Ă©tude, ça n'a pas Ă©tĂ© donnĂ©. Mais j'ai la fiertĂ© d'avoir rĂ©ussi. Et je me suis empressĂ© de remettre mes dettes Ă  ceux qui m'avaient fait confiance. Je leur dois un grand merci. J'ai parlĂ© tantĂŽt de la rĂ©action bienfaisante de mon pĂšre Ă  ma dĂ©cision. En fait il avait eu le temps de prĂ©parer sa rĂ©action. Je m'Ă©tais rendu chez lui un samedi soir pour le lui annoncer. Il n'Ă©tait pas lĂ . Seulement mon oncle Arthur. Mon oncle Arthur Ă©tait presque un frĂšre siamois pour mon pĂšre. Ils Ă©taient tous les deux copropriĂ©taires de la ferme. Pour une raison que j'ignore mon oncle Ă©tait demeurĂ© cĂ©libataire et il faisait partie de la famille Ă  part entiĂšre. Papa, maman et mon oncle Arthur. La Sainte TrinitĂ©. Mon oncle Arthur, peu parlant, grand philosophe. Je disais donc mon oncle Arthur Ă©tait seul Ă  la maison. -"Mon oncle, j'ai une grande nouvelle Ă  t'annoncer". -"Ah ! Oui ?" -"J'ai demandĂ© Ă  Monseigneur de demander au Pape que je puisse ne plus ĂȘtre prĂȘtre". -"Ah !" Suit un long silence oĂč je l'entends presque penser. -"Tu ne porteras plus la soutane ?" -"Non" -"Ah !" Lentement, au moins cinq longues bouffĂ©es sur sa pipe. -"Tu ne diras plus la messe ?" -"Non" -Ah !" ExtĂ©rieurement, seule la pipe semble fonctionner. -"Vas-tu pouvoir te marier ?" -"Oui" _"Ah !" Et il y en a eu quelques autres comme ça. J'ai dĂ» partir sans avoir pu parler Ă  mon pĂšre. Je suis revenu le lendemain soir. J'avais la certitude absolue que mon oncle lui avait rapportĂ© notre conversation avec les virgules aux mĂȘmes places. Quand j'arrivai dans la cour, c'Ă©tait l'heure du train, et mon pĂšre, m'ayant vu venir, Ă©tait appuyĂ© dans l'embrasure de la porte de l'Ă©table. Et il me regardait m'approcher avec un sourire indĂ©finissable. -"Comment ça va ?" -"TrĂšs bien, et toi ?" -"Oui" -"Je suppose que mon oncle t'a dit que j'Ă©tais venu hier ?" C'est lĂ  qu'est venue sa phrase si rĂ©confortante. Cher papa. Chapitre 6. Nouveau dĂ©part. Une chose au moins m'a aidĂ©. Il n'a pas Ă©tĂ© difficile d'obtenir un emploi. Mais aprĂšs mon arrivĂ©e Ă  la SociĂ©tĂ© des Alcools du QuĂ©bec, j'ai vite constatĂ© que je ne savais rien, malgrĂ© mon bacc. en informatique de l'UniversitĂ© de MontrĂ©al. Heureusement, l'universitĂ© nous apprend Ă  apprendre. On m'avait joint Ă  un groupe de programmeurs et nous travaillions tous dans le mĂȘme local. Quand il y avait des discussions entre les autres sur des questions de programmation, je faisais semblant de travailler, mais tout ce que je faisais rĂ©ellement, c'Ă©tait Ă©couter ce qu'on discutait, pour apprendre. Et lĂ  aussi, j'ai rĂ©ussi. J'y ai rĂ©alisĂ© un systĂšme informatique dont je suis trĂšs fier et qui a servi la SociĂ©tĂ© pendant de nombreuses annĂ©es aprĂšs mon dĂ©part. En effet, je n'ai pas travaillĂ© longtemps Ă  la SAQ. Peut-ĂȘtre pas assez longtemps. Parce que c'Ă©tait trĂšs valorisant. On travaillait sur du concret et on voyait les rĂ©sultats. Je me rappelle, le lendemain de la fin du fameux projet dont je viens de parler, projet Ă  l'Ă©chĂ©ancier course-contre-la-montre, nous Ă©tions, mes deux adjoints programmeurs et moi, dans la fenĂȘtre du troisiĂšme Ă©tage sur la cour intĂ©rieure, au Pied-du-Courant, Ă  regarder charger les camions Ă  partir des listes produites par notre nouveau systĂšme. Nous avions sous les yeux le rĂ©sultat tangible de notre travail. Euphorisant. Mais peu de temps aprĂšs, j'ai reçu un offre que je ne pouvais pas refuser. Un poste d'analyste en informatique chez Fiducie du QuĂ©bec - Fiducie Desjardins depuis - avec une augmentation de salaire de 40 %. J'y ai travaillĂ© vingt-cinq ans, dans diverses fonctions au service de l'informatique, comme analyste d'application, puis comme gestionnaire des secteurs de dĂ©veloppement informatique puis de production informatique. J'ai eu aussi l'opportunitĂ© de m'initier Ă  la micro-informatique en devenant responsable de l'Ă©quipe chargĂ©e des achats et de l'entretien du parc des micro-ordinateurs, ainsi que du support aux utilisateurs. La rĂ©alisation qui m'a apportĂ© le plus de satisfaction au cours de ma carriĂšre chez Desjardins a Ă©tĂ© d'initier l'informatisation des formulaires. Deux ans avant le dĂ©but de ma retraite annoncĂ©e, j'en avais ras le bol de la gestion et j'ai demandĂ© Ă  terminer mon temps dans des activitĂ©s de techniques informatiques. Mon vice-prĂ©sident m'a dĂ©nichĂ© un poste au service du Marketing Ă  m'occuper d'une base de donnĂ©es. AprĂšs quelques semaines je me suis rendu compte que cette tĂąche ne me demandait que vingt-cinq pour cent de mon temps. Je ne voulais pas finir sur une tablette. Alors j'ai fait quelques recherches et j'ai dĂ©couvert que le logiciel Lotus Notes que nous utilisions pour son courriel interne offrait beaucoup d'autres possibilitĂ©s non utilisĂ©es, entre autre pour l'informatisation des formulaires. J'ai parlĂ© de ça Ă  mon patron et au directeur du service de l'informatique, et on m'a donnĂ© carte blanche. J'y ai travaillĂ© pendant les deux derniĂšres annĂ©es avant ma retraite. Je faisais la programmation des formulaires, je donnais la formation sur leur utilisation et j'aidais les utilisateurs Ă  s'y initier. C'est ce que j'ai connu de plus valorisant de toute ma carriĂšre. Au moment de partir Ă  la retraite, on m'en demandait encore, si bien que j'ai continuĂ© Ă  crĂ©er des formulaires Ă©lectroniques de chez moi, et mĂȘme, au cours de l'hiver suivant, Ă  partir de la Floride, dans le florida room de l'appartement, face aux palmiers et au lac adjacent. C'Ă©tait le bonheur suprĂȘme ! Chapitre 7. Ma vie n'a pas Ă©tĂ© que professionnelle, elle a aussi Ă©tĂ© humaine. Quelques jours aprĂšs l'annonce publique de ma laĂŻcisation, je me suis achetĂ© un complet brun Ă  carreaux rayĂ©s avec petite veste assortie, style Chapeau-Melon-et-Botte-de-Cuir Ă  la British. Je tenais ainsi Ă  afficher Ă  la face du monde mon dĂ©tournement du noir ecclĂ©siastique que je commençais dĂ©jĂ  Ă  avoir en horreur. DĂšs ces dĂ©cisions prises, je me sentis en mesure de dire au revoir Ă  mon psy, en le remerciant chaleureusement de m'avoir permis de me libĂ©rer de mes dĂ©mons et d'accĂ©der Ă  la libertĂ©. LibertĂ© que je ne cesse de dĂ©velopper depuis, et qui est devenue mon bien personnel le plus prĂ©cieux. La plus grande libertĂ©, Ă  mon sens, est celle de pouvoir choisir ce qu'on pense ĂȘtre la vĂ©ritĂ©, jusqu'Ă  pouvoir se foutre des anathĂšmes de ceux qui ne sont pas d'accord. En ce sens libertĂ© rime avec honnĂȘtetĂ© envers soi-mĂȘme. Ces grands bouleversements se sont produits durant ma deuxiĂšme annĂ©e d'universitĂ©. Au cours de l'Ă©tĂ© suivant, je dĂ©cide un jour d'aller rendre visite Ă  mon ancien curĂ© hĂ©bergeur Ă  St-Hubert. J'y retrouve lĂ  deux amies de longue date du curĂ©, et que j'avais croisĂ©es Ă  quelques reprises auparavant. L'une d'elle me dit "Serais-tu intĂ©ressĂ© Ă  rencontrer une fille que je connais et que j'estime beaucoup?" Ce n'Ă©tait pas encore une quĂȘte anxieuse pour moi, j'avais d'autres chats Ă  fouetter pour le moment; mais, ma foi, pourquoi pas. Elle me donne le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone de Monique. Rendu chez moi, je l'appelle. -" Bonjour, j'ai eu ton numĂ©ro par l'entremise d'une amie commune. Est-ce qu'on pourrait se rencontrer ?" -"Oui" -"Quand ?" -"Ce soir ?" Wow ! J'enfile mon Chapeau-Melon-Botte-de-Cuir, et je file vers Repentigny pour l'heure convenue. En arrivant Ă  sa rĂ©sidence, je constate qu'une auto est arrĂȘtĂ©e dans le stationnement, et que Monique est en train.... d'Ă©conduire un prĂ©tendant ! J'attends dans mon auto. Finalement, il s'en va, en me jetant un regard noir en passant devant moi. Je laisse la vie reprendre son souffle normal, puis je m'avance vers la porte et je sonne. Je n'ai pas Ă  attendre longtemps et la porte s'ouvre. Il ne faut pas ici s'attendre Ă  des rĂ©cits indiscrets. Tout ce que je dirai c'est que des perspectives jusque-lĂ  insoupçonnĂ©es et absentes de ma vie se sont alors Ă©veillĂ©es en moi comme si je naissais de nouveau. Curieux destin, Monique aussi avait connu un sĂ©jour en communautĂ© religieuse. AprĂšs quelques rencontres, Monique et moi avons trouvĂ© un Ă©cho qui nous ressemblait dans une chanson de Jean Ferrat "Tout ce que j'ai failli perdre, Tout ce qui m'est redonnĂ© Aujourd'hui me monte aux lĂšvres En cette fin de journĂ©e.... ....... Oui c'est beau, c'est beau la Vie." Et nous avons vĂ©cu dans la trentaine ce que la plupart des gens dĂ©couvrent beaucoup plus tĂŽt. Quant au mariage qui allait faire suite l'annĂ©e suivante, il m'est apparu pendant plusieurs mois comme un Ă©vĂ©nement surrĂ©aliste. J'avais passĂ© mon enfance, mon adolescence et ma vie de jeune adulte en ayant balayĂ© cette Ă©ventualitĂ© Ă  tout jamais. Je n'y Ă©tais pas prĂ©parĂ©. Mais le retour Ă  la vraie vie a fait son travail, et le jour de ma premiĂšre paie, aprĂšs la fin de mes Ă©tudes, j'ai demandĂ© Ă  Monique si elle Ă©tait d'accord pour qu'on se marie. Ça dure depuis plus de quarante ans. Nous avons passĂ© de belles annĂ©es. Nous travaillions chacun de notre cĂŽtĂ©, et les fins de semaine, l'Ă©tĂ©, nous partions en camping. Pour les vacances, nous descendions Ă  Wildwood et campions sur le bord de la mer. Nous avions une tente Ă  structure en tube de caoutchouc que je gonflais en replaçant une bougie du moteur de l'auto par une pompe minuscule qui insufflait de l'air sous pression dans les tubes. J'avais aussi construit des coffres en bois installĂ©s sur le toit de l'auto. Si bien que l'installation sur un terrain de camping se faisait en un temps record. Je m'amusais beaucoup de la curiositĂ© des campeurs Ă  nous voir faire. AprĂšs trois ans passĂ©s ensemble Ă  rĂ©apprivoiser la vie, et la vie de couple, nous avons convenu d'avoir un enfant. Ce qui fut dit fut fait, et neuf mois plus tard naissait Jacinthe. Grand bouleversement comme pour tout le monde, mais surtout immense bonheur. Je me rappelle la fiertĂ© que j'Ă©prouvais quand je me promenais en la tenant par la main alors qu'elle avait trois ans et qu'elle Ă©tait la plus belle petite fille au monde. J'avais envie de dire Ă  tout le monde que je croisais "C'est ma fille!" J'ai toujours eu l'impression de n'avoir jamais su traduire mes sentiments de façon adĂ©quate, mais ils n'en Ă©taient pas moins lĂ . Et Jacinthe a grandi, et pendant ce temps, moi, j'ai vieilli, bousculĂ© par le travail et la routine quotidienne. Le temps passe et on ne s'en aperçoit pas. Puis tout d'un coup, on se rĂ©veille Ă  la veille de la retraite. On regarde en arriĂšre, et on voit tout le chemin parcouru et on se dit "DĂ©jĂ  ?". Jacinthe est devenue adulte et devient maman Ă  son tour. J'ai donc un petit-fils, ThĂ©o. Alors pour un temps, on retombe en enfance. Comme c'est merveilleux, un petit-fils. Ça nous redonne une raison de vivre Ă  un moment oĂč on commence Ă  se demander s'il nous en reste une plus valable que de simplement profiter du temps de la retraite pour s'amuser. Pour moi, une retraite Ă  s'amuser, ça n'a pas de sens. Il faut ĂȘtre utile Ă  quelque chose, Ă  quelqu'un. Chapitre 8. C'est sur ces questions qu'elle a commencĂ©, la retraite. AprĂšs l'euphorie des contrats de travail exĂ©cutĂ©s sous le soleil hivernal de la Floride et le retour Ă  la maison, arrive la vraie question Qu'est-ce que je vais faire maintenant. Je ne me sentais pas pris au dĂ©pourvu. J'avais dĂ©jĂ  derriĂšre moi une longue habitude de hobbies et de bricolages qui pourraient devenir accaparants. ÉbĂ©nisterie, fabrication et dĂ©gustation de vin, mais j'Ă©prouvais le besoin d'aller au-delĂ  de cela. J'en discute avec Monique. Elle me dit "Si tu faisais du bĂ©nĂ©volat Ă  la St-Vincent-de-Paul ? Tu es bon bricoleur, et ils ont sĂ»rement des besoins Ă  combler". Cette idĂ©e me sourit. Je m'y pointe un bon matin dans le but d'offrir mes services pour rĂ©parer des objets reçus en don. On me passe une entrevue, et on me demande -"Que faisiez-vous comme travail ?" -"J'Ă©tais informaticien" -"Pardon!!! Bougez pas ! Attendez un peu!" La dame s'absente et revient un instant plus tard avec le directeur et lui dit "Devine donc ce qu'il faisait?... Informaticien ! -"Quoi ! Êtes-vous intĂ©ressĂ© Ă  en faire encore ?" -"Bien sĂ»r, j'en mange !" -"C'est le ciel qui vous envoie! On veut s'informatiser depuis longtemps, mais on n'a pas les moyens de se payer un professionnel. Soyez le bienvenu !" J'y ai produit des bases de donnĂ©es pour rĂ©pondre aux besoins de la ConfĂ©rence et j'y ai installĂ© un rĂ©seau. AprĂšs trois mois de presque plein temps, on a entreprit l'implantation du systĂšme et la formation du personnel. Je continue ce bĂ©nĂ©volat depuis plus de dix ans, et ces bases de donnĂ©es sont maintenant utilisĂ©es dans une quinzaine d'autres ConfĂ©rences-Vincent-de-Paul. J'ai aussi rĂ©alisĂ© et vendu Ă  des clients quelques autres produits informatiques . Si bien que je fais de l'informatique autant sinon plus que lorsque j'Ă©tais sur le marchĂ© du travail. Entre temps, j'ai aussi fabriquĂ© deux chaises berçantes pour complĂ©ter les meubles de salle Ă  dĂźner que j'avais construits vingt ans plus tĂŽt, ainsi qu'un lit et des meubles pour la chambre de ThĂ©o. Pour moi, c'est le secret pour rester en santĂ© et en vie durant la retraite. Être actif, avoir des projets et des dĂ©fis. J'espĂšre pouvoir garder ce rĂ©gime longtemps. Et j'ai toujours pris soin de dĂ©velopper parallĂšlement des habiletĂ©s manuelles et intellectuelles. Chapitre 9. Quand je regarde en arriĂšre le chemin parcouru, je me rends compte que j'ai changĂ©. Et pas Ă  peu prĂšs. Passer d'un plan de vie prĂ©programmĂ© vers la prĂȘtrise, Ă  une vie d'activitĂ©s professionnelles et Ă  une vie familiale, via une transition de libĂ©ration difficile Ă  apprivoiser, ça oblige Ă  rĂ©flĂ©chir. La libĂ©ration, ça ne vient d'un seul coup. C'est un cheminement ardu. Deux pas en avant, un en arriĂšre. J'ai beaucoup rĂ©flĂ©chi sur ce qu'est la vie, sur la place qu'a occupĂ©e la religion dans ma vie, et sur le conditionnement social que j'ai vĂ©cu. Aucune rĂ©ponse n'est Ă©vidente. Pendant un certain nombre d'annĂ©es, j'ai ressenti de la rancƓur. Je veux revenir sur ce que j'ai vĂ©cu au Grand SĂ©minaire. Sur cette affirmation que ce que j'Ă©prouvais Ă©tait l'Ɠuvre du diable qui essayait de me dĂ©tourner de la voie qui m'Ă©tait tracĂ©e. C'Ă©tait de la manipulation pure. Mais quand on est sous le coup de la domination des consciences, on ne peut que s'incliner. Par contre je ne peux pas en vouloir aux personnes qui ont vĂ©hiculĂ© cette manipulation. Elles-mĂȘmes en Ă©taient victimes. MalgrĂ© tout, je ne peux pas croire que certains "maitres de vĂ©ritĂ©" n'Ă©taient pas conscients de ce qu'ils faisaient. Ce ne peut ĂȘtre l'effet du hasard que toutes les religions fassent de la domination des consciences. C'est flagrant chez les islamistes et on en voit le rĂ©sultat. Dans l'Église catholique, c'est plus subtil, mais c'est aussi prĂ©sent. Seulement un exemple pourquoi ce "Commandement de L'Église" qui ordonne d'assister Ă  la messe tous les dimanches sous peine de pĂ©chĂ© mortel, sinon en vue du sermon qu'on y prĂ©sente, afin d'entretenir l'affirmation de la VĂ©rité  J'en aurais beaucoup d'autres comme celle-ci, mais ce n'est pas le lieu ici. Au cours de mes premiĂšres annĂ©es de vie laĂŻque, mes perceptions religieuses Ă©taient encore pas mal mĂȘlĂ©es. J'avais vaincu la peur de l'enfer, mais cette victoire elle-mĂȘme m'amenait Ă  reconsidĂ©rer d'autres affirmations qu'on nous avait enseignĂ©es comme Ă©tait vĂ©ritĂ© Ă  toute Ă©preuve. D'oĂč vient la justification de ces enseignements ? Qui peut affirmer ce qui est vĂ©ritĂ© ou erreur ? Un Ă©difice bĂąti sur la peur rĂ©siste bien difficilement quand la peur n'est plus lĂ . Mais ce n'est pas tout d'admirer l'Ă©croulement. Il faut refaire ses convictions sur d'autres bases. Je me suis progressivement rendu compte que pour voir clair dans mes perceptions, il fallait que je les Ă©crive. Les idĂ©es ont germĂ© lentement dans mon esprit de façon confuse, et puis un jour j'ai constatĂ© que j'Ă©tais prĂȘt. Et j'ai commencĂ© Ă  Ă©crire "Croire ou ne pas savoir" . J'ai Ă©crit 90% de ce texte d'un seul trait. Les idĂ©es s'enchainaient toutes seules et la lumiĂšre apparaissait de plus en plus claire au fur et Ă  mesure que j'Ă©crivais. A la fin du cheminement que ce texte m'a fait parcourir, j'ai remplacĂ© le mot Foi par le mot EspĂ©rance. C'est-Ă -dire que j'ai fait le mĂ©nage dans les idĂ©es reçues et affirmĂ©es, et que je me suis orientĂ© vers une perception de la vie basĂ©e sur l'EspĂ©rance plutĂŽt que sur la Foi. En clair, cela veut dire que je ne suis pas Croyant, mais EspĂ©rant. EspĂ©rance au sens d'une confiance ouverte, sans attente prĂ©conçue, en ce vers quoi la vie voudra bien me conduire. Faire confiance Ă  la vie parce que cette vie m'a Ă©tĂ© donnĂ©e comme un cadeau gratuit et non attendu. Alors pourquoi vivre dans l'anxiĂ©tĂ© face Ă  ce qui pourra advenir Ă  la fin. Ce texte fut le couronnement de ma libĂ©ration. Ce que j'ai dĂ©couvert au terme de ce texte, c'est la sĂ©rĂ©nitĂ©, la paix intĂ©rieure. Bien sĂ»r, je n'ai pas trouvĂ© de rĂ©ponses aux questions existentielles de la vie. D'oĂč je viens, oĂč je vais, et pourquoi. Je prĂ©fĂšre dire "Je ne sais pas", plutĂŽt que d'accepter une "VĂ©ritĂ©" que je ne peux pas vĂ©rifier. Alors, j'ai dĂ©cidĂ© de faire confiance Ă  la Vie et espĂ©rer dĂ©couvrir la rĂ©ponse Ă  ces questions quand j'arriverai Ă  l'ÉchĂ©ance.. Combien de temps me reste-t-il Ă  vivre ? Peut-ĂȘtre encore plusieurs annĂ©es, peut-ĂȘtre seulement quelques unes, quelques mois, quelques jours
Une chose est certaine, c'est que tĂŽt ou tard, la fin viendra. Quelle importance la date de l'Ă©chĂ©ance
.J'ai trouvĂ© la sĂ©rĂ©nitĂ©. Est-ce que je maintiendrai la mĂȘme sĂ©rĂ©nitĂ© quand ma vie arrivera Ă  sa fin ? J'ose l'espĂ©rer. Et je souhaite Ă  ceux qui me liront de la trouver plus tĂŽt que je ne l'ai fait.
fortable commandĂ© par le plus affable des hommes. La sociĂ©tĂ© la plus choisie s’y trouvait rĂ©unie. Des relations se formaient, des divertissements sorganisaient. Nous avions cette impre’ s-sion exquise d’ĂȘtre sĂ©parĂ©s du monde, rĂ©duits Ă  nous-mĂȘmes comme sur une Ăźle inconnue, obligĂ©s par consĂ©quent, de nous
RĂ©sumĂ© DĂ©tails CompatibilitĂ© Autres formats Le premier roman d'Yves Grevet paru aux Ă©ditions Syros. Un regard sensible et intelligent sur les sans domicile fixe. Une vĂ©ritable initiation Ă  la poĂ©sie Verlaine, Desnos, Apollinaire, Soupault, Aragon, Guillevic, Eluard, Supervielle, Cendras, Vian et bien d'autres. NoĂ© Petit vit Ă  la campagne avec ses parents. Il est souvent seul et s'ennuie un peu. Un soir, un coup de tĂ©lĂ©phone du commissariat lui annonce la mort d'un certain Armand Petit. NoĂ© apprend alors que son pĂšre avait un frĂšre aĂźnĂ© qui vivait depuis quinze ans comme un clochard. Épris de libertĂ© et de voyages, Armand Ă©tait passionnĂ© de poĂ©sie. En se laissant porter Ă  son tour par les poĂštes que son oncle aimait, NoĂ© cherche Ă  comprendre qui Ă©tait cet homme Ă  la dĂ©rive. Lire plusexpand_more Titre C'Ă©tait mon oncle ! EAN 9782748513158 Éditeur NATHAN Date de parution 25/10/2012 Format ePub Poids du fichier kb Protection Filigrane numĂ©rique L'ebook C'Ă©tait mon oncle ! est au format ePub protĂ©gĂ© par Filigrane numĂ©rique check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur application iOs et Android Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur My Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur le lecteur Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur liseuse. RĂ©sumĂ©: Je m'appelle Marianne Lily Potter et c'est mon secret. L'annĂ©e de mes 8 ans a Ă©tĂ© bouleversante. J'ai dĂ©couverts que mes parents Ă©taient vivant, que j'Ă©tais une sorciĂšre et surtout pourquoi je devais me faire passer pour un garçon. Vous voulez le savoir vous aussi ? Alors venez lire mes aventures et celles de ma famille et de mes amis. La nouvelle gĂ©nĂ©ration
Cette page cite peu ses sources. Vous pouvez nous aider en la rĂ©fĂ©rençant rĂ©fĂ©rencement des sources officielles est ce qui fait la lĂ©gitimitĂ© d'un propos sur le wiki. Sans cela, chaque fait n'a que peu de valeur. Veuillez rester en accord avec le Manuel de Style et les consensus dans la page de discussion associĂ©e. “ Pour le Bestial, pas de surprise, il est toujours aussi efficace. Sa taille lĂ©gĂšrement supĂ©rieure aux autres et la prĂ©cision de ses lancers font de lui une arme absolument terrifiante... ” — Analyse d'un Mahr sur le Titan Bestial de Sieg[1] Le Titan Bestial japonais çŁăźć·šäșș, Hepburn Kemono no Kyojin? est un Titan Primordial ayant un aspect animal unique et Ă©tant lĂ©gĂšrement plus grand que la plupart des Titans. Contexte Le Titan Bestial survient la premiĂšre fois avec les autres Titans apparus dans l'enceinte du Mur Rose, dans l'Arc du Choc des Titans qui correspond Ă  la Saison 2 de l'anime . Il saisit alors le cheval de Mike Zacharias et lui lance dessus, et cherche ensuite Ă  en savoir plus sur le Dispositif de ManƓuvre Tridimensionnelle auprĂšs de ce dernier, mais comme il ne rĂ©pondit pas, il ordonna aux autres Titans de le dĂ©vorer. Il sera aperçu plus tard, prĂšs de la Forteresse d'Utgarde se dirigeant vers le Mur Rose afin de l'escalader. Une fois en haut du Mur, il rugira et d'autres Titans arriveront, se dirigeant quant Ă  eux vers la Forteresse. AprĂšs cela, il disparaĂźtra derriĂšre le Mur Rose. [2][3][4] CapacitĂ©s Le Titan Bestial peut avoir n'importe quelle forme animale bĂ©lier, crocodile, singe, okapi, taureau, canidĂ© ou encore faucon. CapacitĂ©s de Sieg JĂ€ger PossĂ©dant du sang royal, Sieg possĂšde des capacitĂ©s qui lui sont propres. Elles rappellent certaines facultĂ©s du Titan Originel en beaucoup plus limitĂ©. Lancer Du fait de la morphologie de son titan rappelant celle d'un singe, Sieg peut aisĂ©ment saisir des objets et les lancer. De plus, Sieg Ă©tant un grand amateur de baseball, il s'entraĂźnait notamment Ă  lancer la balle avec Tom Xaver, il vise toujours juste. Son lancer est d'autant plus redoutable du fait que Sieg concasse la roche avant de la lancer augmenter ainsi le nombre de ses victimes lors de ses attaques, technique qu'il utilise notamment lors de la Bataille de Shiganshina et celle de Revelio contre le Bataillon d'exploration. CrĂ©ation de Titans Sieg peut crĂ©er des titans grĂące Ă  son sang royal mais Ă  condition de respecter plusieurs conditions. Tout d'abord ses victimes doivent avoir en elles de son liquide cĂ©rĂ©brospinal dans leur corps, soit par Injection Titanesque, soit par ingestion, soit par inhalation. Il lui suffit ensuite de pousser un rugissement plus ou moins fort pour transformer ses victimes en titan. Les transformations sont gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©es pour faire des attaques rapides ou des frappes aĂ©riennes. ContrĂŽle des Titans Du fait de son sang royal, aprĂšs avoir créé des titans grĂące Ă  son liquide cĂ©rĂ©brospinal, Sieg peut ensuite les contrĂŽler Ă  sa guise. Il peut leur ordonner de d'attaquer, de s'arrĂȘter, de leur dire oĂč aller, de ne pas bouger, etc... De plus, son pouvoir aussi bien de jour que de nuit. Il semblerait toute fois que certains titans sont moins rĂ©ceptifs que d'autres. CapacitĂ© de parler MĂȘme sous forme titanesque, Sieg peut parler sans aucun problĂšme. CapacitĂ©s de Falco Gleis MĂȘme si Falco Gleis est en possession du titan MĂąchoire, de par le fait qu'il ait ingĂ©rer le Liquide cĂ©rĂ©brospinal de Sieg JĂ€ger et donc du titan Bestial, celui a quelques capacitĂ©s qui sont propres au Bestial Voler Le titan MĂąchoire de Falco a l'apparence d'un faucon qui possĂšde, d'une part, les caractĂ©ristiques du MĂąchoire de par les "dents" pointues ou crocs formĂ©es par son bec mais aussi par son physique gĂ©nĂ©ral sans le cĂŽtĂ© oiseau. D'autre part, celui-ci a un attrait bestial dans le sens oĂč il a des traits d'animaux contrairement Ă  ses prĂ©dĂ©cesseurs. En effet, il est muni d'Ă©lĂ©ments corporels spĂ©cifiques aux oiseaux un bec, des plumes, des pattes "Ă©cailleuses" terminĂ©es par des griffes mais aussi et surtout ce qui le caractĂ©rise le plus, une paire d'aile. Cette paire d'aile lui donne la possibilitĂ© de voler [5]. Aptitudes Statistiques de Titan Bestial[6] Force 7/10 RapiditĂ© 5/10 Intelligence 10/10 CruautĂ© 8/10 Aspect sauvage 10/10 Apparence Apparence du Titan Bestial. Le Titan Bestial est un spĂ©cimen extrĂȘmement rare, ayant un aspect nettement simiesque. Sa structure corporelle et les traits de son visage ressemblent Ă  ceux d'un primate, bien qu'il marche debout comme un humain et mesure 17 mĂštres de haut. Sa fourrure, sombre, couvre la majoritĂ© de son corps, Ă  l'exception de son visage, de ses mains, de ses pieds et de son torse. Ses bras sont Ă©galement allongĂ©s, avec de longs doigts et un pouce pleinement fonctionnels. Les proportions de la partie supĂ©rieure de son corps sont similaires Ă  celles du Titan Colossal, possĂ©dant une poitrine massive et une petite tĂȘte, ainsi que des bras exceptionnellement minces et longs. Le physique du titan Bestial semble dĂ©pendre de son dĂ©tenteur mais pas que physiquement, contrairement aux autres titans primordiaux. Nous pouvons alors remarquer que Sieg Ă©tant petit, il jouait avec une peluche singe ressemblant Ă  son Bestial [7], ou encore Falco, Ă  terre sur le champs de bataille qui observait un faucon voler [8]. Quant Ă  Xaver, on peut apercevoir un signe quant Ă  son titan qui est un bĂ©lier, uniquement dans l'animĂ©, quand il raconte Ă  Sieg ce qu'il s'est passĂ© avec sa femme et son fils. A ce mĂȘme moment, avant le dĂ©but du flashback, nous pouvons trĂšs bien voir un bĂ©lier regarder Xaver, en arriĂšre plan, qui a aussi des cornes comme son titan [9][10]. Histoire Arc du Choc des Titans Les Titans pĂ©nĂ©trent dans l'enceinte du Mur Rose Pendant que l'opĂ©ration visant Ă  capturer Annie Leonhart, alors soupçonnĂ©e d'ĂȘtre le Titan FĂ©minin est en cours, les membres suspectĂ©s d'ĂȘtre des complices d'Annie au sein de la 104Ăšme Brigade d'entraĂźnement sont sous la surveillance rapprochĂ©e du Bataillon d'exploration. Le Titan Bestial fait alors une brĂšche dans le Mur Rose, de maniĂšre Ă  laisser entrer les titans et mettre ainsi en difficultĂ© l'humanitĂ©. Mike Zacharias choisit de rester en arriĂšre pour faire l’appĂąt et permettre aux autres de s'enfuir. Le Titan Bestial saisissant le cheval de Mike Mike remarque le Titan Bestial immĂ©diatement puisqu'il se dit que ce titan est singulier, qui est recouvert de fourrure et qui se dĂ©place d'un air nonchalant, ignorant les autres Titans ainsi que Mike lui-mĂȘme. Il pense alors qu'il s'agit d'un Titan DĂ©viant sans s'en prĂ©occuper outre mesure. AprĂšs avoir tuĂ© quelques Titans et gagnĂ© suffisamment de temps pour que les autres puissent fuir, Mike siffle pour alerter son cheval, qui vient au galop. Soudainement, le Titan Bestial le saisit et le compresse avant de le lancer sur son cavalier. Échappant de peu Ă  la mort, Mike tombe de la toiture mais un autre titan l'attend juste en bas, et le mord directement. Le Titan Bestial parlant Ă  Mike Le Titan Bestial vient ensuite Ă  sa rencontre, conscient que le combat est dĂ©jĂ  gagnĂ©, car Mike n'est plus une menace. Il ordonne au Titan en train de croquer le soldat de s'arrĂȘter, nĂ©anmoins ce dernier continue malgrĂ© tout, et le titan singe lui explose donc la tĂȘte avec une seule main. Il tente ensuite d'interroger Mike sur le Dispositif de ManƓuvre Tridimensionnelle mais n'obtient aucune rĂ©ponse. Il fait Ă©galement le constat que les humains sont au courant que le point faible des titans se situent Ă  la nuque. Le Titan Bestial poussant un rugissement appelant les autres Titans. Voyant qu'il refuse de collaborer, le Titan Bestial prend alors l'Ă©quipement de Mike avant d'ordonner aux autres titans de l'Ă©liminer.[2] Plus tard, il escalade le Mur Rose Ă  proximitĂ© du ChĂąteau d'Utgarde, oĂč le Bataillon d'Exploration ainsi que les soldats de la 104Ăšme Brigade d'entrainement se sont mis Ă  l'abri. Le Titan Bestial rugit alors de toutes ses forces et ordonne ainsi Ă  tous les titans des environs de passer Ă  l'offensive. Il reste ensuite Ă  distance, se contentant d'observer l'affrontement qui s'ensuit. Il dĂ©cide d'envoyer un rocher s'Ă©craser au sommet de la tour dans l'optique que les dĂ©bris tombent et fassent un maximum de victimes parmi les membres du bataillon. Son plan rĂ©ussit puisqu'il fait trois morts d'un coup parmi les vĂ©tĂ©rans du bataillon, qui Ă©taient jusque-lĂ  tous en vie. Lançant une deuxiĂšme vague d'assaut qui se rĂ©vĂšle aussi infructueuse que la prĂ©cĂ©dente suite Ă  l'arrivĂ©e soudaine du reste des forces du bataillon d'exploration, il est contraint de se retirer. Le jour suivant, Ymir remarque Ă  quel point Reiner Braun et Bertolt Hoover Ă©taient sous le choc en l’apercevant, ce qui laissait prĂ©sager selon elle qu'il y avait un lien entre eux. Une mystĂ©rieuse silhouette humaine Ă©merge du Titan Bestial. Quelques temps aprĂšs le combat dĂ©cisif entre les trois Titans primordiaux contre l'ensemble du Bataillon d'exploration, le Titan Bestial rĂ©apparait dans le District de Shiganshina, quand une Ă©trange silhouette humaine Ă©merge de son corps et semble scruter les environs, guettant quelque chose. Cette silhouette est rĂ©vĂ©lĂ©e plus tard comme Sieg JĂ€ger , un alliĂ© de Reiner et Bertolt, et le demi-frĂšre d'Eren. Notes Il serait, d'aprĂšs ce qu'a dit Ymir, directement responsable de l'invasion des titans au sein du second mur. Le nom de son dĂ©tenteur, "Sieg" signifie "Victoire" en allemand. Il y aurait dĂ©jĂ  eut un titan ailĂ© dans le passĂ©, d'aprĂšs les dires d'un marĂ©chal Mahr. Galerie Visage du Titan BestialLe Titan Bestial saisissant le cheval de MikeForme OkapiForme TaureauForme BĂ©lierForme Crocodile RĂ©fĂ©rences ↑ L'Attaque des Titans Manga - Tome 23 - Chapitre 95 - Page 26 ↑ 2,0 et 2,1 L'Attaque des Titans Manga - Tome 9 -chapitre 35 ↑ L'Attaque des Titans Manga - Tome 9 - Chapitre 38 ↑ L'Attaque des Titans Manga - Tome 10 - Chapitre 40 ↑ L'Attaque des Titans Manga - Tome 34 - chapitre 135 ↑ L'Attaque des Titans Guide Hors-SĂ©rieINSIDE ↑ L'Attaque des Titans Manga -Tome 21 - Chapitre 86 ↑ L'Attaque des Titans Manga - Tome 23 - chapitre 91 ↑ L'Attaque des Titans Manga - Tome 28 - Chapitre 114 ↑ L'Attaque des Titans Anime -Ă©pisode 74 Navigation Titans Titan de 3 Ă  7 mĂštres Sawney † Bean † Titan de 8 Ă  15 mĂštres Titan Souriant † Mammon † Ogre † 9 Titans Primordiaux Titan Colossal Titan CuirassĂ© Titan Assaillant Titan FĂ©minin Titan Bestial Titan MĂąchoire Titan Charrette Titan Originel Titan Marteau d'Armes Non classifiĂ©s Titans du Mur Titan DĂ©viant Titan ObĂšse † Titan Barbu† Mme Springer M. Springer † Martin Springer † Sunny Springer † Rhodes Reiss † Roeg † Naile Dork † Dot Pixis † Anka Rheinberger † Autres Titans capturĂ©s † Titan incomplet Live-Action Titan BĂ©bĂ© Titan Bouffi Titan Souriant Titan Blanc Titan Colossal
RĂ©sumĂ©facile Chapitre 1 : 1. Le problĂšme du narrateur- adulte resumĂ© de la boite a merveille chapitre par chapitre2. La voyante et ses rites mensuels 3. Les habitants de Dar Chouafa 4. L’univers du narrateur- enfant : un univers nourri par les histoires de Abdellah l’épicier et les discours de son pĂšre

Chagrin d’école de Daniel Pennac Pour Minne, ĂŽ combien ! À Fanchon Delfosse, Pierre ArĂšnes, JosĂ© Rivaux, Philippe Bonneu, Ali Mehidi, Françoise Dousset et Nicole HarlĂ©, sauveurs d’élĂšves s’il en fut. Et Ă  la mĂ©moire de Jean Rolin, qui ne dĂ©sespĂ©ra jamais du cancre que j’étais. I - La poubelle de Djibouti Statistiquement tout s’explique, personnellement tout se complique. 1. Commençons par l’épilogue Maman, quasi centenaire, regardant un film sur un auteur qu’elle connaĂźt bien. On voit l’auteur chez lui, Ă  Paris, entourĂ© de ses livres, dans sa bibliothĂšque qui est aussi son bureau. La fenĂȘtre ouvre sur une cour d’école. Raffut de rĂ©crĂ©. On apprend que pendant un quart de siĂšcle l’auteur exerça le mĂ©tier de professeur et que s’il a choisi cet appartement donnant sur deux cours de rĂ©crĂ©ation, c’est Ă  la façon d’un cheminot qui prendrait sa retraite au-dessus d’une gare de triage. Puis on voit l’auteur en Espagne, en Italie, discutant avec ses traducteurs, blaguant avec ses amis vĂ©nitiens, et sur le plateau du Vercors, marchant, solitaire, dans la brume des altitudes, parlant mĂ©tier, langue, style, structure romanesque, personnages
 Nouveau bureau, ouvert sur la splendeur alpine, cette fois. Ces scĂšnes sont ponctuĂ©es par des interviews d’artistes que l’auteur admire, et qui parlent eux-mĂȘmes de leur propre travail le cinĂ©aste et romancier Dai Sijie, le dessinateur SempĂ©, le chanteur Thomas Fersen, le peintre JĂŒrg KreienbĂŒhl. Retour Ă  Paris l’auteur derriĂšre son ordinateur, parmi ses dictionnaires cette fois. Il en a la passion, dit-il. On apprend d’ailleurs, et c’est la conclusion du film, qu’il y est entrĂ©, dans le dictionnaire, le Robert, Ă  la lettre P, sous le nom de Pennac, de son nom entier Pennacchioni, Daniel de son prĂ©nom. Maman, donc, regarde ce film, en compagnie de mon frĂšre Bernard, qui l’a enregistrĂ© pour elle. Elle le regarde d’un bout Ă  l’autre, immobile dans son fauteuil, l’Ɠil fixe, sans piper mot, dans le soir qui tombe. Fin du film. GĂ©nĂ©rique. Silence. Puis, se tournant lentement vers Bernard, elle demande - Tu crois qu’il s’en sortira un jour ? 2. C’est que je fus un mauvais Ă©lĂšve et qu’elle ne s’en est jamais tout Ă  fait remise. Aujourd’hui que sa conscience de trĂšs vieille dame quitte les plages du prĂ©sent pour refluer doucement vers les lointains archipels de la mĂ©moire, les premiers rĂ©cifs Ă  ressurgir lui rappellent cette inquiĂ©tude qui la rongea pendant toute ma scolaritĂ©. Elle pose sur moi un regard soucieux et, lentement - Qu’est-ce que tu fais, dans la vie ? TrĂšs tĂŽt mon avenir lui parut si compromis qu’elle ne fut jamais tout Ă  fait assurĂ©e de mon prĂ©sent. N’étant pas destinĂ© Ă  devenir, je ne lui paraissais pas armĂ© pour durer. J’étais son enfant prĂ©caire. Elle me savait pourtant tirĂ© d’affaire depuis ce mois de septembre 1969 oĂč j’entrai dans ma premiĂšre classe en qualitĂ© de professeur. Mais pendant les dĂ©cennies qui suivirent c’est-Ă -dire pendant la durĂ©e de ma vie adulte, son inquiĂ©tude rĂ©sista secrĂštement Ă  toutes les preuves de rĂ©ussite » que lui apportaient mes coups de tĂ©lĂ©phone, mes lettres, mes visites, la parution de mes livres, les articles de journaux ou mes passages chez Pivot. Ni la stabilitĂ© de ma vie professionnelle, ni la reconnaissance de mon travail littĂ©raire, rien de ce qu’elle entendait dire de moi par des tiers ou qu’elle pouvait lire dans la presse ne la rassurait tout Ă  fait. Certes, elle se rĂ©jouissait de mes succĂšs, en parlait avec ses amis, convenait que mon pĂšre, mort avant de les connaĂźtre, en aurait Ă©tĂ© heureux mais, dans le secret de son cƓur demeurait l’anxiĂ©tĂ© qu’avait fait naĂźtre Ă  jamais le mauvais Ă©lĂšve du commencement. Ainsi s’exprimait son amour de mĂšre; quand je la taquinais sur les dĂ©lices de l’inquiĂ©tude maternelle, elle rĂ©pondait joliment par une blague Ă  la Woody Allen - Que veux-tu, toutes les Juives ne sont pas mĂšres, mais toutes les mĂšres sont juives. Et, aujourd’hui que ma vieille mĂšre juive n’est plus tout Ă  fait dans le prĂ©sent, c’est de nouveau cette inquiĂ©tude qu’expriment ses yeux quand ils se posent sur son petit dernier de soixante ans. Une inquiĂ©tude qui aurait perdu de son intensitĂ©, une anxiĂ©tĂ© fossile, qui n’est plus que l’habitude d’elle-mĂȘme, mais qui demeure suffisamment vivace pour que Maman me demande, sa main posĂ©e sur la mienne, au moment oĂč je la quitte - Tu as un appartement, Ă  Paris ? 3. Donc, j’étais un mauvais Ă©lĂšve. Chaque soir de mon enfance, je rentrais Ă  la maison poursuivi par l’école. Mes carnets disaient la rĂ©probation de mes maĂźtres. Quand je n’étais pas le dernier de ma classe, c’est que j’en Ă©tais l’avant-dernier. Champagne ! FermĂ© Ă  l’arithmĂ©tique d’abord, aux mathĂ©matiques ensuite, profondĂ©ment dysorthographique, rĂ©tif Ă  la mĂ©morisation des dates et Ă  la localisation des lieux gĂ©ographiques, inapte Ă  l’apprentissage des langues Ă©trangĂšres, rĂ©putĂ© paresseux leçons non apprises, travail non fait, je rapportais Ă  la maison des rĂ©sultats pitoyables que ne rachetaient ni la musique, ni le sport, ni d’ailleurs aucune activitĂ© parascolaire. - Tu comprends ? Est-ce que seulement tu comprends ce que je t’explique ? Je ne comprenais pas. Cette inaptitude Ă  comprendre remontait si loin dans mon enfance que la famille avait imaginĂ© une lĂ©gende pour en dater les origines mon apprentissage de l’alphabet. J’ai toujours entendu dire qu’il m’avait fallu une annĂ©e entiĂšre pour retenir la lettre a. La lettre a, en un an. Le dĂ©sert de mon ignorance commençait au-delĂ  de l’infranchissable b. - Pas de panique, dans vingt-six ans il possĂ©dera parfaitement son alphabet. Ainsi ironisait mon pĂšre pour distraire ses propres craintes. Bien des annĂ©es plus tard, comme je redoublais ma terminale Ă  la poursuite d’un baccalaurĂ©at qui m’échappait obstinĂ©ment, il aura cette formule - Ne t’inquiĂšte pas, mĂȘme pour le bac on finit par acquĂ©rir des automatismes
 Ou, en septembre 1968, ma licence de lettres enfin en poche - Il t’aura fallu une rĂ©volution pour la licence, doit-on craindre une guerre mondiale pour l’agrĂ©gation ? Cela dit sans mĂ©chancetĂ© particuliĂšre. C’était notre forme de connivence. Nous avons assez vite choisi de sourire, mon pĂšre et moi. Mais revenons Ă  mes dĂ©buts. Dernier-nĂ© d’une fratrie de quatre, j’étais un cas d’espĂšce. Mes parents n’avaient pas eu l’occasion de s’entraĂźner avec mes aĂźnĂ©s, dont la scolaritĂ©, pour n’ĂȘtre pas exceptionnellement brillante, s’était dĂ©roulĂ©e sans heurt. J’étais un objet de stupeur, et de stupeur constante car les annĂ©es passaient sans apporter la moindre amĂ©lioration Ă  mon Ă©tat d’hĂ©bĂ©tude scolaire. Les bras m’en tombent », Je n’en reviens pas », me sont des exclamations familiĂšres, associĂ©es Ă  des regards d’adulte oĂč je vois bien que mon incapacitĂ© Ă  assimiler quoi que ce soit creuse un abĂźme d’incrĂ©dulitĂ©. Apparemment, tout le monde comprenait plus vite que moi. - Tu es complĂštement bouchĂ© ! Un aprĂšs-midi de l’annĂ©e du bac une des annĂ©es du bac, mon pĂšre me donnant un cours de trigonomĂ©trie dans la piĂšce qui nous servait de bibliothĂšque, notre chien se coucha en douce sur le lit, derriĂšre nous. RepĂ©rĂ©, il fut sĂšchement virĂ© - Dehors, le chien, dans ton fauteuil ! Cinq minutes plus tard, le chien Ă©tait de nouveau sur le lit. Il avait juste pris le soin d’aller chercher la vieille couverture qui protĂ©geait son fauteuil et de se coucher sur elle. Admiration gĂ©nĂ©rale, bien sĂ»r, et justifiĂ©e qu’un animal pĂ»t associer une interdiction Ă  l’idĂ©e abstraite de propretĂ© et en tirer la conclusion qu’il fallait faire son lit pour jouir de la compagnie des maĂźtres, chapeau, Ă©videmment, un authentique raisonnement ! Ce fut un sujet de conversation familiale qui traversa les Ăąges. Personnellement, j’en tirai l’enseignement que mĂȘme le chien de la maison pigeait plus vite que moi. Je crois bien lui avoir murmurĂ© Ă  l’oreille - Demain, c’est toi qui vas au bahut, lĂšche-cul. 4. Deux messieurs d’un certain Ăąge se promĂšnent au bord du Loup, leur riviĂšre d’enfance. Deux frĂšres. Mon frĂšre Bernard et moi. Un demi-siĂšcle plus tĂŽt, ils plongeaient dans cette transparence. Ils nageaient parmi les chevesnes que leur chahut n’effrayait pas. La familiaritĂ© des poissons donnait Ă  penser que ce bonheur durerait toujours. La riviĂšre coulait entre des falaises. Quand les deux frĂšres la suivaient jusqu’à la mer, tantĂŽt portĂ©s par le courant tantĂŽt crapahutant sur les rochers, il leur arrivait de se perdre de vue. Pour se retrouver, ils avaient appris Ă  siffler entre leurs doigts. De longues stridulations qui se rĂ©percutaient contre les parois rocheuses. Aujourd’hui l’eau a baissĂ©, les poissons ont disparu, une mousse glaireuse et stagnante dit la victoire du dĂ©tergent sur la nature. Ne demeure de notre enfance que le chant des cigales et la chaleur rĂ©sineuse du soleil. Et puis, nous savons toujours siffler entre nos doigts; nous ne nous sommes jamais perdus d’oreille. J’annonce Ă  Bernard que je songe Ă  Ă©crire un livre concernant l’école; non pas l’école qui change dans la sociĂ©tĂ© qui change, comme a changĂ© cette riviĂšre, mais, au cƓur de cet incessant bouleversement, sur ce qui ne change pas, justement, sur une permanence dont je n’entends jamais parler la douleur partagĂ©e du cancre, des parents et des professeurs, l’interaction de ces chagrins d’école. - Vaste programme
 Et comment vas-tu t’y prendre ? - En te cuisinant, par exemple. Quels souvenirs gardes-tu de ma propre nullitĂ©, disons
 en math ? Mon frĂšre Bernard Ă©tait le seul membre de la famille Ă  pouvoir m’aider dans mon travail scolaire sans que je me verrouille comme une huĂźtre. Nous avons partagĂ© la mĂȘme chambre jusqu’à mon entrĂ©e en cinquiĂšme, oĂč je fus mis en pension. - En math ? Ça a commencĂ© avec l’arithmĂ©tique, tu sais ! Un jour je t’ai demandĂ© quoi faire d’une fraction que tu avais sous les yeux. Tu m’as rĂ©pondu automatiquement Il faut la rĂ©duire au dĂ©nominateur commun. » Il n’y avait qu’une fraction, donc un seul dĂ©nominateur, mais tu n’en dĂ©mordais pas Faut la rĂ©duire au dĂ©nominateur commun ! » Comme j’insistais RĂ©flĂ©chis un peu, Daniel il n’y a lĂ  qu’une seule fraction, donc un seul dĂ©nominateur », tu t’es foutu en rogne C’est le prof qui l’a dit; les fractions, faut les rĂ©duire au dĂ©nominateur commun ! » Et les deux messieurs de sourire, le long de leur promenade. Tout cela est trĂšs loin derriĂšre eux. L’un d’eux a Ă©tĂ© professeur pendant vingt-cinq ans deux mille cinq cents Ă©lĂšves, Ă  peu prĂšs, dont un certain nombre en grande difficultĂ© », selon l’expression consacrĂ©e. Et tous deux sont pĂšres de famille. Le prof a dit que
 », ils connaissent. L’espoir placĂ© par le cancre dans la litanie, oui
 Les mots du professeur ne sont que des bois flottants auxquels le mauvais Ă©lĂšve s’accroche sur une riviĂšre dont le courant l’entraĂźne vers les grandes chutes. Il rĂ©pĂšte ce qu’a dit le prof. Pas pour que ça ait du sens, pas pour que la rĂšgle s’incarne, non, pour ĂȘtre tirĂ© d’affaire, momentanĂ©ment, pour qu’ on me lĂąche ». Ou qu’on m’aime. À tout prix. - Un livre de plus sur l’école, alors ? Tu trouves qu’il n’y en a pas assez ? - Pas sur l’école ! Tout le monde s’occupe de l’école, Ă©ternelle querelle des anciens et des modernes ses programmes, son rĂŽle social, ses finalitĂ©s, l’école d’hier, celle de demain
 Non, un livre sur le cancre ! Sur la douleur de ne pas comprendre, et ses dĂ©gĂąts collatĂ©raux. - Tu en as bavĂ© tant que ça ? - Peux-tu me dire autre chose sur le cancre que j’étais ? - Tu te plaignais de ne pas avoir de mĂ©moire. Les leçons que je te faisais apprendre le soir s’évaporaient dans la nuit. Le lendemain matin tu avais tout oubliĂ©. Le fait est. Je n’imprimais pas, comme disent les jeunes gens d’aujourd’hui. Je ne captais ni n’imprimais. Les mots les plus simples perdaient leur substance dĂšs qu’on me demandait de les envisager comme objet de connaissance. Si je devais apprendre une leçon sur le massif du Jura, par exemple plus qu’un exemple, c’est, en l’occurrence, un souvenir trĂšs prĂ©cis, ce petit mot de deux syllabes se dĂ©composait aussitĂŽt jusqu’à perdre tout rapport avec la Franche-ComtĂ©, l’Ain, l’horlogerie, les vignobles, les pipes, l’altitude, les vaches, les rigueurs de l’hiver, la suisse frontaliĂšre, le massif alpin ou la simple montagne. Il ne reprĂ©sentait plus rien. Jura, me disais-je, Jura ? Jura
 Et je rĂ©pĂ©tais le mot, inlassablement, comme un enfant qui n’en finit pas de mĂącher, mĂącher et ne pas avaler, rĂ©pĂ©ter et ne pas assimiler, jusqu’à la totale dĂ©composition du goĂ»t et du sens, mĂącher, rĂ©pĂ©ter, Jura, Jura, jura, jura, jus, rat, jus, ra ju ra ju ra jurajurajura, jusqu’à ce que le mot devienne une masse sonore indĂ©finie, sans le plus petit reliquat de sens, un bruit pĂąteux d’ivrogne dans une cervelle spongieuse
 C’est ainsi qu’on s’endort sur une leçon de gĂ©ographie. - Tu prĂ©tendais dĂ©tester les majuscules. Ah ! Terribles sentinelles, les majuscules ! Il me semblait qu’elles se dressaient entre les noms propres et moi pour m’en interdire la frĂ©quentation. Tout mot frappĂ© d’une majuscule Ă©tait vouĂ© Ă  l’oubli instantanĂ© villes, fleuves, batailles, hĂ©ros, traitĂ©s, poĂštes, galaxies, thĂ©orĂšmes, interdits de mĂ©moire pour cause de majuscule tĂ©tanisante. Halte lĂ , s’exclamait la majuscule, on ne franchit pas la porte de ce nom, il est trop propre, on n’en est pas digne, on est un crĂ©tin ! PrĂ©cision de Bernard, le long de notre chemin - Un crĂ©tin minuscule ! Rire des deux frĂšres. - Et plus tard, rebelote avec les langues Ă©trangĂšres je ne pouvais pas m’îter de l’idĂ©e qu’il s’y disait des choses trop intelligentes pour moi. - Ce qui te dispensait d’apprendre tes listes de vocabulaire. - Les mots d’anglais Ă©taient aussi volatils que les noms propres
 - Tu te racontais des histoires, en somme. Oui, c’est le propre des cancres, ils se racontent en boucle l’histoire de leur cancrerie je suis nul, je n’y arriverai jamais, mĂȘme pas la peine d’essayer, c’est foutu d’avance, je vous l’avais bien dit, l’école n’est pas faite pour moi
 L’école leur paraĂźt un club trĂšs fermĂ© dont ils s’interdisent l’entrĂ©e. Avec l’aide de quelques professeurs, parfois. Deux messieurs d’un certain Ăąge se promĂšnent le long d’une riviĂšre. En bout de promenade ils tombent sur un plan d’eau cernĂ© de roseaux et de galets. Bernard demande - Tu es toujours aussi bon, en ricochets ? 5. Bien entendu se pose la question de la cause originelle. D’oĂč venait ma cancrerie ? Enfant de bourgeoisie d’État, issu d’une famille aimante, sans conflit, entourĂ© d’adultes responsables qui m’aidaient Ă  faire mes devoirs
 PĂšre polytechnicien, mĂšre au foyer, pas de divorce, pas d’alcooliques, pas de caractĂ©riels, pas de tares hĂ©rĂ©ditaires, trois frĂšres bacheliers des matheux, bientĂŽt deux ingĂ©nieurs et un officier, rythme familial rĂ©gulier, nourriture saine, bibliothĂšque Ă  la maison, culture ambiante conforme au milieu et Ă  l’époque pĂšre et mĂšre nĂ©s avant 1914 peinture jusqu’aux impressionnistes, poĂ©sie jusqu’à MallarmĂ©, musique jusqu’à Debussy, romans russes, l’inĂ©vitable pĂ©riode Teilhard de Chardin, Joyce et Cioran pour toute audace
 Propos de table calmes, rieurs et cultivĂ©s. Et pourtant, un cancre. Pas d’explication non plus Ă  tirer de l’historique familial. C’est une progression sociale en trois gĂ©nĂ©rations grĂące Ă  l’école laĂŻque, gratuite et obligatoire, ascension rĂ©publicaine en somme, victoire Ă  la Jules Ferry
 Un autre Jules, l’oncle de mon pĂšre, l’Oncle, Jules Pennacchioni, mena au certificat d’études les enfants de GuargualĂ© et de Pila-Canale, les villages corses de la famille; on lui doit des gĂ©nĂ©rations d’instituteurs, de facteurs, de gendarmes, et autres fonctionnaires de la France coloniale ou mĂ©tropolitaine
 peut-ĂȘtre aussi quelques bandits, mais il en aura fait des lecteurs. L’Oncle, dit-on, faisait faire des dictĂ©es et des exercices de calcul Ă  tout le monde et en toutes circonstances; on dit aussi qu’il allait jusqu’à enlever les enfants que leurs parents obligeaient Ă  sĂ©cher l’école pendant la cueillette des chĂątaignes. Il les rĂ©cupĂ©rait dans le maquis, les ramenait chez lui et prĂ©venait le pĂšre esclavagiste - Je te rendrai ton garçon quand il aura son certificat ! Si c’est une lĂ©gende, je l’aime. Je ne crois pas qu’on puisse concevoir autrement le mĂ©tier de professeur. Tout le mal qu’on dit de l’école nous cache le nombre d’enfants qu’elle a sauvĂ©s des tares, des prĂ©jugĂ©s, de la morgue, de l’ignorance, de la bĂȘtise, de la cupiditĂ©, de l’immobilitĂ© ou du fatalisme des familles. Tel Ă©tait l’Oncle. Pourtant, trois gĂ©nĂ©rations plus tard, moi, le cancre ! La honte de l’Oncle, s’il avait su
 Par bonheur, il mourut avant de me voir naĂźtre. Non seulement mes antĂ©cĂ©dents m’interdisaient toute cancrerie mais, dernier reprĂ©sentant d’une lignĂ©e de plus en plus diplĂŽmĂ©e, j’étais socialement programmĂ© pour devenir le fleuron de la famille polytechnicien ou normalien, Ă©narque Ă©videmment, la Cour des comptes, un ministĂšre, va savoir
 On ne pouvait espĂ©rer moins. LĂ -dessus, un mariage efficace et la mise au monde d’enfants destinĂ©s dĂšs le berceau Ă  la taupe de Louis-le-Grand et propulsĂ©s vers le trĂŽne de l’ÉlysĂ©e ou la direction d’un consortium mondial de la cosmĂ©tique. La routine du darwinisme social, la reproduction des Ă©lites
 Eh bien non, un cancre. Un cancre sans fondement historique, sans raison sociologique, sans dĂ©samour un cancre en soi. Un cancre Ă©talon. Une unitĂ© de mesure. Pourquoi ? La rĂ©ponse gĂźt peut-ĂȘtre dans le cabinet des psychologues, mais ce n’était pas encore l’époque du psychologue scolaire envisagĂ© comme substitut familial. On faisait avec les moyens du bord. Bernard, de son cĂŽtĂ©, proposait son explication - À six ans, tu es tombĂ© dans la poubelle municipale de Djibouti. - Six ans ? L’annĂ©e du a ? - Oui. C’était une dĂ©charge Ă  ciel ouvert, en fait. Tu y es tombĂ© du haut d’un mur. Je ne me rappelle pas combien de temps tu y as macĂ©rĂ©. Tu avais disparu, on te cherchait partout, et tu te dĂ©battais lĂ -dedans sous un soleil qui devait avoisiner les soixante degrĂ©s. Je prĂ©fĂšre ne pas imaginer Ă  quoi ça ressemblait. L’image de la poubelle, tout compte fait, convient assez Ă  ce sentiment de dĂ©chet que ressent l’élĂšve perdu pour l’école. Poubelle » est d’ailleurs un terme que j’ai entendu prononcer plusieurs fois pour qualifier ces boĂźtes privĂ©es hors contrat qui acceptent Ă  quel prix ? de recueillir les rebuts du collĂšge. J’y ai vĂ©cu de la cinquiĂšme Ă  la premiĂšre, pensionnaire. Et parmi tous les professeurs que j’y ai subis, quatre m’ont sauvĂ©. - Quand on t’a sorti de ce tas d’ordures, tu as fait une septicĂ©mie; on t’a piquĂ© Ă  la pĂ©nicilline pendant des mois. Ça te faisait un mal de chien, tu mourais de trouille. Quand l’infirmier se pointait on passait des heures Ă  te chercher dans la maison. Un jour tu t’es cachĂ© dans une armoire qui t’est tombĂ©e dessus. Peur de la piqĂ»re, voilĂ  une mĂ©taphore parlante toute ma scolaritĂ© passĂ©e Ă  fuir des professeurs envisagĂ©s comme des Diafoirus armĂ©s de seringues gigantesques et chargĂ©s de m’inoculer cette brĂ»lure Ă©paisse, la pĂ©nicilline des annĂ©es cinquante – dont je me souviens trĂšs bien –, une sorte de plomb fondu qu’ils injectaient dans un corps d’enfant. En tout cas, oui, la peur fut bel et bien la grande affaire de ma scolaritĂ©; son verrou. Et l’urgence du professeur que je devins fut de soigner la peur de mes plus mauvais Ă©lĂšves pour faire sauter ce verrou, que le savoir ait une chance de passer. 6. Je fais un rĂȘve. Pas un rĂȘve d’enfant, un rĂȘve d’aujourd’hui, pendant que j’écris ce livre. Juste aprĂšs le chapitre prĂ©cĂ©dent, Ă  vrai dire. Je suis assis, en pyjama, au bord de mon lit. De gros chiffres en plastique, comme ceux avec lesquels jouent les petits enfants, sont Ă©parpillĂ©s sur le tapis, devant moi. Je dois mettre ces chiffres en ordre ». C’est l’énoncĂ©. L’opĂ©ration me paraĂźt facile, je suis content. Je me penche et tends les bras vers ces chiffres. Et je m’aperçois que mes mains ont disparu. Il n’y a plus de mains au bout de mon pyjama. Mes manches sont vides. Ce n’est pas la disparition de mes mains qui m’affole, c’est de ne pas pouvoir atteindre ces chiffres pour les mettre en ordre. Ce que j’aurais su faire. 7. Pourtant, extĂ©rieurement, sans ĂȘtre agitĂ©, j’étais un enfant vif et joueur. Habile aux billes et aux osselets, imbattable au ballon prisonnier, champion du monde de polochon, je jouais. PlutĂŽt bavard et rieur, farceur mĂȘme, je me faisais des amis Ă  tous les Ă©tages de la classe, des cancres certes, mais des tĂȘtes de sĂ©rie aussi – je n’avais pas de prĂ©jugĂ©s. Plus que tout, certains professeurs me reprochaient cette gaietĂ©. C’était ajouter l’insolence Ă  la nullitĂ©. La moindre des politesses, pour un cancre, c’est d’ĂȘtre discret mort-nĂ© serait l’idĂ©al. Seulement, ma vitalitĂ© m’était vitale, si je puis dire. Le jeu me sauvait du chagrin qui m’envahissait dĂšs que je retombais dans ma honte solitaire. Mon Dieu, cette solitude du cancre dans la honte de ne jamais faire ce qu’il faut ! Et cette envie de fuir
 J’ai ressenti trĂšs tĂŽt l’envie de fuir. Pour oĂč ? Assez confus. Fuir de moi-mĂȘme, disons, et pourtant en moi-mĂȘme. Mais un moi qui aurait Ă©tĂ© acceptable par les autres. C’est sans doute Ă  cette envie de fuir que je dois l’étrange Ă©criture qui prĂ©cĂ©da mon Ă©criture. Au lieu de former les lettres de l’alphabet, je dessinais des petits bonshommes qui s’enfuyaient en marge pour s’y constituer en bande. Je m’appliquais, pourtant, au dĂ©but, j’ourlais mes lettres tant bien que mal, mais peu Ă  peu les lettres se mĂ©tamorphosaient d’elles-mĂȘmes en ces petits ĂȘtres sautillants et joyeux qui s’en allaient folĂątrer ailleurs, idĂ©ogrammes de mon besoin de vivre Aujourd’hui encore j’utilise ces bonshommes dans mes dĂ©dicaces. Ils me sont prĂ©cieux pour couper Ă  la recherche de la platitude distinguĂ©e qu’on se doit d’écrire sur la page de garde des services de presse. C’est la bande de mon enfance, je lui reste fidĂšle. 8. Adolescent, j’ai rĂȘvĂ© d’une bande plus rĂ©elle. Ce n’était pas l’époque, ce n’était pas de mon milieu, mon environnement ne m’en donnait pas la possibilitĂ©, mais aujourd’hui encore, je le dis rĂ©solument, si j’avais eu l’occasion de me constituer en bande, je l’aurais fait. Et avec quelle joie ! Mes camarades de jeu ne me suffisaient pas. Je n’existais pour eux qu’à la rĂ©crĂ©ation; en classe je me sentais compromettant. Ah ! me fondre dans une bande oĂč la scolaritĂ© n’aurait comptĂ© pour rien, quel rĂȘve ! Ce qui fait l’attrait de la bande ? S’y dissoudre avec la sensation de s’y affirmer. La belle illusion d’identitĂ© ! Tout pour oublier ce sentiment d’étrangetĂ© absolue Ă  l’univers scolaire, et fuir ces regards d’adulte dĂ©dain. Tellement convergents, ces regards ! Opposer un sentiment de communautĂ© Ă  cette perpĂ©tuelle solitude, un ailleurs Ă  cet ici, un territoire Ă  cette prison. Quitter l’üle du cancre Ă  tout prix, fĂ»t-ce sur un bateau de pirates oĂč ne rĂ©gnerait que la loi du poing et qui mĂšnerait, au mieux, en prison. Je les sentais tellement plus forts que moi, les autres, les professeurs, les adultes, et d’une force tellement plus Ă©crasante que le poing, si admise, si lĂ©gale, qu’il m’arrivait d’en Ă©prouver un besoin de vengeance proche de l’obsession. Quatre dĂ©cennies plus tard, l’expression avoir la haine » ne me surprit pas quand elle apparut dans la bouche de certains adolescents. MultipliĂ©e par quantitĂ© de facteurs nouveaux, sociologiques, culturels, Ă©conomiques, elle exprimait encore ce besoin de vengeance qui m’avait Ă©tĂ© si familier. Par bonheur, mes camarades de jeu n’étaient pas de ceux qui se constituent en bande, et je n’étais originaire d’aucune citĂ©. Je fus donc une bande de jeunes Ă  moi tout seul, comme dit la chanson de Renaud, une bande bien modeste, oĂč je pratiquais en solitaire des reprĂ©sailles plutĂŽt sournoises. Ces langues de bƓufs, par exemple une centaine, prĂ©levĂ©es nuitamment aux conserves de la cantine et que j’avais clouĂ©es Ă  la porte d’un intendant parce qu’il nous les servait deux fois par semaine et que nous les retrouvions le lendemain dans nos assiettes si nous ne les avions pas mangĂ©es. Ou ce hareng saur ficelĂ© au pot d’échappement de la toute neuve voiture d’un professeur d’anglais c’était une Ariane, je me la rappelle, le flanc des pneus blanc comme des chaussures de maquereau
, qui se mit Ă  puer inexplicablement le poisson grillĂ© au point que, les premiers jours, son propriĂ©taire lui- mĂȘme empestait la poiscaille en entrant dans la classe. Ou encore cette trentaine de poules, chipĂ©es dans les fermes avoisinant mon pensionnat de montagne, pour remplir la chambre du surveillant gĂ©nĂ©ral pendant toute la durĂ©e du week-end oĂč il m’avait consignĂ©. Quel magnifique poulailler devint cette piaule en trois jours seulement fientes et plumes collĂ©es, et la paille pour faire plus vrai, et les Ɠufs cassĂ©s un peu partout, et le maĂŻs gĂ©nĂ©reusement distribuĂ© par lĂ -dessus ! Sans parler de l’odeur ! Ah, la jolie fĂȘte quand le chef des pions, ouvrant benoĂźtement la porte de sa chambre, libĂ©ra dans les couloirs les prisonniĂšres affolĂ©es que chacun se mit Ă  poursuivre pour son propre compte ! C’était idiot, bien sĂ»r, idiot, mĂ©chant, rĂ©prĂ©hensible, impardonnable
 Et inefficace, avec ça le genre de sĂ©vices qui n’amĂ©liore pas le caractĂšre du corps enseignant
 Pourtant, je mourrai sans arriver Ă  regretter mes poules, mon hareng et mes pauvres bƓufs Ă  la langue tranchĂ©e. Avec mes petits bonshommes fous, ils faisaient partie de ma bande. 9. Une constante pĂ©dagogique Ă  de rares exceptions prĂšs, le vengeur solitaire ou le chahuteur sournois, c’est une question de point de vue ne se dĂ©nonce jamais. Si un autre que lui a fait le coup, il ne le dĂ©nonce pas davantage. SolidaritĂ© ? Pas sĂ»r. Une sorte de voluptĂ©, plutĂŽt, Ă  voir l’autoritĂ© s’épuiser en enquĂȘtes stĂ©riles. Que tous les Ă©lĂšves soient punis privĂ©s de ceci ou de cela jusqu’à ce que le coupable se livre ne l’émeut pas. Bien au contraire, on lui fournit par lĂ  l’occasion de se sentir partie prenante de la communautĂ©, enfin ! Il s’associe Ă  tous pour juger dĂ©gueulasse » de faire payer » tant d’ innocents » Ă  la place d’un seul coupable ». StupĂ©fiante sincĂ©ritĂ© ! Le fait qu’il soit le coupable en question n’entre plus, Ă  ses yeux, en ligne de compte. En punissant tout le monde l’autoritĂ© lui a permis de changer de registre nous ne sommes plus dans l’ordre des faits, qui regarde l’enquĂȘte, mais sur le terrain des principes; or, en bon adolescent qu’il est, l’équitĂ© est un principe sur lequel il ne transige pas. - Ils ne trouvent pas qui c’est, alors ils nous font tous payer, c’est dĂ©gueulasse ! Qu’on le traite de lĂąche, de voleur, de menteur ou de quoi que ce soit d’autre, qu’un procureur tonitruant dĂ©clare publiquement tout le mĂ©pris oĂč il tient les affreux de son espĂšce qui n’ont pas le courage de leurs actes » ne le touche guĂšre. D’abord parce qu’il n’entend lĂ  que la confirmation de ce qu’on lui a mille fois rĂ©pĂ©tĂ© et qu’il est d’accord sur ce point avec le procureur c’est mĂȘme un plaisir rare, cet accord secret Oui, tu as raison, je suis bien le mĂ©chant que tu dis, pire mĂȘme, si tu savais
 » et ensuite parce que le courage d’aller accrocher les trois soutanes du prĂ©fet de discipline au sommet du paratonnerre, par exemple, ce n’est pas le procureur qui l’a eu, ni aucun autre Ă©lĂšve ici prĂ©sent, c’est bien lui, et lui seul, au plus noir de la nuit, lui dans sa nocturne et dĂ©sormais glorieuse solitude. Pendant quelques heures, les soutanes ont fait au collĂšge un noir drapeau de pirate et personne, jamais, ne saura qui a hissĂ© ce pavillon grotesque. Et si on accuse quelqu’un d’autre Ă  sa place, ma foi, il se tait encore, car il connaĂźt son monde et sait trĂšs bien avec Claudel, qu’il ne lira pourtant jamais qu’ on peut aussi mĂ©riter l’injustice ». Il ne se dĂ©nonce pas. C’est qu’il s’est fait une raison de sa solitude et qu’il a enfin cessĂ© d’avoir peur. Il ne baisse plus les yeux. Regardez-le, il est le coupable au regard candide. Il a enfoui dans son silence ce plaisir unique personne ne saura, jamais ! Quand on se sent de nulle part, on a tendance Ă  se faire des serments Ă  soi- mĂȘme. Mais ce qu’il Ă©prouve, par-dessus tout, c’est la joie sombre d’ĂȘtre devenu incomprĂ©hensible aux nantis du savoir qui lui reprochent de ne rien comprendre Ă  rien. Il s’est dĂ©couvert une aptitude, en somme faire peur Ă  ceux qui l’effrayaient; il en jouit intensĂ©ment. Personne ne sait ce dont il est capable, et c’est bon. La naissance de la dĂ©linquance, c’est l’investissement secret de toutes les facultĂ©s de l’intelligence dans la ruse. 10. Mais on se ferait une fausse idĂ©e de l’élĂšve que j’étais si on s’en tenait Ă  ces reprĂ©sailles clandestines. D’ailleurs, les trois soutanes, ce n’était pas moi. Le cancre joyeux, ourdissant nuitamment des coups de main vengeurs, l’invisible Zorro des chĂątiments enfantins, j’aimerais pouvoir m’en tenir Ă  cette image d’Épinal, seulement j’étais aussi – et surtout – un gosse prĂȘt Ă  toutes les compromissions pour un regard d’adulte bienveillant. QuĂ©mander en douce l’assentiment des professeurs et coller Ă  tous les conformismes oui, monsieur, vous avez raison, oui
 hein, monsieur, que je ne suis pas si bĂȘte, pas si mĂ©chant, pas si dĂ©cevant, pas si
 Oh ! l’humiliation quand l’autre me renvoyait, d’une phrase sĂšche, Ă  mon indignitĂ©. Oh ! l’abject sentiment de bonheur quand, au contraire, il y allait de deux mots vaguement gentils que j’engrangeais aussitĂŽt comme un trĂ©sor d’humanité  Et comme je me prĂ©cipitais, le soir mĂȘme, pour en parler Ă  mes parents J’ai eu une bonne conversation avec monsieur Untel
 » comme s’il s’agissait d’avoir une bonne conversation, devait se dire mon pĂšre, Ă  juste titre
. Longtemps, j’ai traĂźnĂ© derriĂšre moi la trace de cette honte. La haine et le besoin d’affection m’avaient pris tout ensemble dĂšs mes premiers Ă©checs. Il s’agissait d’amadouer l’ogre scolaire. Tout faire pour qu’il ne me dĂ©vore pas le cƓur. Collaborer, par exemple, au cadeau d’anniversaire de ce professeur de sixiĂšme qui, pourtant, notait mes dictĂ©es nĂ©gativement Moins 38, Pennacchioni, la tempĂ©rature est de plus en plus basse ! » Me creuser la tĂȘte pour choisir ce qui ferait vraiment plaisir Ă  ce salaud, organiser la quĂȘte parmi les Ă©lĂšves et fournir moi-mĂȘme le complĂ©ment, vu que le prix de l’affreuse merveille dĂ©passait le montant de la cagnotte. Il y avait des coffres-forts dans les maisons bourgeoises de l’époque. J’entrepris de crocheter celui de mes parents pour participer au cadeau de mon tortionnaire. C’était un de ces petits coffres sombres et trapus, oĂč dorment les secrets de famille. Une clef, une molette Ă  chiffres, une autre Ă  lettres. Je savais oĂč mes parents rangeaient la clef mais il me fallut plusieurs nuits pour trouver la combinaison. Molette, clef, porte close. Molette, clef, porte close. Porte close. Porte close. On se dit qu’on n’y arrivera jamais. Et voilĂ  que soudain, dĂ©clic, la porte s’ouvre ! On en reste sidĂ©rĂ©. Une porte ouverte sur le monde secret des adultes. Secrets bien sages en l’occurrence quelques obligations, je suppose, des emprunts russes qui dormaient lĂ  en espĂ©rant leur rĂ©surrection, le pistolet d’ordonnance d’un grand-oncle, dont le chargeur Ă©tait plein mais dont on avait limĂ© le percuteur, et de l’argent aussi, pas beaucoup, quelques billets, d’oĂč je prĂ©levai la dĂźme nĂ©cessaire au financement du cadeau. Voler pour acheter l’affection des adultes
 Ce n’était pas exactement du vol et ça n’acheta Ă©videmment aucune affection. Le pot aux roses fut dĂ©couvert lorsque, durant cette mĂȘme annĂ©e, j’offris Ă  ma mĂšre un de ces affreux jardins japonais qui Ă©taient alors Ă  la mode et qui coĂ»taient les yeux de la tĂȘte. L’évĂ©nement eut trois consĂ©quences ma mĂšre pleura ce qui Ă©tait rare, persuadĂ©e d’avoir mis au monde un perceur de coffres le seul domaine oĂč son dernier-nĂ© manifestait une indiscutable prĂ©cocitĂ©, on me mit en pension, et ma vie durant je fus incapable de faucher quoi que ce soit, mĂȘme quand le vol devint culturellement Ă  la mode chez les jeunes gens de ma gĂ©nĂ©ration. 11. À tous ceux qui aujourd’hui imputent la constitution de bandes au seul phĂ©nomĂšne des banlieues, je dis vous avez raison, oui, le chĂŽmage, oui, la concentration des exclus, oui, les regroupements ethniques, oui, la tyrannie des marques, la famille monoparentale, oui, le dĂ©veloppement d’une Ă©conomie parallĂšle et les trafics en tout genre, oui, oui, oui
 Mais gardons-nous de sous-estimer la seule chose sur laquelle nous pouvons personnellement agir et qui, elle, date de la nuit des temps pĂ©dagogiques la solitude et la honte de l’élĂšve qui ne comprend pas, perdu dans un monde oĂč tous les autres comprennent. Nous seuls pouvons le sortir de cette prison-lĂ , que nous soyons ou non formĂ©s pour cela. Les professeurs qui m’ont sauvĂ© et qui ont fait de moi un professeur n’étaient pas formĂ©s pour ça. Ils ne se sont pas prĂ©occupĂ©s des origines de mon infirmitĂ© scolaire. Ils n’ont pas perdu de temps Ă  en chercher les causes et pas davantage Ă  me sermonner. Ils Ă©taient des adultes confrontĂ©s Ă  des adolescents en pĂ©ril. Ils se sont dit qu’il y avait urgence. Ils ont plongĂ©. Ils m’ont ratĂ©. Ils ont plongĂ© de nouveau, jour aprĂšs jour, encore et encore
 Ils ont fini par me sortir de lĂ . Et beaucoup d’autres avec moi. Ils nous ont littĂ©ralement repĂȘchĂ©s. Nous leur devons la vie. 12. Je fouille le fatras de mes vieux papiers Ă  la recherche de mes bulletins scolaires et de mes diplĂŽmes, et je tombe sur une lettre conservĂ©e par ma mĂšre. Elle est datĂ©e de fĂ©vrier 1959. J’avais quatorze ans depuis trois mois. J’étais en quatriĂšme. Je lui Ă©crivais de ma premiĂšre pension Ma chĂšre Maman, Moi aussi j’ai vu mes notes, je suis Ă©cƓurĂ©, j’en ai plein le dot [sic], quand on en est venu au point de travailler 2 h sans arrĂȘt pendant une Ă©tude pour rĂ©colter un 1 Ă  un devoir d’algĂšbre que l’on croulait [sic] bon il y a de quoi ĂȘtre dĂ©couragĂ©, aussi ais-je [sic] tout lĂąchĂ© [sic] pour rĂ©viser mes examens et mon 4 en application explique sĂ»rement la rĂ©vision de mon examen de gĂ©ologie pendant mon cour [sic] de math, [etc.] Je ne suis pas assez intelligent et travailleur pour continuer mes Ă©tudes. Ça ne m’intĂ©resse pas, j’attrape mal au crĂąne [sic] Ă  rester enfermer [sic] dans la paperasse, je ne comprends [sic] rien Ă  l’anglais, Ă  l’algĂšbre, je suis nule [sic] en orthographe, que reste-t-il ? Marie-ThĂ©, coiffeuse de notre village La Colle-sur-Loup, mon amie aĂźnĂ©e depuis ma prime enfance, m’avouait rĂ©cemment que ma mĂšre, s’épanchant sous le casque, lui avait confiĂ© son inquiĂ©tude quant Ă  mon avenir, un peu soulagĂ©e, disait- elle, d’avoir obtenu de mes frĂšres la promesse qu’ils prendraient soin de moi aprĂšs sa disparition et celle de mon pĂšre. Toujours dans la mĂȘme lettre, j’écrivais Vous avez eu trois fils intelligents et travailleurs
 un autre un cancre, un fĂ©ignant » sic
 Suivait une Ă©tude comparĂ©e des performances de mes frĂšres et des miennes et une vigoureuse supplique pour qu’on arrĂȘte le massacre, qu’on me retire de l’école et qu’on m’envoie aux colonies » famille de militaires, dans un petit bled [sic] et lĂ  se serait [sic] le seul endroit oĂč je serais [sic] heureux » soulignĂ© deux fois. L’exil, au bout du monde en somme, le pis-aller du rĂȘve, un projet de fuite Ă  la Bardamu chez un fils de soldat. Dix ans plus tard, le 30 septembre 1969, je recevais une lettre de mon pĂšre, adressĂ©e au collĂšge oĂč j’exerçais depuis un mois le mĂ©tier de professeur. C’était mon premier poste et c’était sa premiĂšre lettre au fils devenu. Il sortait de l’hĂŽpital, il me disait les douceurs de la convalescence, ses lentes promenades avec notre chien, me donnait des nouvelles de la famille, m’annonçait le possible mariage de ma cousine Ă  Stockholm, faisait de discrĂštes allusions Ă  un projet de roman dont nous avions parlĂ© ensemble et que je n’ai toujours pas Ă©crit, manifestait une vive curiositĂ© Ă  l’égard de ce que mes collĂšgues et moi Ă©changions dans nos propos de table, attendait l’arrivĂ©e par la poste de La loge du gouverneur d’Angelo Rinaldi en pestant contre la grĂšve des postiers, vantait L’attrape-cƓur de Salinger et Le jardin des dĂ©lices de JosĂ© Cabanis, excusait ma mĂšre de ne pas m’écrire plus fatiguĂ©e que moi de m’avoir soignĂ© », m’annonçait qu’il avait prĂȘtĂ© la roue de secours de notre 2 CV Ă  mon amie Fanchon Bernard s’est fait un plaisir de la lui changer », et m’embrassait en m’assurant de sa bonne forme. Pas plus qu’il ne m’avait menacĂ© d’un avenir calamiteux pendant ma scolaritĂ©, il ne faisait la moindre allusion Ă  mon passĂ© de cancre. Sur la plupart des sujets son ton Ă©tait comme Ă  l’habitude pudiquement ironique, et il ne semblait pas considĂ©rer que mon nouvel Ă©tat de professeur mĂ©ritĂąt qu’on s’en Ă©tonne, qu’on m’en fĂ©licite, ou qu’on s’en inquiĂšte pour mes Ă©lĂšves. Bref, mon pĂšre tel qu’en lui-mĂȘme, ironiste et sage, dĂ©sireux de bavarder avec moi, Ă  distance respectable, de la vie qui se continuait. J’ai l’enveloppe de cette lettre sous les yeux. Aujourd’hui seulement un dĂ©tail me frappe. Il ne s’était pas contentĂ© d’écrire mon nom, le nom du collĂšge, celui de la rue et de la ville
 Il y avait ajoutĂ© la mention professeur. Daniel Pennacchioni professeur au collĂšge
 Professeur
 De son Ă©criture si exacte. Il m’aura fallu une existence entiĂšre pour entendre ce hurlement de joie – et ce soupir de soulagement. II - Devenir J’ai douze ans et demi et je n’ai rien fait 1. Nous entrons, pendant que j’écris ces lignes, dans la saison des appels au secours. DĂšs le mois de mars le tĂ©lĂ©phone sonne Ă  la maison plus souvent que d’habitude amis Ă©perdus cherchant une nouvelle Ă©cole pour un enfant en Ă©chec, cousins dĂ©sespĂ©rĂ©s en quĂȘte d’une Ă©niĂšme boĂźte aprĂšs un Ă©niĂšme renvoi, voisins contestant l’efficacitĂ© d’un redoublement, inconnus qui pourtant me connaissent, ils tiennent mon tĂ©lĂ©phone d’Untel
 Ce sont des appels du soir gĂ©nĂ©ralement, vers la fin du dĂźner, l’heure de la dĂ©tresse. Des appels de mĂšres le plus souvent. De fait rarement le pĂšre, le pĂšre vient aprĂšs, quand il vient, mais Ă  l’origine, au premier coup de tĂ©lĂ©phone, c’est toujours la mĂšre, et presque toujours pour le fils. La fille semble plus sage. On est la mĂšre. On est seule Ă  la maison, repas expĂ©diĂ©, vaisselle pas faite, le bulletin du garçon Ă©talĂ© devant soi, le garçon enfermĂ© Ă  double tour dans sa chambre devant son jeu vidĂ©o, ou dĂ©jĂ  dehors, en vadrouille avec sa bande, malgrĂ© une timide interdiction
 On est seule, la main sur le tĂ©lĂ©phone, on hĂ©site. Expliquer pour la Ă©niĂšme fois le cas du fils, faire une fois de plus l’historique de ses Ă©checs, cette fatigue, mon Dieu
 Et la perspective de l’épuisement Ă  venir dĂ©marcher cette annĂ©e encore les Ă©coles qui voudront bien de lui
 poser une journĂ©e de congĂ© au bureau, au magasin
 visites aux chefs d’établissement
 barrages des secrĂ©tariats
 dossiers Ă  remplir
 attente de la rĂ©ponse
 entretiens
 avec le fils, sans le fils
 tests
 attente des rĂ©sultats
 documentation
 incertitudes, cette Ă©cole est-elle meilleure que cette autre ? Car en matiĂšre d’école la question de l’excellence se pose au sommet de l’échelle comme au fond des abysses, la meilleure Ă©cole pour les meilleurs Ă©lĂšves et la meilleure pour les naufragĂ©s, tout est là
 On appelle enfin. On s’excuse de vous dĂ©ranger, on sait Ă  quel point vous devez ĂȘtre sollicitĂ© mais voilĂ  on a un garçon qui, vraiment, dont on ne sait plus comment
 Professeurs, mes frĂšres, je vous en supplie, pensez Ă  vos collĂšgues quand, dans le silence de la salle des profs, vous Ă©crivez sur vos bulletins que le troisiĂšme trimestre sera dĂ©terminant ». Sonnerie instantanĂ©e de mon tĂ©lĂ©phone - Le troisiĂšme trimestre, tu parles ! Leur dĂ©cision est dĂ©jĂ  prise depuis le dĂ©but, oui. - Le troisiĂšme trimestre, le troisiĂšme trimestre, ça ne l’émeut pas du tout, ce gosse, la menace du troisiĂšme trimestre, il n’a jamais eu un seul trimestre convenable ! - Le troisiĂšme trimestre
 Comment voulez-vous qu’il remonte un pareil handicap en si peu de temps ? Ils savent bien que c’est un gruyĂšre, leur troisiĂšme trimestre, avec toutes ces vacances ! - S’ils refusent le passage, cette fois je fais appel ! - De toute façon, aujourd’hui il faut s’y prendre de plus en plus tĂŽt pour trouver une Ă©cole
 Et ça dure jusqu’à la fin du mois de juin, quand il est avĂ©rĂ© que le troisiĂšme trimestre a bel et bien Ă©tĂ© dĂ©terminant, qu’on n’acceptera pas le rejeton dans la classe supĂ©rieure et qu’il est effectivement trop tard pour chercher une nouvelle Ă©cole, tout le monde s’y Ă©tant pris avant soi, mais que voulez-vous, on a voulu y croire jusqu’au bout, on s’est dit que cette fois peut-ĂȘtre le gosse comprendrait, il s’était bien repris au troisiĂšme trimestre, si, si, je vous assure, il faisait des efforts, beaucoup moins d’absences
 2. Il y a la mĂšre perdue, Ă©puisĂ©e par la dĂ©rive de son enfant, Ă©voquant les effets supposĂ©s des dĂ©sastres conjugaux c’est notre sĂ©paration qui l’a
 depuis la mort de son pĂšre, il n’est plus tout Ă  fait
 Il y a la mĂšre humiliĂ©e par les conseils des amies dont les enfants, eux, marchent bien, ou qui, pire, Ă©vitent le sujet avec une discrĂ©tion presque insultante
 Il y a la mĂšre furibarde, convaincue que son garçon est depuis toujours l’innocente victime d’une coalition enseignante, toutes disciplines confondues, ça a commencĂ© trĂšs tĂŽt, Ă  la maternelle, il avait une institutrice qui
 et ça ne s’est pas du tout arrangĂ© au CP, l’instit, un homme cette fois, Ă©tait pire, et figurez-vous que son professeur de français, en quatriĂšme, lui a
 Il y a celle qui n’en fait pas une question de personne mais vitupĂšre la sociĂ©tĂ© telle qu’elle se dĂ©lite, l’institution telle qu’elle sombre, le systĂšme tel qu’il pourrit, le rĂ©el en somme, tel qu’il n’épouse pas son rĂȘve
 Il y a la mĂšre furieuse contre son enfant ce garçon qui a tout et ne fait rien, ce garçon qui ne fait rien et veut tout, ce garçon pour qui on a tout fait et qui jamais ne
 pas une seule fois, vous m’entendez ! Il y a la mĂšre qui n’a pas rencontrĂ© un seul professeur de l’annĂ©e et celle qui a fait leur siĂšge Ă  tous
 Il y a la mĂšre qui vous tĂ©lĂ©phone tout simplement pour que vous la dĂ©barrassiez cette annĂ©e encore d’un fils dont elle ne veut plus entendre parler jusqu’à l’annĂ©e prochaine mĂȘme date, mĂȘme heure, mĂȘme coup de tĂ©lĂ©phone, et qui le dit On verra l’annĂ©e prochaine, il faut juste lui trouver une Ă©cole d’ici lĂ . » Il y a la mĂšre qui craint la rĂ©action du pĂšre Cette fois mon mari ne le supportera pas » on a cachĂ© la plupart des bulletins de notes au mari en question
 Il y a la mĂšre qui ne comprend pas ce fils si diffĂ©rent de l’autre, qui s’efforce de ne pas l’aimer moins, qui s’ingĂ©nie Ă  demeurer la mĂȘme mĂšre pour ses deux garçons. Il y a la mĂšre, au contraire, qui ne peut s’empĂȘcher de choisir celui-ci Pourtant je m’investis entiĂšrement en lui », au grand dam des frĂšres et sƓurs, bien sĂ»r, et qui a utilisĂ© en vain toutes les ressources des aides auxiliaires sport, psychologie, orthophonie, sophrologie, cures de vitamines, relaxation, homĂ©opathie, thĂ©rapie familiale ou individuelle
 Il y a la mĂšre versĂ©e en psychologie, qui donnant une explication Ă  tout s’étonne qu’on ne trouve jamais de solution Ă  rien, la seule au monde Ă  comprendre son fils, sa fille, les amis de son fils et de sa fille, et dont la perpĂ©tuelle jeunesse d’esprit N’est-ce pas qu’il faut savoir rester jeune ? » s’étonne que le monde soit devenu si vieux, tellement inapte Ă  comprendre les jeunes. Il y a la mĂšre qui pleure, elle vous appelle et pleure en silence, et s’excuse de pleurer
 un mĂ©lange de chagrin, d’inquiĂ©tude et de honte
 À vrai dire toutes ont un peu honte, et toutes sont inquiĂštes pour l’avenir de leur garçon Mais qu’est-ce qu’il va devenir ? » La plupart se font de l’avenir une reprĂ©sentation qui est une projection du prĂ©sent sur la toile obsĂ©dante du futur. Le futur comme un mur oĂč seraient projetĂ©es les images dĂ©mesurĂ©ment agrandies d’un prĂ©sent sans espoir, la voilĂ  la grande peur des mĂšres ! 3. Elles ignorent qu’elles s’adressent au plus jeune perceur de coffre de sa gĂ©nĂ©ration et que si leur reprĂ©sentation de l’avenir Ă©tait fondĂ©e je ne serais pas au tĂ©lĂ©phone en train de les Ă©couter mais en prison, Ă  compter mes poux, conformĂ©ment au film que dut projeter ma pauvre maman sur l’écran du futur quand elle apprit que son fils de onze ans pillait les Ă©conomies de la famille. Alors, je tente une histoire drĂŽle - Connaissez-vous le seul moyen de faire rire le bon Dieu ? HĂ©sitation au bout du fil. - Racontez-lui vos projets. En d’autres termes, pas d’affolement, rien ne se passe comme prĂ©vu, c’est la seule chose que nous apprend le futur en devenant du passĂ©. C’est insuffisant, bien sĂ»r, un sparadrap sur une blessure qui ne cicatrisera pas si facilement, mais je fais avec les moyens du tĂ©lĂ©phone. 4. Pour ĂȘtre juste, on me parle aussi parfois de bons Ă©lĂšves la mĂšre mĂ©thodique, par exemple, en quĂȘte de la meilleure classe prĂ©paratoire, comme elle fut, dĂšs la naissance de son enfant, Ă  la recherche de la meilleure maternelle, et qui me suppose aimablement une compĂ©tence pour cette pĂȘche en altitude; ou la mĂšre venue d’un autre monde, premiĂšre immigration, gardienne de mon immeuble, qui a repĂ©rĂ© des dons Ă©tranges chez sa fille, or elle a raison, la petite doit poursuivre un cycle long, aucun doute lĂ -dessus, une future agrĂ©gĂ©e de quelque chose, elle aura mĂȘme le choix de la matiĂšre
 De fait, elle achĂšve aujourd’hui ses Ă©tudes de droit. Et puis, il y a L. M., agriculteur dans le Vercors, convoquĂ© par l’institutrice du village, vu les rĂ©sultats Ă©poustouflants de son garçon
 - Elle me demande ce que j’aimerais qu’il fasse plus tard. Il lĂšve son verre Ă  ma santĂ© - Vous ĂȘtes marrants, vous autres les profs, avec vos questions
 - Alors, qu’est-ce que tu lui as rĂ©pondu ? - Qu’est-ce que tu veux que ça rĂ©ponde, un pĂšre ? Le maximum ! PrĂ©sident de la RĂ©publique ! Et il y a l’inverse, un autre pĂšre, technicien de surface celui-lĂ , qui veut absolument abrĂ©ger les Ă©tudes de son garçon pour le mettre au travail, que le gamin gagne » tout de suite. Un salaire de plus dans la famille ça ferait pas de mal ! » Oui mais voilĂ , le gamin veut ĂȘtre professeur des Ă©coles justement, instituteur comme on disait naguĂšre, et je trouve que c’est une bonne idĂ©e, j’aimerais bien, moi, qu’il entre dans l’enseignement, ce garçon si vif et qui en a tant envie, nĂ©gocions, nĂ©gocions, il y va du bonheur des futurs Ă©lĂšves de ce futur collĂšgue
 Allons bon, voilĂ  que je me mets Ă  croire en l’avenir, moi aussi, que je reprends foi en l’école de la rĂ©publique. C’est elle qui a formĂ© mon propre pĂšre, aprĂšs tout, l’école de la rĂ©publique, et Ă  quatre-vingt-dix ans de distance ce garçon ressemble beaucoup Ă  ce que devait ĂȘtre mon pĂšre, le petit Corse d’Aurillac, vers l’annĂ©e 1913, quand son frĂšre aĂźnĂ© se mit au travail pour offrir Ă  son cadet les moyens et le temps de franchir les portes de l’École polytechnique. Et puis, j’ai toujours encouragĂ© mes amis et mes Ă©lĂšves les plus vivants Ă  devenir professeurs. J’ai toujours pensĂ© que l’école, c’était d’abord les professeurs. Qui donc m’a sauvĂ© de l’école, sinon trois ou quatre professeurs ? 5. Il y a ce pĂšre, agacĂ©, qui m’affirme, catĂ©gorique - Mon fils manque de maturitĂ©. Un homme jeune, strictement assis dans les perpendiculaires de son costume. Droit sur sa chaise, il dĂ©clare d’entrĂ©e de jeu que son fils manque de maturitĂ©. C’est une constatation. Ça n’appelle ni question ni commentaire. Ça exige une solution, point final. Je demande tout de mĂȘme l’ñge du fils en question. RĂ©ponse immĂ©diate - Onze ans dĂ©jĂ . C’est un jour oĂč je ne suis pas en forme. Mal dormi, peut-ĂȘtre. Je prends mon front entre mes mains, pour dĂ©clarer, finalement, en Raspoutine infaillible - J’ai la solution. Il lĂšve un sourcil. Regard satisfait. Bon, nous sommes entre professionnels. Alors, cette solution ? Je la lui donne - Attendez. Il n’est pas content. La conversation n’ira pas beaucoup plus loin. - Ce gosse ne peut tout de mĂȘme pas passer son temps Ă  jouer ! Le lendemain je croise le mĂȘme pĂšre dans la rue. MĂȘme costume, mĂȘme raideur, mĂȘme attachĂ©-case. Mais il se dĂ©place en trottinette. Je jure que c’est vrai. 6. Aucun avenir. Des enfants qui ne deviendront pas. Des enfants dĂ©sespĂ©rants. Écolier, puis collĂ©gien, puis lycĂ©en, j’y croyais dur comme fer moi aussi Ă  cette existence sans avenir. C’est mĂȘme la toute premiĂšre chose dont un mauvais Ă©lĂšve se persuade. - Avec des notes pareilles qu’est-ce que tu peux espĂ©rer ? - Tu t’imagines que tu vas passer en sixiĂšme ? En cinquiĂšme, en quatriĂšme, en troisiĂšme, en seconde, en premiĂšre
 - Combien de chances, au bac, d’aprĂšs vous, faites-moi plaisir, calculez vos chances vous-mĂȘme, sur cent, combien ? Ou cette directrice de collĂšge, dans un vrai cri de joie - Vous, Pennacchioni, le BEPC ? Vous ne l’aurez jamais ! Vous m’entendez ? Jamais ! Elle en vibrait. En tout cas je ne deviendrai pas comme toi, vieille folle ! Je ne serai jamais prof, araignĂ©e engluĂ©e dans ta propre toile, garde-chiourme vissĂ©e Ă  ton bureau jusqu’à la fin de tes jours. Jamais ! Nous autres les Ă©lĂšves nous passons, vous, vous restez ! Nous sommes libres et vous en avez pris pour perpĂšte. Nous, les mauvais, nous n’allons nulle part mais au moins nous y allons ! L’estrade ne sera pas l’enclos minable de notre vie ! MĂ©pris pour mĂ©pris je me raccrochais Ă  ce mĂ©chant rĂ©confort nous passons, les profs restent; c’est une conversation frĂ©quente chez les Ă©lĂšves de fond de classe. Les cancres se nourrissent de mots. J’ignorais alors qu’il arrive aux professeurs de l’éprouver aussi, cette sensation de perpĂ©tuitĂ© rabĂącher indĂ©finiment les mĂȘmes cours devant des classes interchangeables, crouler sous le fardeau quotidien des copies on ne peut pas imaginer Sisyphe heureux avec un paquet de copies !, je ne savais pas que la monotonie est la premiĂšre raison que les professeurs invoquent quand ils dĂ©cident de quitter le mĂ©tier, je ne pouvais pas imaginer que certains d’entre eux souffrent bel et bien de rester assis lĂ , quand passent les Ă©lĂšves
 J’ignorais que les professeurs aussi se soucient du futur dĂ©crocher mon agrĂ©g, achever ma thĂšse, passer Ă  la fac, prendre mon envol pour les cimes des classes prĂ©paratoires, opter pour la recherche, filer Ă  l’étranger, m’adonner Ă  la crĂ©ation, changer de secteur, laisser enfin tomber ces boutonneux amorphes et vindicatifs qui produisent des tonnes de papier, j’ignorais que lorsque les professeurs ne pensent pas Ă  leur avenir, c’est qu’ils songent Ă  celui de leurs enfants, aux Ă©tudes supĂ©rieures de leur progĂ©niture
 Je ne savais pas que la tĂȘte des professeurs est saturĂ©e d’avenir. Je ne les croyais lĂ  que pour m’interdire le mien. Interdit d’avenir. À force de me l’entendre rĂ©pĂ©ter je m’étais fait une reprĂ©sentation assez prĂ©cise de cette vie sans futur. Ce n’était pas que le temps cesserait de passer, ce n’était pas que le futur n’existait pas, non, c’était que j’y serais pareil Ă  ce que j’étais aujourd’hui. Pas le mĂȘme, bien sĂ»r, pas comme si le temps n’avait pas filĂ©, mais comme si les annĂ©es s’étaient accumulĂ©es sans que rien ne change en moi, comme si mon instant futur menaçait d’ĂȘtre rigoureusement pareil Ă  mon prĂ©sent. Or, de quoi Ă©tait-il fait, mon prĂ©sent ? D’un sentiment d’indignitĂ© que saturait la somme de mes instants passĂ©s. J’étais une nullitĂ© scolaire et je n’avais jamais Ă©tĂ© que cela. Bien sĂ»r le temps passerait, bien sĂ»r la croissance, bien sĂ»r les Ă©vĂ©nements, bien sĂ»r la vie, mais je traverserais cette existence sans aboutir jamais Ă  aucun rĂ©sultat. C’était beaucoup plus qu’une certitude, c’était moi. De cela, certains enfants se persuadent trĂšs vite, et s’ils ne trouvent personne pour les dĂ©tromper, comme on ne peut vivre sans passion ils dĂ©veloppent, faute de mieux, la passion de l’échec. 7. L’avenir, cette Ă©trange menace
 SoirĂ©e d’hiver. Nathalie dĂ©gringole en sanglotant les escaliers du collĂšge. Un chagrin qui tient Ă  se faire entendre. Qui utilise le bĂ©ton comme caisse de rĂ©sonance. C’est encore une enfant, son corps pĂšse son poids d’ancien bĂ©bĂ© sur les marches sonnantes de l’escalier. Il est dix-sept heures trente, presque tous les Ă©lĂšves sont partis. Je suis un des derniers professeurs Ă  passer par lĂ . Le tam-tam des pas sur les marches, l’explosion des sanglots houlĂ , chagrin d’école, pense le professeur, disproportion, disproportion, chagrin probablement disproportionnĂ© ! Et Nathalie apparaĂźt au bas de l’escalier. Eh bien, Nathalie, eh bien, eh bien, qu’est-ce que c’est que ce chagrin ? Je connais cette Ă©lĂšve, je l’ai eue l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, en sixiĂšme. Une enfant incertaine, Ă  rassurer souvent. Qu’est-ce qui se passe, Nathalie ? RĂ©sistance de principe Rien, m’sieur, rien. Alors, c’est beaucoup de bruit pour rien, ma grande ! Redoublement des sanglots, et Nathalie, finalement, d’exposer son malheur entre les hoquets - Meu
 Meu
 Monsieur
 je n’a
 je n’arrive p
 Je n’arrive pas Ă  c
 Ă  comp
 Je n’arrive pas Ă  comprendre
 - À comprendre quoi ? Qu’est-ce que tu n’arrives pas Ă  comprendre ? - L’ap
 l’ap
 Et brusquement le bouchon saute, ça sort d’un coup - La
 proposition-subordonnĂ©e-conjonctive-de-concession-et-d’opposition ! Silence. Ne pas rigoler. Surtout ne pas rire. - La proposition subordonnĂ©e conjonctive de concession et d’opposition ? C’est elle qui te met dans un Ă©tat pareil ? Soulagement. Le prof se met Ă  penser trĂšs vite et trĂšs sĂ©rieusement Ă  la proposition en question; comment expliquer Ă  cette Ă©lĂšve qu’il n’y a pas de quoi s’en faire une montagne, qu’elle l’utilise sans le savoir, cette fichue proposition une de mes prĂ©fĂ©rĂ©es d’ailleurs, si tant est qu’on puisse prĂ©fĂ©rer une conjonctive Ă  une autre
, la proposition qui rend possibles tous les dĂ©bats, condition premiĂšre Ă  la subtilitĂ©, dans la sincĂ©ritĂ© comme dans la mauvaise foi, il faut bien le reconnaĂźtre, mais tout de mĂȘme, pas de tolĂ©rance sans concession, ma petite, tout est lĂ , il n’y a qu’à Ă©numĂ©rer les conjonctions qui l’introduisent, cette subordonnĂ©e bien que, quoique, encore que, quelque que, tu sens bien qu’on s’achemine vers la subtilitĂ© aprĂšs des mots pareils, qu’on va faire la part de la chĂšvre et du chou, que cette proposition fera de toi une fille mesurĂ©e et rĂ©flĂ©chie, prĂȘte Ă  Ă©couter et Ă  ne pas rĂ©pondre n’importe quoi, une femme d’arguments, une philosophe peut-ĂȘtre, voilĂ  ce qu’elle va faire de toi, la conjonctive de concession et d’opposition ! Ça y est, le professeur est enclenchĂ© comment consoler une gamine avec une leçon de grammaire ? Voyons voir
 Tu as bien cinq minutes, Nathalie, viens ici que je t’explique. Classe vide, assieds-toi, Ă©coute-moi bien, c’est tout simple
 Elle s’assied, elle m’écoute, c’est tout simple. Ça y est ? Tu as compris ? Donne-moi un exemple, pour voir. Exemple juste. Elle a compris. Bon. Ça va mieux ? Eh bien ! pas du tout, ça ne va pas mieux du tout, nouvelle crise de larmes, des sanglots gros comme ça, et tout Ă  coup cette phrase, que je n’ai jamais oubliĂ©e - Vous ne vous rendez pas compte, monsieur, j’ai douze ans et demi, et je n’ai rien fait. RentrĂ© chez moi je ressasse la phrase. Qu’est-ce que cette gamine a bien pu vouloir dire ? Rien fait
 » Rien fait de mal en tout cas, innocente Nathalie. Il me faudra attendre le lendemain soir, renseignements pris, pour apprendre que le pĂšre de Nathalie vient de se faire licencier aprĂšs dix ans de bons et loyaux services en qualitĂ© de cadre dans une boĂźte de je ne sais plus quoi. C’est un des tout premiers cadres licenciĂ©s. Nous sommes au milieu des annĂ©es quatre-vingt; jusqu’à prĂ©sent le chĂŽmage Ă©tait de culture ouvriĂšre, si l’on peut dire. Et cet homme, jeune, qui n’a jamais doutĂ© de son rĂŽle dans la sociĂ©tĂ©, cadre modĂšle et pĂšre attentif je l’ai vu plusieurs fois l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, soucieux de sa fille si timide, si peu confiante en elle-mĂȘme, s’est effondrĂ©. Il a dressĂ© un bilan dĂ©finitif. À la table familiale, il ne cesse de rĂ©pĂ©ter J’ai trente-cinq ans et je n’ai rien fait. » 8. Le pĂšre de Nathalie inaugurait une Ă©poque oĂč l’avenir lui-mĂȘme serait rĂ©putĂ© sans avenir; une dĂ©cennie pendant laquelle les Ă©lĂšves allaient se l’entendre rĂ©pĂ©ter tous les jours et sur tous les tons fini les vaches grasses, mes enfants ! Et fini les amours faciles ! ChĂŽmage et sida pour tout le monde, voilĂ  ce qui vous attend. Oui, c’est ce que nous leur avons serinĂ©, parents ou professeurs, pendant les annĂ©es qui ont suivi, pour les motiver » davantage. Un discours comme un ciel bouchĂ©. VoilĂ  ce qui faisait pleurer la petite Nathalie; elle Ă©prouvait du chagrin par anticipation, elle pleurait son futur comme un jeune mort. Et elle se sentait bien coupable de le tuer un peu plus tous les jours, avec ses difficultĂ©s en grammaire. Il est vrai que, par ailleurs, son professeur avait cru bon lui affirmer qu’elle avait de l’eau de vaisselle dans le crĂąne ». De l’eau de vaisselle, Nathalie ? Laisse-moi Ă©couter
 J’avais secouĂ© sa petite tĂȘte avec une mine de toubib attentif
 Non, non, pas de flotte lĂ -dedans, ni de vaisselle
 Timide sourire, quand mĂȘme. Attends un peu
 Et j’avais tapotĂ© son crĂąne, index repliĂ©, comme on frappe Ă  une porte
 Non, je t’assure, c’est un beau cerveau que j’entends lĂ , Nathalie, exceptionnel mĂȘme, un trĂšs joli son, exactement le son que font les tĂȘtes pleines d’idĂ©es ! Petit rire, enfin. Quelle tristesse nous leur avons mise Ă  l’ñme pendant toutes ces annĂ©es ! Et comme je prĂ©fĂšre le rire de Marcel AymĂ©, le bon rire vachard de Marcel, quand il vante la sagesse du fils qui a flairĂ© le chĂŽmage avant tout le monde - Toi, Émile, tu as Ă©tĂ© rudement plus malin que ton frĂšre. Il faut dire que tu es l’aĂźnĂ© et que tu as plus de connaissance de la vie. En tout cas je n’ai pas d’inquiĂ©tude pour toi, tu as su rĂ©sister Ă  la tentation, et comme tu n’en as jamais foutu un clou te voilĂ  prĂ©parĂ© Ă  l’existence qui t’attend. Ce qui est le plus dur pour le chĂŽmeur, vois-tu, c’est de ne pas avoir Ă©tĂ© habituĂ© dĂšs l’enfance Ă  cette vie-lĂ . C’est plus fort que soi, on a dans les mains une dĂ©mangeaison de travailler. Avec toi, je suis tranquille, tu as un de ces poils dans la main qui ne demande qu’à friser. - Quand mĂȘme, protesta Émile, je sais lire presque couramment. - Et c’est encore une preuve que tu es malin. Sans rien te casser ni prendre de mauvaises habitudes de travail, te voilĂ  capable de suivre le tour de France dans ton journal, et tous les comptes rendus des grandes Ă©preuves sportives qu’on Ă©crit pour la distraction du chĂŽmeur. Ah ! Tu seras un homme heureux
 9. Plus de vingt ans ont passĂ©. Aujourd’hui, le chĂŽmage est en effet de toutes les cultures, l’avenir professionnel ne sourit plus Ă  grand monde sous nos latitudes, l’amour ne brille guĂšre et Nathalie doit ĂȘtre une jeune femme de trente-sept ans et demi. Et mĂšre, va savoir. D’une fille de douze ans, peut-ĂȘtre. Nathalie est-elle chĂŽmeuse ou satisfaite de son rĂŽle social ? Perdue de solitude ou heureuse en amour ? Femme Ă©quilibrĂ©e, maĂźtresse Ăšs concessions et oppositions ? Se rĂ©pand-elle en dĂ©sarroi Ă  la table familiale ou songe-t-elle bravement au moral de sa fille quand la petite franchit la porte de sa classe ? 10. Nos mauvais Ă©lĂšves » Ă©lĂšves rĂ©putĂ©s sans devenir ne viennent jamais seuls Ă  l’école. C’est un oignon qui entre dans la classe quelques couches de chagrin, de peur, d’inquiĂ©tude, de rancƓur, de colĂšre, d’envies inassouvies, de renoncement furieux, accumulĂ©es sur fond de passĂ© honteux, de prĂ©sent menaçant, de futur condamnĂ©. Regardez, les voilĂ  qui arrivent, leur corps en devenir et leur famille dans leur sac Ă  dos. Le cours ne peut vraiment commencer qu’une fois le fardeau posĂ© Ă  terre et l’oignon Ă©pluchĂ©. Difficile d’expliquer cela, mais un seul regard suffit souvent, une parole bienveillante, un mot d’adulte confiant, clair et stable, pour dissoudre ces chagrins, allĂ©ger ces esprits, les installer dans un prĂ©sent rigoureusement indicatif. Naturellement le bienfait sera provisoire, l’oignon se recomposera Ă  la sortie et sans doute faudra-t-il recommencer demain. Mais c’est cela, enseigner c’est recommencer jusqu’à notre nĂ©cessaire disparition de professeur. Si nous Ă©chouons Ă  installer nos Ă©lĂšves dans l’indicatif prĂ©sent de notre cours, si notre savoir et le goĂ»t de son usage ne prennent pas sur ces garçons et sur ces filles, au sens botanique du verbe, leur existence tanguera sur les fondriĂšres d’un manque indĂ©fini. Bien sĂ»r nous n’aurons pas Ă©tĂ© les seuls Ă  creuser ces galeries ou Ă  ne pas avoir su les combler, mais ces femmes et ces hommes auront tout de mĂȘme passĂ© une ou plusieurs annĂ©es de leur jeunesse, lĂ , assis en face de nous. Et ce n’est pas rien, une annĂ©e de scolaritĂ© fichue c’est l’éternitĂ© dans un bocal. 11. Il faudrait inventer un temps particulier pour l’apprentissage. Le prĂ©sent d’incarnation, par exemple. Je suis ici, dans cette classe, et je comprends, enfin ! Ça y est ! Mon cerveau diffuse dans mon corps ça s’incarne. Quand ce n’est pas le cas, quand je n’y comprends rien, je me dĂ©lite sur place, je me dĂ©sintĂšgre dans ce temps qui ne passe pas, je tombe en poussiĂšre et le moindre souffle m’éparpille. Seulement, pour que la connaissance ait une chance de s’incarner dans le prĂ©sent d’un cours, il faut cesser d’y brandir le passĂ© comme une honte et l’avenir comme un chĂątiment. 12. À propos, que deviennent-ils, ceux qui sont devenus ? F. est mort quelques mois aprĂšs sa mise Ă  la retraite. J. s’est jetĂ© par la fenĂȘtre la veille de la sienne. G. fait une dĂ©pression nerveuse. Tel autre en sort Ă  peine. Les mĂ©decins de J. F. datent le dĂ©but de son Alzheimer de la premiĂšre annĂ©e de sa retraite anticipĂ©e. Ceux de P. B. aussi. La pauvre L. pleure toutes les larmes de son corps pour avoir Ă©tĂ© licenciĂ©e du groupe de presse oĂč elle croyait faire l’actualitĂ© ad vitam aeternam. Et je pense encore au cordonnier de P., mort de n’avoir pas trouvĂ© repreneur Ă  sa cordonnerie. Alors ma vie ne vaut rien ? » C’est ce qu’il ne cessait de rĂ©pĂ©ter. Personne ne voulait racheter sa raison d’ĂȘtre. Tout ça pour rien ? » Il en est mort de chagrin. Celui-ci est diplomate; retraitĂ© dans six mois, il redoute plus que tout le face-Ă - face avec lui-mĂȘme. Il cherche Ă  faire autre chose conseiller international d’un groupe industriel ? Consultant en ceci ou en cela ? Quant Ă  celui-lĂ , il fut Premier ministre. Il en a rĂȘvĂ© trente ans durant, dĂšs ses premiers succĂšs Ă©lectoraux. Sa femme l’y a toujours encouragĂ©. C’est un routier de la politique, il savait que ce rĂŽle- titre, le gouvernement Untel, Ă©tait, par nature, temporaire. Et dangereux. Il savait qu’à la premiĂšre occasion il serait la risĂ©e de la presse, une cible de choix, y compris pour son propre camp, bouc Ă©missaire en chef. Sans doute connaissait-il la blague de Clemenceau sur son chef de cabinet, en 1917, Quand je pĂšte, c’est lui qui pue ». Oui, le monde politique a de ces Ă©lĂ©gances. On y est d’autant plus cru entre amis » qu’on se doit de peser les dĂ©clarations publiques au milligramme. Donc, il devient Premier ministre. Il accepte ce contrat pĂ©rilleux Ă  durĂ©e limitĂ©e. Sa femme et lui se sont blindĂ©s en consĂ©quence. Premier ministre pendant quelques annĂ©es, bien. Les quelques annĂ©es passent. Comme prĂ©vu, il saute. Il perd son ministĂšre. Ses proches affirment qu’il accuse gravement le coup Il craint pour son avenir. » Tant et si bien qu’une dĂ©pression nerveuse l’entraĂźne jusqu’au bord du suicide. MalĂ©fice du rĂŽle social pour lequel nous avons Ă©tĂ© instruits et Ă©duquĂ©s, et que nous avons jouĂ© toute notre vie », soit une moitiĂ© de notre temps de vivre ĂŽtez- nous le rĂŽle, nous ne sommes mĂȘme plus l’acteur. Ces fins de carriĂšre dramatiques Ă©voquent un dĂ©sarroi assez comparable Ă  mes yeux au tourment de l’adolescent qui, croyant n’avoir aucun avenir, Ă©prouve tant de douleur Ă  durer. RĂ©duits Ă  nous-mĂȘmes, nous nous rĂ©duisons Ă  rien. Au point qu’il nous arrive de nous tuer. C’est, Ă  tout le moins, une faille dans notre Ă©ducation. 13. Vint une annĂ©e oĂč je fus particuliĂšrement mĂ©content de moi. Tout Ă  fait malheureux d’ĂȘtre ce que j’étais. Assez dĂ©sireux de ne pas devenir. La fenĂȘtre de ma chambre donnait sur les baous de La Gaude et de Saint-Jeannet, deux rochers abrupts de nos Alpes du Sud, rĂ©putĂ©s abrĂ©ger la souffrance des amoureux Ă©conduits. Un matin que j’envisageais ces falaises avec un peu trop d’affection, on a frappĂ© Ă  la porte de ma chambre. C’était mon pĂšre. Il a juste passĂ© sa tĂȘte par l’entrebĂąillement - Ah ! Daniel, j’ai complĂštement oubliĂ© de te dire le suicide est une imprudence. 14. Mais revenons Ă  mes dĂ©buts. BouleversĂ©e par mon cambriolage familial, ma mĂšre Ă©tait allĂ©e demander conseil au directeur de mon collĂšge, un personnage dĂ©bonnaire et perspicace, affublĂ© d’un gros nez rassurant les Ă©lĂšves l’appelaient Tarin. Me jugeant plus anxieux et chĂ©tif que dangereux, Tarin prĂ©conisa l’éloignement et le grand air. Un sĂ©jour en altitude me remplumerait. Un pensionnat de montagne, oui, c’était la solution, j’y gagnerais des forces et j’y apprendrais les rĂšgles de la vie en communautĂ©. Ne vous inquiĂ©tez pas, chĂšre madame, vous n’ĂȘtes pas la mĂšre d’ArsĂšne Lupin mais d’un petit rĂȘveur auquel on se doit de donner le sens des rĂ©alitĂ©s. S’ensuivirent mes deux premiĂšres annĂ©es de pension, cinquiĂšme et quatriĂšme, oĂč je ne retrouvais ma famille qu’à NoĂ«l, Ă  PĂąques et pour les grandes vacances. Les autres annĂ©es, je les passerais dans des internats hebdomadaires. La question de savoir si je fus heureux » au pensionnat est assez secondaire. Disons que l’état de pensionnaire me fut infiniment plus supportable que celui d’externe. Il est difficile d’expliquer aux parents d’aujourd’hui les atouts de l’internat, tant ils l’envisagent comme un bagne. À leurs yeux, y envoyer ses enfants relĂšve de l’abandon de paternitĂ©. Évoquer seulement la possibilitĂ© d’une annĂ©e de pension, c’est passer pour un monstre rĂ©trograde, adepte de la prison pour cancres. Inutile d’expliquer qu’on y a soi-mĂȘme survĂ©cu, l’argument de l’autre Ă©poque vous est immĂ©diatement opposĂ© Oui, mais en ce temps-lĂ  on traitait les gosses Ă  la dure ! » Aujourd’hui qu’on a inventĂ© l’amour parental, la question de la pension est taboue, sauf comme menace, ce qui prouve qu’on ne la tient pas pour une solution. Et pourtant
 Non, je ne vais pas faire l’apologie de la pension. Non. Essayons juste de dĂ©crire le cauchemar ordinaire d’un externe en Ă©chec scolaire ». 15. Quel externe ? Un de ceux dont m’entretiennent mes mĂšres tĂ©lĂ©phoniques, par exemple, et qu’elles n’enverraient pour rien au monde en pension. Mettons les choses au mieux c’est un gentil garçon, aimĂ© par sa famille; il ne veut la mort de personne mais, Ă  force de ne rien comprendre Ă  rien, il ne fait plus grand-chose et rĂ©colte des bulletins scolaires oĂč les professeurs, extĂ©nuĂ©s, laissent aller des apprĂ©ciations sans espoir Aucun travail », N’a rien fait rien rendu », En chute libre », ou plus sobrement Que dire ? » J’ai, en Ă©crivant ces lignes, ce bulletin et quelques autres sous les yeux. Suivons notre mauvais externe dans une de ses journĂ©es scolaires. Exceptionnellement, il n’est pas en retard – son carnet de correspondance l’a trop souvent rappelĂ© Ă  l’ordre ces derniers temps –, mais son cartable est presque vide livres, cahiers, matĂ©riel une fois de plus oubliĂ©s son professeur de musique Ă©crira joliment sur son bulletin trimestriel Manque de flĂ»te ». Bien entendu ses devoirs ne sont pas faits. Or sa premiĂšre heure est une heure de mathĂ©matiques et les exercices de math sont de ceux qui manquent Ă  l’appel. Ici, de trois choses l’une ou il n’a pas fait ces exercices parce qu’il s’est occupĂ© Ă  autre chose une vadrouille entre copains, un quelconque massacre vidĂ©o dans sa chambre verrouillĂ©e
, ou il s’est laissĂ© tomber sur son lit sous le poids d’une prostration molle et a sombrĂ© dans l’oubli, un flot de musique hurlant dans son crĂąne, ou – et c’est l’hypothĂšse la plus optimiste – il a, pendant une heure ou deux, bravement tentĂ© de faire ses exercices mais n’y est pas arrivĂ©. Dans les trois cas de figure, Ă  dĂ©faut de copie, notre externe doit fournir une justification Ă  son professeur. Or, l’explication la plus difficile Ă  servir en l’occurrence est la vĂ©ritĂ© pure et simple Monsieur, madame, je n’ai pas fait mes exercices parce que j’ai passĂ© une bonne partie de la nuit quelque part dans le cyberespace Ă  combattre les soldats du Mal, que j’ai d’ailleurs exterminĂ©s jusqu’au dernier, vous pouvez me faire confiance. » Madame, monsieur, dĂ©solĂ© pour ces exercices non faits mais hier soir j’ai cĂ©dĂ© sous le poids d’une Ă©crasante hĂ©bĂ©tude, impossible de remuer le petit doigt, juste la force de chausser mon baladeur. » La vĂ©ritĂ© prĂ©sente ici l’inconvĂ©nient de l’aveu Je n’ai pas fait mon travail », qui appelle une sanction immĂ©diate. Notre externe lui prĂ©fĂ©rera une version institutionnellement plus prĂ©sentable. Par exemple Mes parents Ă©tant divorcĂ©s, j’ai oubliĂ© mon devoir chez mon pĂšre avant de rentrer chez Maman. » En d’autres termes un mensonge. De son cĂŽtĂ© le professeur prĂ©fĂšre souvent cette vĂ©ritĂ© amĂ©nagĂ©e Ă  un aveu trop abrupt qui l’atteindrait dans son autoritĂ©. Le choc frontal est Ă©vitĂ©, l’élĂšve et le professeur trouvent leur compte dans ce pas de deux diplomatique. Pour la note, le tarif est connu copie non remise, zĂ©ro. Le cas de l’externe qui a essayĂ©, bravement mais en vain, de faire son devoir, n’est guĂšre diffĂ©rent. Lui aussi entre en classe dĂ©tenteur d’une vĂ©ritĂ© difficilement recevable Monsieur, j’ai consacrĂ© hier deux heures Ă  ne pas faire votre devoir. Non, non, je n’ai pas fait autre chose, je me suis assis Ă  ma table de travail, j’ai sorti mon cahier de texte, j’ai lu l’énoncĂ© et, pendant deux heures, je me suis retrouvĂ© dans un Ă©tat de sidĂ©ration mathĂ©matique, une paralysie mentale dont je ne suis sorti qu’en entendant ma mĂšre m’appeler pour passer Ă  table. Vous le voyez, je n’ai pas fait votre devoir, mais j’y ai bel et bien consacrĂ© ces deux heures. AprĂšs le dĂźner il Ă©tait trop tard, une nouvelle sĂ©ance de catalepsie m’attendait mon exercice d’anglais. » Si vous Ă©coutiez davantage en classe, vous comprendriez vos Ă©noncĂ©s ! » peut objecter Ă  juste titre le professeur. Pour Ă©viter cette humiliation publique, notre externe prĂ©fĂ©rera lui aussi une prĂ©sentation diplomatique des faits J’étais occupĂ© Ă  lire l’énoncĂ© quand la chaudiĂšre a explosĂ©. » Et ainsi de suite, du matin au soir, de matiĂšre en matiĂšre, de professeur en professeur, de jour en jour, dans une exponentielle du mensonge qui aboutit au fameux C’est ma mĂšre !
 Elle est morte ! » de François Truffaut. AprĂšs cette journĂ©e passĂ©e Ă  mentir Ă  l’institution scolaire, la premiĂšre question que notre mauvais externe entendra en rentrant Ă  la maison est l’invariable - Alors, ça s’est bien passĂ© aujourd’hui ? - TrĂšs bien. Nouveau mensonge. Qui lui aussi demande Ă  ĂȘtre coupĂ© d’un soupçon de vĂ©ritĂ© - En histoire la prof m’a demandĂ© 1515, j’ai rĂ©pondu Marignan, elle Ă©tait trĂšs contente ! Allez, ça tiendra bien jusqu’à demain. Mais demain vient aussitĂŽt et les journĂ©es se rĂ©pĂštent, et notre externe reprend ses va-et-vient entre l’école et la famille, et toute son Ă©nergie mentale s’épuise Ă  tisser un subtil rĂ©seau de pseudo-cohĂ©rence entre les mensonges profĂ©rĂ©s Ă  l’école et les demi-vĂ©ritĂ©s servies Ă  la famille, entre les explications fournies aux uns et les justifications prĂ©sentĂ©es aux autres, entre les portraits Ă  charge des professeurs qu’il fait aux parents et les allusions aux problĂšmes familiaux qu’il glisse Ă  l’oreille des professeurs, un atome de vĂ©ritĂ© dans les uns et dans les autres, toujours, car ces gens-lĂ  finiront par se rencontrer, parents et professeurs, c’est inĂ©vitable, et il faut songer Ă  cette rencontre, peaufiner sans cesse la fiction vraie qui fera le menu de cette entrevue. Cette activitĂ© mentale mobilise une Ă©nergie sans commune mesure avec l’effort consenti par le bon Ă©lĂšve pour faire un bon devoir. Notre mauvais externe s’y Ă©puise. Le voudrait-il il le veut sporadiquement qu’il n’aurait plus aucune force pour se mettre Ă  travailler vraiment. La fiction oĂč il s’englue le tient prisonnier ailleurs, quelque part entre l’école Ă  combattre et la famille Ă  rassurer, dans une troisiĂšme et angoissante dimension oĂč le rĂŽle dĂ©volu Ă  l’imagination consiste Ă  colmater les innombrables brĂšches par oĂč peut surgir le rĂ©el sous ses aspects les plus redoutĂ©s mensonge dĂ©couvert, colĂšre des uns, chagrin des autres, accusations, sanctions, renvoi peut-ĂȘtre, retour Ă  soi-mĂȘme, culpabilitĂ© impuissante, humiliation, dĂ©lectation morose Ils ont raison, je suis nul, nul, nul. Je suis un nul. Or, dans la sociĂ©tĂ© oĂč nous vivons, un adolescent installĂ© dans la conviction de sa nullitĂ© voilĂ  au moins une chose que l’expĂ©rience vĂ©cue nous aura apprise est une proie. 16. Les raisons pour lesquelles il arrive aux professeurs et aux parents de passer outre ces mensonges, voire d’en ĂȘtre complices, sont trop nombreuses pour ĂȘtre discutĂ©es. Combien de bobards quotidiens sur quatre ou cinq classes de trente-cinq Ă©lĂšves ? Peut lĂ©gitimement se demander un professeur. OĂč trouver le temps nĂ©cessaire Ă  ces enquĂȘtes ? Suis-je, d’ailleurs, un enquĂȘteur ? Dois-je, sur le plan de l’éducation morale, me substituer Ă  la famille ? Si oui, dans quelles limites ? Et ainsi de suite, litanie d’interrogations dont chacune fait, un jour ou l’autre, l’objet d’une discussion passionnĂ©e entre collĂšgues. Mais il est une autre raison pour laquelle le professeur ignore ces mensonges, une raison plus enfouie, qui, si elle accĂ©dait Ă  la conscience claire, donnerait Ă  peu prĂšs ceci Ce garçon est l’incarnation de mon propre Ă©chec professionnel. Je n’arrive ni Ă  le faire progresser, ni Ă  le faire travailler, tout juste Ă  le faire venir en classe, et encore suis-je assurĂ© de sa seule prĂ©sence physique. Par bonheur, Ă  peine entrevue, cette mise en cause personnelle est combattue par quantitĂ© d’arguments recevables J’échoue avec celui-ci, d’accord, mais je rĂ©ussis avec beaucoup d’autres. Ce n’est tout de mĂȘme pas ma faute si ce garçon se trouve en quatriĂšme ! Que lui ont donc appris mes prĂ©dĂ©cesseurs ? Le collĂšge unique est-il Ă  mettre en cause ? À quoi pensent ses parents ? Imagine-t-on qu’avec mes effectifs et mes horaires je puisse lui faire rattraper un pareil retard ? Autant de questions qui, rameutant le passĂ© de l’élĂšve, sa famille, les collĂšgues, l’institution elle-mĂȘme, nous permettent de rĂ©diger en toute conscience l’annotation la plus rĂ©pandue des bulletins scolaires Manque de bases que j’ai trouvĂ©e jusque sur un bulletin de cours prĂ©paratoire !. Autrement dit patate chaude. Chaude, la patate l’est surtout pour les parents. Ils n’en finissent pas de la faire sauter d’une main dans l’autre. Les mensonges quotidiens de ce gosse les Ă©puisent mensonges par omission, affabulations, explications exagĂ©rĂ©ment dĂ©taillĂ©es, justifications anticipĂ©es En fait, ce qui s’est passé  » De guerre lasse bon nombre de parents feignent d’accepter ces fables dĂ©bilitantes, pour calmer momentanĂ©ment leur propre angoisse d’abord l’atome de vĂ©ritĂ© Marignan 1515 jouant son rĂŽle de cachet d’aspirine, pour prĂ©server l’atmosphĂšre familiale ensuite, que le dĂźner ne tourne pas au drame, pas ce soir s’il vous plaĂźt, pas ce soir, pour retarder l’épreuve des aveux qui dĂ©chire le cƓur de chacun, bref, pour repousser le moment oĂč on mesurera sans rĂ©elle surprise l’étendue de la bĂ©rĂ©zina scolaire en recevant le bulletin trimestriel, plus ou moins adroitement maquillĂ© par le principal intĂ©ressĂ©, qui tient Ă  l’Ɠil la boĂźte aux lettres familiale. Nous verrons demain, nous verrons demain
 17. Une des plus mĂ©morables histoires de complicitĂ©s adultes au mensonge d’un enfant est la mĂ©saventure arrivĂ©e au frĂšre de mon ami B. Il devait avoir douze ou treize ans, Ă  l’époque. Comme il redoutait un contrĂŽle de math, il demande Ă  son meilleur copain de lui indiquer la place exacte de l’appendice. Sur quoi il s’effondre, simulant une crise terrible. La direction fait mine de le croire, le renvoie chez lui, ne serait-ce que pour s’en dĂ©barrasser. De lĂ , les parents – Ă  qui il en a fait d’autres – le conduisent sans grande illusion dans une clinique voisine, oĂč, surprise, on l’opĂšre sur- le-champ ! AprĂšs l’opĂ©ration, le chirurgien apparaĂźt, porteur d’un bocal oĂč baigne un long machin sanguinolent et dĂ©clare, le visage rayonnant d’innocence J’ai bien fait de l’opĂ©rer, il Ă©tait Ă  deux doigts de la pĂ©ritonite ! » Car les sociĂ©tĂ©s se bĂątissent aussi sur le mensonge bien partagĂ©. Ou cette autre histoire plus rĂ©cente N., proviseur d’un lycĂ©e parisien, veille Ă  l’absentĂ©isme. Elle fait elle-mĂȘme l’appel dans ses classes de terminale. Elle tient particuliĂšrement Ă  l’Ɠil un rĂ©cidiviste qu’elle a menacĂ© d’exclusion Ă  la prochaine absence injustifiĂ©e. Ce matin-lĂ , le garçon est absent; c’est la fois de trop. N. appelle aussitĂŽt la famille par le tĂ©lĂ©phone du secrĂ©tariat. La mĂšre, dĂ©solĂ©e, lui affirme que son fils est bel et bien malade, au fond de son lit, brĂ»lant de fiĂšvre, et lui assure qu’elle Ă©tait sur le point de prĂ©venir le lycĂ©e. N. raccroche, satisfaite; tout est dans l’ordre. À ceci prĂšs qu’elle croise le garçon en retournant Ă  son bureau. Il Ă©tait tout simplement aux toilettes pendant l’appel. 18. En limitant les va-et-vient entre l’école et la famille, l’état de pensionnaire prĂ©sente sur celui d’externe l’avantage d’installer notre Ă©lĂšve dans deux temporalitĂ©s distinctes l’école du lundi matin au vendredi soir, la famille pendant le week-end. Un groupe d’interlocuteurs pendant cinq jours ouvrables, l’autre pendant deux jours fĂ©riĂ©s qui retrouvent une chance de redevenir deux jours festifs. La rĂ©alitĂ© scolaire d’un cĂŽtĂ©, la rĂ©alitĂ© familiale de l’autre. S’endormir sans avoir Ă  rassurer les parents par le mensonge du jour, se rĂ©veiller sans avoir Ă  fourbir d’excuses pour le travail non fait, puisqu’il a Ă©tĂ© fait Ă  l’étude du soir avec, dans le meilleur des cas, l’aide d’un surveillant ou d’un professeur. Du repos mental, en somme; une Ă©nergie rĂ©cupĂ©rĂ©e qui a quelque chance d’ĂȘtre investie dans le travail scolaire. Est-ce suffisant pour propulser le cancre en tĂȘte de la classe ? Du moins est-ce lui donner une occasion de vivre le prĂ©sent comme tel. Or, c’est dans la conscience de son prĂ©sent que l’individu se construit, pas en le fuyant. Ici s’arrĂȘte mon Ă©loge de la pension. Ah, si, tout de mĂȘme, histoire de terroriser tout le monde j’ajouterai, pour y avoir enseignĂ© moi-mĂȘme, que les meilleurs internats sont ceux oĂč les professeurs eux aussi sont pensionnaires. Disponibles Ă  toute heure, en cas de SOS. 19. À noter que, durant ces vingt derniĂšres annĂ©es oĂč la pension avait si mauvaise presse, trois des plus gros succĂšs du cinĂ©ma et de la littĂ©rature populaires auprĂšs de la jeunesse auront Ă©tĂ© Le cercle des poĂštes disparus, Harry Potter, et Les choristes, tous trois ayant pour cadre un pensionnat. Trois pensionnats assez archaĂŻques de surcroĂźt uniformes, rituels et chĂątiments corporels chez les Anglo-Saxons, blouses grises, bĂątiments sinistres, professeurs poussiĂ©reux et paires de baffes chez Les choristes. Il serait intĂ©ressant d’analyser le triomphe que fit auprĂšs des jeunes spectateurs de 1989 Le cercle des poĂštes disparus, Ă  peu prĂšs unanimement dĂ©criĂ© par notre critique et nos salles de professeurs dĂ©magogie, complaisance, archaĂŻsme, niaiserie, sentimentalisme, pauvretĂ© cinĂ©matographique et intellectuelle, autant d’arguments qu’on ne peut raisonnablement contester
 Reste que des hordes de lycĂ©ens s’y prĂ©cipitĂšrent et en revinrent radieux. Les supposer enchantĂ©s par les seuls dĂ©fauts du film c’est se faire une piĂštre opinion d’une gĂ©nĂ©ration entiĂšre. Les anachronismes du professeur Keating, par exemple, n’avaient pas Ă©chappĂ© Ă  mes Ă©lĂšves, ni sa mauvaise foi - Il n’est pas tout Ă  fait honnĂȘte », monsieur, avec son Carpe diem, Keating, il en parle comme si nous Ă©tions toujours au XVIe siĂšcle; or, au XVIe on mourait beaucoup plus jeune qu’aujourd’hui ! - Et puis, c’est dĂ©gueulasse, le dĂ©but, quand il fait dĂ©chirer le manuel scolaire, un type qui se prĂ©tend si ouvert
 Et pourquoi pas se mettre Ă  brĂ»ler les livres qui lui dĂ©plaisent, tant qu’il y est ? Moi, j’aurais refusĂ©. Cela dĂ©duit, mes Ă©lĂšves avaient adorĂ© » le film. Tous et toutes s’identifiaient Ă  ces jeunes AmĂ©ricains de la fin des annĂ©es cinquante qui, socialement et culturellement parlant, leur Ă©taient Ă  peu prĂšs aussi proches que des Martiens. Tous et toutes raffolaient de l’acteur Robin Williams dont les adultes estimaient qu’il en faisait des tonnes. Son professeur Keating incarnait Ă  leurs yeux la chaleur humaine et l’amour du mĂ©tier passion pour la matiĂšre enseignĂ©e, dĂ©vouement absolu Ă  ses Ă©lĂšves, le tout servi par un dynamisme de coach infatigable. Le vase clos de l’internat ajoutait Ă  l’intensitĂ© de ses cours, il leur confĂ©rait un climat d’intimitĂ© dramatique qui Ă©levait nos jeunes spectateurs Ă  la dignitĂ© d’étudiants Ă  part entiĂšre. À leurs yeux les cours de Keating Ă©taient un rituel de passage qui ne regardait qu’eux et eux seuls. Ce n’était pas l’affaire de la famille. Ni d’ailleurs celle des professeurs. Ce qu’un de mes Ă©lĂšves exprima sans ambages - Bon, les profs n’aiment pas. Mais c’est notre film, c’est pas le vĂŽtre ! Exactement ce qu’avaient dĂ» penser la plupart des professeurs en question, vingt ans plus tĂŽt, quand, lycĂ©ens eux-mĂȘmes, ils avaient jubilĂ© Ă  la Palme d’or du Festival de Cannes 1969, intitulĂ©e If, une autre histoire de pensionnat, oĂč les plus brillants Ă©lĂšves d’un collĂšge ĂŽ combien britannique prenaient leur Ă©cole d’assaut et, perchĂ©s sur les toits, tiraient Ă  la mitrailleuse et au mortier sur les parents, l’évĂȘque et les professeurs rassemblĂ©s pour la remise des prix. Spectateurs adultes scandalisĂ©s, comme il se doit, Ă©tudiants et lycĂ©ens exultant, bien entendu C’est notre film, pas le leur ! Apparemment, les temps avaient changĂ©. Je me suis dit alors qu’une Ă©tude comparĂ©e de tous les films concernant l’école en dirait long sur les sociĂ©tĂ©s qui les avaient vus naĂźtre. Du ZĂ©ro de conduite de Jean Vigo Ă  ce fameux Cercle des poĂštes disparus, en passant par Les disparus de Saint- Agil de Christian-Jaque 1939, La cage aux rossignols de Jean DrĂ©ville 1944, l’ancĂȘtre des Choristes, Graine de violence de Richard Brooks USA, 1955, Les 400 coups de François Truffaut 1959, Le premier maĂźtre de Mikhalkov-Kontchalovski URSS, 1965, Le professeur de Zurlini 1972, Ă  quoi on peut ajouter, aprĂšs 1990, Le porteur de serviette de Daniele Luchetti 1991, Le tableau noir de l’Iranienne Samira Makhmalbaf 2000, L’esquive d’Abdellatif Kechiche 2002, et quelques dizaines encore. Mon projet d’étude comparĂ©e n’a pas dĂ©passĂ© le stade de l’intention; le traite qui veut, si ce n’est dĂ©jĂ  fait. VoilĂ  en tout cas un beau prĂ©texte Ă  rĂ©trospective. La plupart de ces films ayant Ă©tĂ© d’énormes succĂšs publics, on pourrait en tirer bon nombre d’enseignements intĂ©ressants, entre autres celui-ci que, depuis Rabelais, chaque gĂ©nĂ©ration de Gargantua Ă©prouve une juvĂ©nile horreur des Holoferne et un gros besoin de Ponocrates, en d’autres termes l’envie toujours renouvelĂ©e de se former en supposant Ă  l’air du temps, Ă  l’esprit du lieu, et le dĂ©sir de s’épanouir Ă  l’ombre ou plutĂŽt dans la clartĂ© ! d’un maĂźtre jugĂ© exemplaire. 20. Mais revenons Ă  la question du devenir. FĂ©vrier 1959, septembre 1969. Dix annĂ©es, donc, s’étaient Ă©coulĂ©es entre la lettre calamiteuse que j’avais Ă©crite Ă  ma mĂšre et celle que mon pĂšre envoyait Ă  son fils professeur. Les dix annĂ©es oĂč je suis devenu. À quoi tient la mĂ©tamorphose du cancre en professeur ? Et, accessoirement, celle de l’analphabĂšte en romancier ? C’est Ă©videmment la premiĂšre question qui vient Ă  l’esprit. Comment suis-je devenu ? La tentation est grande de ne pas rĂ©pondre. En arguant, par exemple, que la maturation ne se laisse pas dĂ©crire, celle des individus pas plus que celle des oranges. À quel moment l’adolescent le plus rĂ©tif atterrit-il sur le terrain de la rĂ©alitĂ© sociale ? Quand dĂ©cide-t-il de jouer, si peu que ce soit, ce jeu-lĂ  ? Est-ce seulement de l’ordre de la dĂ©cision ? Quelle part y prennent l’évolution organique, la chimie cellulaire, le maillage du rĂ©seau neuronal ? Autant de questions qui permettent d’éviter le sujet. - Si ce que vous Ă©crivez de votre cancrerie est vrai, pourrait-on m’objecter, cette mĂ©tamorphose est un authentique mystĂšre ! À ne pas y croire, en effet. C’est d’ailleurs le lot du cancre on ne le croit jamais. Pendant sa cancrerie on l’accuse de dĂ©guiser une paresse vicieuse en lamentations commodes ArrĂȘte de nous raconter des histoires et travaille ! » Et quand sa situation sociale atteste qu’il s’en est sorti on le soupçonne de se faire valoir Vous, un ancien cancre ? Allons donc, vous vous vantez ! » Le fait est que le bonnet d’ñne se porte volontiers a posteriori. C’est mĂȘme une dĂ©coration qu’on s’octroie couramment en sociĂ©tĂ©. Elle vous distingue de ceux dont le seul mĂ©rite fut de suivre les chemins du savoir balisĂ©. Le gotha pullule d’anciens cancres hĂ©roĂŻques. On les entend, ces malins, dans les salons, sur les ondes, prĂ©senter leurs dĂ©boires scolaires comme des hauts faits de rĂ©sistance. Je ne crois, moi, Ă  ces paroles, que si j’y perçois l’arriĂšre-son d’une douleur. Car si l’on guĂ©rit parfois de la cancrerie, on ne cicatrise jamais tout Ă  fait des blessures qu’elle nous infligea. Cette enfance-lĂ  n’était pas drĂŽle, et s’en souvenir ne l’est pas davantage. Impossible de s’en flatter. Comme si l’ancien asthmatique se vantait d’avoir senti mille fois qu’il allait mourir d’étouffement ! Pour autant, le cancre tirĂ© d’affaire ne souhaite pas qu’on le plaigne, surtout pas, il veut oublier, c’est tout, ne plus penser Ă  cette honte. Et puis il sait, au fond de lui, qu’il aurait fort bien pu ne pas s’en sortir. AprĂšs tout, les cancres perdus Ă  vie sont les plus nombreux. J’ai toujours eu le sentiment d’ĂȘtre un rescapĂ©. Bref, que s’est-il passĂ© en moi pendant ces dix annĂ©es ? Comment m’en suis-je sorti ? Une constatation prĂ©alable adultes et enfants, on le sait, n’ont pas la mĂȘme perception du temps. Dix ans ne sont rien aux yeux de l’adulte qui calcule par dĂ©cennies la durĂ©e de son existence. C’est si vite passĂ©, dix ans, quand on en a cinquante ! Sensation de rapiditĂ© qui, d’ailleurs, aiguise l’inquiĂ©tude des mĂšres pour l’avenir de leur fils. Le bac dans cinq ans, dĂ©jĂ , mais c’est tout de suite ! Comment le petit peut-il changer si radicalement en si peu de temps ? Or, pour le petit, chacune de ces annĂ©es-lĂ  vaut un millĂ©naire; Ă  ses yeux son futur tient tout entier dans les quelques jours qui viennent. Lui parler de l’avenir c’est lui demander de mesurer l’infini avec un dĂ©cimĂštre. Si le verbe devenir » le paralyse, c’est surtout parce qu’il exprime l’inquiĂ©tude ou la rĂ©probation des adultes. L’avenir, c’est moi en pire, voilĂ  en gros ce que je traduisais quand mes professeurs m’affirmaient que je ne deviendrais rien. En les Ă©coutant je ne me faisais pas la moindre reprĂ©sentation du temps, je les croyais, tout bonnement crĂ©tin Ă  jamais, pour toujours, jamais » et toujours » Ă©tant les seules unitĂ©s de mesure que l’orgueil blessĂ© propose au cancre pour sonder le temps. Le temps
 Je ne savais pas qu’il me faudrait vieillir pour avoir une perception logarithmique de son Ă©coulement. J’étais d’ailleurs tout Ă  fait ignorant des logs, de leurs tables, de leurs fonctions, de leurs Ă©chelles et de leurs courbes charmantes
 Mais, devenu professeur, je sus d’instinct qu’il Ă©tait vain de brandir le futur sous le nez de mes plus mauvais Ă©lĂšves. À chaque jour suffit sa peine, et Ă  chaque heure dans cette journĂ©e, pourvu que nous y soyons pleinement prĂ©sents, ensemble. Or, enfant, je n’y Ă©tais pas. Il me suffisait de pĂ©nĂ©trer dans une classe pour en sortir. Comme un de ces rayons tombĂ©s des soucoupes volantes, il me semblait que le regard vertical du maĂźtre m’arrachait Ă  ma chaise et m’expĂ©diait instantanĂ©ment ailleurs. OĂč cela ? Dans sa tĂȘte prĂ©cisĂ©ment ! La tĂȘte du maĂźtre ! C’était le laboratoire de la soucoupe volante. Le rayon m’y dĂ©posait. On y prenait toute la mesure de ma nullitĂ©, puis on me recrachait, par un autre regard, comme un dĂ©tritus, et je roulais dans un champ d’épandage oĂč je ne pouvais comprendre ni ce qu’on m’enseignait, ni d’ailleurs ce que l’école attendait de moi puisque j’étais rĂ©putĂ© incapable. Ce verdict m’offrait les compensations de la paresse Ă  quoi bon se tuer Ă  la tĂąche si les plus hautes autoritĂ©s considĂšrent que les carottes sont cuites ? On le voit, je dĂ©veloppais une certaine aptitude Ă  la casuistique. C’est une tournure d’esprit que, professeur, je repĂ©rais vite chez mes cancres. Puis vint mon premier sauveur. Un professeur de français. En troisiĂšme. Qui me repĂ©ra pour ce que j’étais un affabulateur sincĂšre et joyeusement suicidaire. ÉpatĂ©, sans doute, par mon aptitude Ă  fourbir des excuses toujours plus inventives pour mes leçons non apprises ou mes devoirs non faits, il dĂ©cida de m’exonĂ©rer de dissertations pour me commander un roman. Un roman que je devais rĂ©diger dans le trimestre, Ă  raison d’un chapitre par semaine. Sujet libre, mais priĂšre de fournir mes livraisons sans faute d’orthographe, histoire d’élever le niveau de la critique ». Je me rappelle cette formule alors que j’ai tout oubliĂ© du roman lui-mĂȘme. Ce professeur Ă©tait un trĂšs vieil homme qui nous consacrait les derniĂšres annĂ©es de sa vie. Il devait arrondir sa retraite dans cette boĂźte on ne peut plus privĂ©e de la banlieue nord parisienne. Un vieux monsieur d’une distinction dĂ©suĂšte, qui avait donc repĂ©rĂ© en moi le narrateur. Il s’était dit que, dysorthographie ou pas, il fallait m’attaquer par le rĂ©cit si l’on voulait avoir une chance de m’ouvrir au travail scolaire. J’écrivis ce roman avec enthousiasme. J’en corrigeais scrupuleusement chaque mot Ă  l’aide du dictionnaire qui, de ce jour, ne me quitte plus, et je livrais mes chapitres avec la ponctualitĂ© d’un feuilletoniste professionnel. J’imagine que ce devait ĂȘtre un rĂ©cit fort triste, trĂšs influencĂ© que j’étais alors par Thomas Hardy, dont les romans vont de malentendu en catastrophe et de catastrophe en tragĂ©die irrĂ©parable, ce qui ravissait mon goĂ»t du fatum rien Ă  faire dĂšs le dĂ©part, c’est bien mon avis. Je ne crois pas avoir fait de progrĂšs substantiel en quoi que ce soit cette annĂ©e-lĂ  mais, pour la premiĂšre fois de ma scolaritĂ©, un professeur me donnait un statut; j’existais scolairement aux yeux de quelqu’un, comme un individu qui avait une ligne Ă  suivre, et qui tenait le coup dans la durĂ©e. Reconnaissance Ă©perdue pour mon bienfaiteur, Ă©videmment, et quoiqu’il fĂ»t assez distant, le vieux monsieur devint le confident de mes lectures secrĂštes. - Alors, que lit-on, Pennacchioni, en ce moment ? Car il y avait la lecture. Je ne savais pas, alors, qu’elle me sauverait. À l’époque, lire n’était pas l’absurde prouesse d’aujourd’hui. ConsidĂ©rĂ©e comme une perte de temps, rĂ©putĂ©e nuisible au travail scolaire, la lecture des romans nous Ă©tait interdite pendant les heures d’étude. D’oĂč ma vocation de lecteur clandestin romans recouverts comme des livres de classe, cachĂ©s partout oĂč cela se pouvait, lectures nocturnes Ă  la lampe de poche, dispenses de gymnastique, tout Ă©tait bon pour me retrouver seul avec un livre. C’est la pension qui m’a donnĂ© ce goĂ»t-lĂ . Il m’y fallait un monde Ă  moi, ce fut celui des livres. Dans ma famille, j’avais surtout regardĂ© les autres lire mon pĂšre fumant sa pipe dans son fauteuil, sous le cĂŽne d’une lampe, passant distraitement son annulaire dans la raie impeccable de ses cheveux, un livre ouvert sur ses genoux croisĂ©s; Bernard, dans notre chambre, allongĂ© sur le cĂŽtĂ©, genoux repliĂ©s, sa main droite soutenant sa tĂȘte
 Il y avait du bien-ĂȘtre dans ces attitudes. Au fond, c’est la physiologie du lecteur qui m’a poussĂ© Ă  lire. Peut-ĂȘtre n’ai- je lu, au dĂ©but, que pour reproduire ces postures et en explorer d’autres. En lisant je me suis physiquement installĂ© dans un bonheur qui dure toujours. Que lisais-je ? Les contes d’Andersen, pour cause d’identification au Vilain petit canard, mais Alexandre Dumas aussi, pour le mouvement des Ă©pĂ©es, des chevaux et des cƓurs. Et Selma LagerlĂŽf, le magnifique GĂŽsta Berling, ce pasteur ivrogne et splendide, banni par son Ă©vĂȘque, dont je fus l’infatigable compagnon d’aventure avec les autres cavaliers d’Ekeby, La Guerre et la Paix, offert par Bernard pour mon entrĂ©e en quatriĂšme je crois, l’histoire d’amour entre Natacha et le prince AndrĂ© Ă  la premiĂšre lecture – ce qui rĂ©duisait le roman Ă  une centaine de pages –, l’épopĂ©e napolĂ©onienne en troisiĂšme, Ă  la deuxiĂšme lecture Austerlitz, Borodino, l’incendie de Moscou, la retraite de Russie j’avais dessinĂ© une fresque immense de la bataille d’Austerlitz, oĂč se massacraient les petits bonshommes de mon Ă©criture clandestine, deux ou trois cents pages de mieux. Nouvelle lecture en seconde, pour l’amitiĂ© de Pierre Bezoukhov un autre vilain petit canard, mais qui comprenait plus de choses qu’on ne le croyait, et la totalitĂ© du roman enfin, en terminale, pour la Russie, pour le personnage de Koutouzov, pour Clausewitz, pour la rĂ©forme agraire, pour TolstoĂŻ. Il y avait Dickens, Ă©videmment – Oliver Twist avait besoin de moi –, Emily BrontĂ«, dont le moral m’appelait au secours, Stevenson, Jack London, Oscar Wilde, et les premiĂšres lectures de DostoĂŻevski, Le joueur, bien sĂ»r avec DostoĂŻevski, va savoir pourquoi, on commence toujours par Le joueur. Ainsi allaient mes lectures, au grĂ© de ce que je trouvais dans la bibliothĂšque familiale et Tintin, bien sĂ»r, et Spirou, et les Signes de piste ou les Bob Morane qui ravageaient l’époque. La premiĂšre qualitĂ© des romans que j’emportais au collĂšge Ă©tait de ne pas ĂȘtre au programme. Personne ne m’interrogeait. Aucun regard ne lisait ces lignes pardessus mon Ă©paule; leurs auteurs et moi demeurions entre nous. J’ignorais, en les lisant, que je me cultivais, que ces livres Ă©veillaient en moi un appĂ©tit qui survivrait mĂȘme Ă  leur oubli. Ces lectures de jeunesse s’achevĂšrent par quatre portes ouvertes sur les signes du monde, quatre livres on ne peut plus diffĂ©rents mais qui tissĂšrent en moi, pour des raisons qui me demeurent en partie mystĂ©rieuses, des liens Ă©troits de parentĂ© Les liaisons dangereuses, À rebours, Mythologies de Roland Barthes et Les choses de Perec. Je n’étais pas un lecteur raffinĂ©. N’en dĂ©plaise Ă  Flaubert, je lisais comme Emma Bovary Ă  quinze ans, pour la seule satisfaction de mes sensations, lesquelles, par bonheur, se rĂ©vĂ©lĂšrent insatiables. Je ne tirais aucun bĂ©nĂ©fice scolaire immĂ©diat de ces lectures. Contre toutes les idĂ©es reçues, ces milliers de pages avalĂ©es et trĂšs vite oubliĂ©es n’amĂ©liorĂšrent pas mon orthographe, toujours incertaine aujourd’hui, d’oĂč l’omniprĂ©sence de mes dictionnaires. Non, ce qui eut provisoirement raison de mes fautes mais ce provisoire rendait la chose dĂ©finitivement possible, ce fut ce roman commandĂ© par ce professeur qui refusait d’abaisser sa lecture Ă  des considĂ©rations orthographiques. Je lui devais un manuscrit sans faute. Un gĂ©nie de l’enseignement en somme. Pour moi seul, peut-ĂȘtre, et peut-ĂȘtre en cette seule circonstance, mais un gĂ©nie ! J’ai croisĂ© trois autres de ces gĂ©nies entre ma classe de troisiĂšme et ma seconde terminale, trois autres sauveurs dont je parlerai plus loin un professeur de mathĂ©matiques qui Ă©tait les mathĂ©matiques, une Ă©poustouflante professeur d’histoire qui pratiquait comme personne l’art de l’incarnation historique, et un professeur de philosophie que mon admiration surprend d’autant plus aujourd’hui que lui-mĂȘme ne garde aucun souvenir de moi il me l’a Ă©crit, ce qui le grandit encore Ă  mes yeux puisqu’il m’éveilla l’esprit sans que je doive rien Ă  son estime mais tout Ă  son art. À eux quatre ces maĂźtres m’ont sauvĂ© de moi-mĂȘme. Sont-ils arrivĂ©s trop tard ? Les aurais-je si bien suivis, s’ils avaient Ă©tĂ© mes instituteurs ? Garderais-je un meilleur souvenir de mon enfance ? Quoi qu’il en soit, ils ont Ă©tĂ© mes heureux imprĂ©vus. Furent-ils, pour d’autres Ă©lĂšves, la rĂ©vĂ©lation qu’ils ont Ă©tĂ© pour moi ? C’est une question qui se pose, tant la notion de tempĂ©rament joue son rĂŽle en matiĂšre de pĂ©dagogie. Quand il m’arrive de rencontrer un ancien Ă©lĂšve qui se dĂ©clare heureux des heures passĂ©es dans ma classe, je me dis qu’au mĂȘme instant, sur un autre trottoir, se promĂšne peut-ĂȘtre celui pour qui j’étais l’éteignoir de service. Un autre Ă©lĂ©ment de ma mĂ©tamorphose fut l’irruption de l’amour dans ma prĂ©tendue indignitĂ©. L’amour ! Parfaitement inimaginable Ă  l’adolescent que je croyais ĂȘtre. La statistique, pourtant, disait son surgissement probable, voire certain. Mais non, pensez donc, inspirer de l’amour, moi ? Et Ă  qui ? Il se prĂ©senta pour la premiĂšre fois sous la forme d’une Ă©mouvante rencontre de vacances, s’exprima essentiellement dans une copieuse correspondance, et s’acheva par une rupture consentie au nom de notre jeunesse et de la distance gĂ©ographique qui nous sĂ©parait. L’étĂ© suivant, le cƓur brisĂ© par la fin de cette passion semi-platonique, je m’engageai comme mousse sur un cargo, un des derniers liberty ships en service sur l’Atlantique, et jetai Ă  la mer un paquet de lettres Ă  faire ricaner les requins. Il fallut attendre deux ans pour qu’un autre amour devienne le premier, par l’importance que, dans ce domaine, les actes confĂšrent Ă  la parole. Un autre genre d’incarnation, qui rĂ©volutionna ma vie et signa l’arrĂȘt de mort de ma cancrerie. Une femme m’aimait ! Pour la premiĂšre fois de ma vie mon nom rĂ©sonnait Ă  mes propres oreilles ! Une femme m’appelait par mon nom ! J’existais aux yeux d’une femme, dans son cƓur, entre ses mains, et dĂ©jĂ  dans ses souvenirs, son premier regard du lendemain me le disait ! Choisi parmi tous les autres ! Moi ! PrĂ©fĂ©rĂ© ! Moi ! Par elle ! Une Ă©lĂšve d’hypokhĂągne, qui plus est, quand j’allais redoubler ma terminale ! Mes derniers barrages sautĂšrent tous les livres lus nuitamment, ces milliers de pages pour la plupart effacĂ©es de ma mĂ©moire, ces connaissances stockĂ©es Ă  l’insu de tous et de moi-mĂȘme, enfouies sous tant de couches d’oubli, de renoncement et d’autodĂ©nigrement, ce magma de mots bouillonnant d’idĂ©es, de sentiments, de savoirs en tout genre, fit soudain exploser la croĂ»te d’infamie et jaillit dans ma cervelle qui prit des allures de firmament infiniment Ă©toile ! En somme, je planais, comme disent les heureux d’aujourd’hui. J’aimais et on m’aimait ! Comment tant d’ardeur impatiente pouvait-elle susciter tant de calme et tant de certitude ? Quelle confiance me faisait-on, tout Ă  coup ! Et quelle confiance avais-je soudain en moi ! Pendant les quelques annĂ©es que dura ce bonheur, il ne fut plus question de faire l’imbĂ©cile. Les bouchĂ©es doubles, oui. AprĂšs le bac, j’éliminai en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire une licence et une maĂźtrise de lettres, l’écriture de mon premier roman, des cahiers entiers d’aphorismes que j’appelais sans rire mes Laconiques, et la production d’innombrables dissertations, dont certaines destinĂ©es aux khĂągneuses amies de mon amie qui rĂ©clamaient mes lumiĂšres sur tel point d’histoire, de littĂ©rature ou de philosophie. Dans la foulĂ©e je m’étais mĂȘme offert le luxe d’une hypokhĂągne que j’abandonnai en cours de route pour la rĂ©daction de ce fameux premier roman. Laisser aller ma propre plume, voler de mes propres ailes, dans mon propre ciel ! Je ne voulais rien d’autre. Et que mon amie continuĂąt de m’aimer. À la blague de mon pĂšre sur la rĂ©volution nĂ©cessaire Ă  ma licence et sur le risque d’un conflit planĂ©taire si je tentais l’agrĂ©g, j’ai ri de bon cƓur et rĂ©torquĂ© que, pas du tout, pas la rĂ©volution, Papa, l’amour, nom de Dieu ! L’amour depuis trois ans ! La rĂ©volution nous l’avons faite au lit, elle et moi ! Quant Ă  l’agrĂ©g, pas d’agrĂ©g, je n’aime pas les jeux de hasard ! Ni de Capes ! Assez perdu de temps comme ça. Une maĂźtrise et basta le minimum vital du professeur. Petit prof, Papa. Dans des petites boĂźtes s’il le faut. Retour sur le lieu du crime. M’y occuper des gosses qui sont tombĂ©s dans la poubelle de Djibouti. M’occuper d’eux avec le clair souvenir de ce que je fus. Pour le reste, la littĂ©rature ! Le roman ! L’enseignement et le roman ! Lire, Ă©crire, enseigner ! Mon rĂ©veil doit aussi beaucoup Ă  la tĂ©nacitĂ© de ce pĂšre faussement lointain. Jamais dĂ©couragĂ© par mon dĂ©couragement, il a su rĂ©sister Ă  toutes mes tentatives de fuite cette supplique vĂ©hĂ©mente, par exemple, Ă  quatorze ans, pour qu’il me fasse entrer aux enfants de troupe. Nous en avons beaucoup ri vingt ans plus tard, quand, libĂ©rĂ© de mon service, je lui ai donnĂ© Ă  lire la mention inscrite sur mon livret militaire, Grades successifs deuxiĂšme classe. - Successivement deuxiĂšme classe, alors ? C’est bien ce que je pensais inapte Ă  l’obĂ©issance et aucun goĂ»t pour le commandement. Il y eut ce vieil ami aussi, Jean Rolin, professeur de philo, pĂšre de Nicolas, de Jeanne et de Jean-Paul, mes compagnons d’adolescence. Chaque fois que je ratais le bac, il m’invitait dans un excellent restaurant, pour me convaincre, une fois de plus, que chacun va son rythme et que je faisais tout bonnement un retard d’éclosion. Jean, mon cher Jean, que ces pages – si tardives en effet – te fassent sourire, au paradis des philosophes. 21. Bref, on devient. Mais on ne change pas tellement. On fait avec ce qu’on est. VoilĂ  qu’à la fin de cette deuxiĂšme partie, je m’offre une crise de doute. Doute quant Ă  la nĂ©cessitĂ© de ce livre, doute quant Ă  mes capacitĂ©s Ă  l’écrire, doute sur moi- mĂȘme tout simplement, doute qui s’épanouira bientĂŽt en considĂ©rations ironiques sur l’ensemble de mon travail, voire ma vie entiĂšre
 Doute prolifĂ©rant
 Ces crises sont frĂ©quentes. Elles ont beau ĂȘtre un hĂ©ritage de ma cancrerie, je ne m’y habitue pas. On doute toujours pour la premiĂšre fois et j’ai le doute ravageur. Il me pousse vers ma pente naturelle. Je rĂ©siste mais de jour en jour je redeviens le mauvais Ă©lĂšve que j’essaye de dĂ©crire. Les symptĂŽmes sont rigoureusement pareils Ă  ceux de mes treize ans rĂȘverie, procrastination, Ă©parpillement, hypocondrie, nervositĂ©, dĂ©lectation morose, sautes d’humeur, jĂ©rĂ©miades et, pour finir, sidĂ©ration devant l’écran de mon ordinateur, comme jadis devant l’exercice Ă  faire, l’interro Ă  prĂ©parer
 Je suis lĂ , ricane le cancre que je fus. Je lĂšve les yeux. Mon regard erre sur le Vercors sud. Pas une maison Ă  l’horizon. Ni une route. Ni un individu. Des champs pierreux bordĂ©s de montagnes rases oĂč s’épanouissent par-ci par-lĂ  des bouquets de hĂȘtres comme des panaches silencieux. Sur tout ce vide bourgeonne immensĂ©ment un ciel de menace. Dieu que j’aime ce paysage ! Au fond, une de mes grandes joies aura Ă©tĂ© de m’offrir cet exil qu’enfant je rĂ©clamais Ă  mes parents
 Cet horizon en deçà duquel nul n’a de comptes Ă  rendre Ă  personne. Sauf ce petit lapin Ă  cette buse, lĂ -haut, qui a des vues sur lui
 Au dĂ©sert, le tentateur, ce n’est pas le diable, c’est le dĂ©sert lui-mĂȘme tentation naturelle de tous les abandons. Bon, ça va comme ça, arrĂȘte ton cirque, remets-toi au travail. 22. Et on se remet au travail. Ligne aprĂšs ligne on continue de devenir, avec ce livre qui se fait. On devient. Les uns aprĂšs les autres, nous devenons. Ça se passe rarement comme prĂ©vu, mais une chose est sĂ»re nous devenons. La semaine derniĂšre, comme je sors d’un cinĂ©ma, une petite fille, neuf ou dix ans, me course dans la rue et me rattrape tout essoufflĂ©e - Monsieur, monsieur ! Quoi donc ? Ai-je oubliĂ© mon parapluie au cinoche ? Tout sourire, la petite dĂ©signe du doigt un type qui nous regarde, de l’autre cĂŽtĂ© de la rue. - C’est mon grand-pĂšre, monsieur ! Grand-pĂšre Ă©bauche un salut un peu gĂȘnĂ©. - Il n’ose pas vous dire bonjour, mais vous avez Ă©tĂ© son professeur. Nom d’un chien, son grand-pĂšre ! J’ai Ă©tĂ© le professeur de son grand-pĂšre ! Eh oui, nous devenons. Vous quittez une gamine en quatriĂšme, nulle, nulle, nulle, de son propre aveu Qu’est-ce que j’étais nulle ! », et vingt ans plus tard une jeune femme vous interpelle dans une rue d’Ajaccio, radieuse, assise Ă  la terrasse d’un cafĂ© - Monsieur, Ne touchez pas l’épaule du cavalier qui passe ! Vous vous arrĂȘtez, vous vous retournez, la jeune femme vous sourit, vous lui rĂ©citez la suite de L’allĂ©e, ce poĂšme de Supervielle qu’apparemment vous connaissez tous les deux Il se retournerait Et ce serait la nuit, Une nuit sans Ă©toile, Sans courbe ni nuage. Elle Ă©clate de rire, elle demande - Que deviendrait alors Tout ce qui fait le ciel, La lune et son passage Et le bruit du soleil ? Et vous rĂ©pondez Ă  l’enfant rĂ©apparue dans le sourire de la femme, l’enfant rĂ©tive Ă  qui vous aviez jadis appris ce poĂšme Il vous faudrait attendre qu’un second cavalier Aussi puissant que l’autre ConsentĂźt Ă  passer. À Paris, je bavarde avec des amis, dans un cafĂ©. D’une table voisine un homme me pointe du doigt en me regardant fixement. Je lĂšve les yeux et lui demande d’un hochement de front ce qu’il me veut. Il m’appelle alors par un autre nom que le mien - Don Segundo Sombra ! Ce faisant, il me fait faire un bond vertigineux dans le temps. - Toi, je t’ai eu en 1982 ! En cinquiĂšme. - Tout juste, monsieur. Et cette annĂ©e-lĂ  vous nous avez lu Don Segundo Sombra, un roman argentin, de Ricardo Guiraldes. Je ne me rappelle jamais le nom de ces Ă©lĂšves de rencontre, ni d’ailleurs leurs visages, mais dĂšs les premiers vers, les premiers titres de romans Ă©voquĂ©s, les premiĂšres allusions Ă  un cours prĂ©cis, quelque chose se recompose de l’adolescent qui ne voulait pas lire ou de la petite qui prĂ©tendait ne rien comprendre Ă  rien; ils me redeviennent aussi familiers que les vers de Supervielle ou le nom de Segundo Sombra qui, eux, va savoir pourquoi, n’ont pas subi l’érosion du temps. Ils sont Ă  la fois cette gamine apeurĂ©e et cette jeune femme qui fait aujourd’hui la mode de sa gĂ©nĂ©ration, ce garçon butĂ© et ce commandant de bord qui bouquine au-dessus des ocĂ©ans, pilote automatique enclenchĂ©. À chaque rencontre, on constate qu’une vie s’est Ă©panouie, aussi imprĂ©visible que la forme d’un nuage. Et n’allez pas vous imaginer que ces destins doivent tant que ça Ă  votre influence de professeur ! Je regarde l’heure Ă  la montre gousset que Minne, ma femme, m’a offerte pour quelque ancien anniversaire et qui ne me quitte jamais. Ce genre de montre Ă  double boĂźtier s’appelle une savonnette. Donc, je consulte ma savonnette et voilĂ  que je glisse quinze ans en arriĂšre, lycĂ©e H, salle F, oĂč je suis occupĂ© Ă  surveiller une soixantaine de premiĂšres et de terminales qui planchent dans un silence d’avenir. Tous noircissent du papier Ă  qui mieux mieux, sauf Emmanuel, sur ma droite, prĂšs de la fenĂȘtre Ă  trois ou quatre rangs de mon estrade. Nez au vent, copie blanche, Emmanuel. Nos regards se croisent. Le mien se fait explicite Alors quoi ? copie blanche ? tu vas t’y mettre, oui ? Emmanuel me fait signe d’approcher. Je l’ai eu comme Ă©lĂšve deux ans plus tĂŽt. Malin, vif, cossard, inventif, drĂŽle et dĂ©terminĂ©. Et, pour l’instant, copie ostensiblement blanche. Je consens Ă  m’approcher, histoire de lui secouer les puces, mais il coupe court Ă  mon tir de semonce en lĂąchant, dans un soupir dĂ©finitif - Si vous saviez comme ça m’emmerde, monsieur ! Que faut-il faire d’un pareil Ă©lĂšve ? L’abattre sur place ? Dans l’expectative, et bien que ce ne soit pas le moment, je demande - Et peut-on savoir ce qui t’intĂ©resse ? - Ça. RĂ©pond-il en me rendant ma savonnette, qu’il m’a fauchĂ©e sans que je m’en aperçoive. - Et ça, ajoute-t-il en me rendant mon stylo. - Pickpocket ? Tu veux devenir pickpocket ? - Prestidigitateur, monsieur. Ce qu’il devint, ma foi, qu’il est encore, et renommĂ©, sans que j’y sois pour rien. Oui, il arrive parfois que des projets se rĂ©alisent, que des vocations s’accomplissent, que le futur honore ses rendez-vous. Un ami m’assure qu’une surprise m’attend dans le restaurant oĂč il m’invite. J’y vais. La surprise est de taille. C’est RĂ©mi, le maĂźtre-queux du lieu. Impressionnant du haut de son mĂštre quatre- vingts et sous sa blanche toque de chef ! Je ne le reconnais pas d’abord, mais il me rafraĂźchit la mĂ©moire en dĂ©posant sous mes yeux une copie rĂ©digĂ©e par lui et corrigĂ©e par moi vingt-cinq ans plus tĂŽt. 13/20. Sujet Faites votre portrait Ă  quarante ans. Or, l’homme de quarante ans qui se tient debout devant moi, souriant et vaguement intimidĂ© par l’apparition de son vieux professeur, est trĂšs exactement celui que le jeune garçon dĂ©crivait dans sa copie le chef d’un restaurant dont il comparait les cuisines Ă  la salle des machines d’un paquebot de haute mer. Le correcteur avait apprĂ©ciĂ©, en rouge, et avait Ă©mis le souhait de s’asseoir un jour Ă  la table de ce restaurant
 C’est le genre de situation oĂč vous ne regrettez pas d’ĂȘtre devenu ce professeur que, dĂ©sormais, vous n’ĂȘtes plus. Nous devenons, nous devenons, tous autant que nous sommes, et nous nous croisons parfois entre devenus. Isabelle, la semaine derniĂšre, rencontrĂ©e dans un théùtre, Ă©tonnamment semblable en sa proche quarantaine Ă  la gamine de seize ans qui fut mon Ă©lĂšve en seconde
 Elle avait Ă©chouĂ© dans ma classe aprĂšs son deuxiĂšme renvoi. Mon deuxiĂšme renvoi en trois ans, tout de mĂȘme ! » Orthophoniste Ă  prĂ©sent, au sourire avisĂ©. Comme les autres, elle me demande - Vous vous souvenez d’Unetelle ? Et d’Untel ? Et de tel autre ? HĂ©las, ĂŽ mes Ă©lĂšves, ma fichue mĂ©moire se refuse toujours Ă  l’archivage des noms propres. Leurs majuscules continuent de faire barrage. Il me suffisait des grandes vacances pour oublier la plupart de vos noms, alors, vous pensez, avec toutes ces annĂ©es ! Une sorte de siphonage permanent lessive ma cervelle, qui Ă©limine, avec les vĂŽtres, le nom des auteurs que je lis, les titres de leurs bouquins ou ceux des films que je vois, les villes que je traverse, les itinĂ©raires que je suis, les vins que je bois
 Ce qui ne signifie pas que vous sombriez dans mon oubli ! Qu’il me soit seulement donnĂ© de vous revoir cinq minutes, et la bouille confiante de RĂ©mi, le grand rire de Nadia, la malice d’Emmanuel, la gentillesse pensive de Christian, la vivacitĂ© d’Axelle, l’inoxydable bonne humeur d’Arthur ressuscitent l’élĂšve dans cet homme ou cette femme qui me font, en me croisant, le plaisir de reconnaĂźtre leur professeur. Je peux bien vous l’avouer aujourd’hui, votre mĂ©moire a toujours Ă©tĂ© plus vĂ©loce et plus fiable que la mienne, mĂȘme en ces temps oĂč nous apprenions ensemble ces textes hebdomadaires que nous devions pouvoir nous rĂ©citer mutuellement Ă  n’importe quel moment de l’annĂ©e. Bon an mal an, une trentaine de textes en tout genre, dont Isabelle dĂ©clare fiĂšrement - Je n’en ai pas oubliĂ© un seul, monsieur ! - J’imagine que tu avais tes prĂ©fĂ©rĂ©s
 - Oui, celui-ci par exemple, dont vous aviez prĂ©cisĂ© que nous serions mĂ»rs pour le comprendre dans une soixantaine d’annĂ©es. Et de me rĂ©citer le texte en question qui, en effet, tombe Ă  pic pour clore le chapitre du devenir Mon grand-pĂšre avait coutume de dire La vie est Ă©tonnamment brĂšve. Dans mon souvenir elle se ramasse aujourd’hui sur elle-mĂȘme si serrĂ©e que je comprends Ă  peine par exemple qu’un jeune homme puisse se dĂ©cider Ă  partir Ă  cheval pour le plus proche village sans craindre que tout accident Ă©cartĂ© une existence ordinaire et se dĂ©roulant sans heurts ne suffise pas, de bien loin, mĂȘme pour cette promenade. » Dans une esquisse de rĂ©vĂ©rence Isabelle lĂąche le nom de l’auteur Franz Kafka. Et prĂ©cise - Dans la traduction de Vialatte, celle que vous prĂ©fĂ©riez. III - Y ou le prĂ©sent d’incarnation Je n’y arriverai jamais 1. - J’y arriverai jamais, m’sieur. - Tu dis ? - J’y arriverai jamais ! - OĂč veux-tu aller ? - Nulle part ! Je veux aller nulle part ! - Alors pourquoi as-tu peur de ne pas y arriver ? - C’est pas ce que je veux dire ! - Qu’est-ce que tu veux dire ? - Que j’y arriverai jamais, c’est tout ! - Écris-nous ça au tableau Je n’y arriverai jamais. Je ni arriverai jamais. - Tu t’es trompĂ© de n’y. Celui-ci est une conjonction nĂ©gative, je t’expliquerai plus tard. Corrige. N’y, ici, s’écrit n apostrophe, y. Et arriver prend deux r. Je n’y arriverai jamais. - Bon. Qu’est-ce que c’est que ce y », d’aprĂšs toi ? - Je sais pas. - Qu’est-ce qu’il veut dire ? - Je sais pas. - Eh bien il faut absolument qu’on trouve ce qu’il veut dire, parce que c’est lui qui te fait peur, ce y ». - J’ai pas peur. - Tu n’as pas peur ? - Non. - Tu n’as pas peur de ne pas y arriver ? - Non, je m’en branle. - Pardon ? - Ça m’est Ă©gal, quoi, je m’en moque ! - Tu te moques de ne pas y arriver ? - Je m’en moque, c’est tout. - Et ça, tu peux l’écrire au tableau ? - Quoi, je m’en moque ? - Oui. Je mens moque. - M apostrophe en. LĂ  tu as Ă©crit le verbe mentir Ă  la premiĂšre personne du prĂ©sent. Je m’en moque. - Bon, et ce en » justement, qu’est-ce que c’est que ce en » ? - Ce en », qu’est-ce que c’est ? - Je sais pas, moi
 C’est tout ça ! - Tout ça quoi ? - Tout ce qui me gonfle ! 2. DĂšs les premiĂšres heures de cours, cette annĂ©e-lĂ , nous nous Ă©tions attaquĂ©s Ă  ce y », Ă  ce en », Ă  ce tout », Ă  ce ça », mes Ă©lĂšves et moi. C’est par eux que nous avions entamĂ© l’assaut du bastion grammatical. Si nous voulions nous installer solidement dans l’indicatif prĂ©sent de notre cours, il fallait rĂ©gler leur compte Ă  ces mystĂ©rieux agents de dĂ©sincarnation. PrioritĂ© absolue ! Nous avons donc fait la chasse aux pronoms flous. Ces mots Ă©nigmatiques se prĂ©sentaient comme autant d’abcĂšs Ă  vider. Y », d’abord. Nous avons commencĂ© par ce fameux y » auquel on n’arrive jamais. Passons sur sa dĂ©nomination de pronom adverbial qui rĂ©sonne comme du chinois Ă  l’oreille de l’élĂšve qui l’entend pour la premiĂšre fois, ouvrons-lui le ventre, extirpons-en tous les sens possibles, nous lui collerons son Ă©tiquette grammaticale en le recousant, aprĂšs avoir remis en place ses entrailles dĂ»ment rĂ©pertoriĂ©es. Les grammairiens lui accordent une valeur imprĂ©cise. Eh bien prĂ©cisons, prĂ©cisons ! En l’occurrence, cette annĂ©e-lĂ , pour ce garçon-lĂ , qui braillait et lĂąchait des gros mots comme on roule des mĂ©caniques, y » Ă©tait le souvenir cuisant d’un exercice de math sur lequel il venait de se casser les dents. L’exercice avait dĂ©clenchĂ© la crise stylo jetĂ©, cahier claquĂ© de toute façon j’y comprends rien, je m’en branle, ça me gonfle, etc., Ă©lĂšve fichu Ă  la porte et piquant une nouvelle crise Ă  l’heure suivante, chez moi, en français, oĂč il se heurtait Ă  une autre difficultĂ©, grammaticale celle-lĂ , mais qui le renvoyait brutalement au souvenir de la prĂ©cĂ©dente
 - J’y arriverai jamais, je vous dis. L’école c’est pas fait pour moi, m’sieur ! DĂ©bat national, mon petit gars, et bientĂŽt sĂ©culaire. Savoir si l’école est faite pour toi ou toi pour l’école, tu n’imagines pas comme on s’étripe Ă  ce propos dans l’olympe Ă©ducatif. - Il y a trois ans, pensais-tu que tu serais un jour en quatriĂšme ? - Pas vraiment, non. Et puis, en CM2 ils voulaient que je redouble. - Eh bien tu y es quand mĂȘme, en quatriĂšme. Tu y es arrivĂ©. À l’anciennetĂ©, peut-ĂȘtre, en piĂštre Ă©tat je te l’accorde, de plus ou moins bon grĂ©, ça te regarde, Ă  plus ou moins juste titre, ça se discute en haut lieu, mais tu y es quand mĂȘme arrivĂ©, le fait est lĂ , et nous tous avec toi, et maintenant que nous y sommes, nous allons y passer l’annĂ©e, y travailler, en profiter pour rĂ©soudre quelques problĂšmes, Ă  commencer par les plus urgents de tous cette peur de ne pas y arriver, cette tentation de t’en foutre, et cette manie de tout fourrer dans le mĂȘme tout. Il y a des tas de gens, dans cette ville, qui ont peur de ne pas y arriver et qui croient s’en foutre
 Mais ils ne s’en foutent pas du tout; ils friment, ils dĂ©priment, ils dĂ©rivent, ils gueulent, ils cognent, ils jouent Ă  faire peur, mais s’il y a une chose dont ils ne se foutent pas, c’est bien de ce y » et de ce en » qui leur pourrissent la vie, et de ce tout » qui les gonfle. - Ça sert Ă  rien, de toute façon ! - D’accord, on va s’occuper de ce ça », aussi et de ce rien ». Et du verbe servir », tant qu’on y est. Parce qu’il commence Ă  me taper sur les nerfs, le verbe servir » ! Ça sert Ă  rien, ça sert Ă  rien, et dans ta bouche, maintenant, il sert Ă  quoi, le verbe servir » ? Il est temps de lui poser la question. Cette annĂ©e-lĂ , donc, nous avons ouvert le ventre de ce y », de ce en », de ce ça », de ce tout », de ce rien ». Chaque fois qu’ils faisaient irruption dans la classe, nous partions Ă  la recherche de ce que nous cachaient ces mots si dĂ©primants. Nous avons vidĂ© ces outres infiniment extensibles de ce qui alourdit la barque de l’élĂšve en perdition, nous les avons vidĂ©es comme on Ă©cope un canot sur le point de couler, et nous avons examinĂ© de prĂšs le contenu de ce que nous jetions par-dessus bord Y » cet exercice de math d’abord, qui avait mis le feu aux poudres. Y » celui de grammaire, ensuite, qui avait rallumĂ© l’incendie. La grammaire, ça me gonfle encore plus que les math, m’sieur ! Et ainsi de suite y », la langue anglaise qui ne se laissait pas saisir, y », la techno qui le gonflait comme le reste dix ans plus tard elle lui prendrait la tĂȘte et dix ans plus tard encore elle le gaverait, y », les rĂ©sultats que tous les adultes attendaient vainement de lui, bref y », tous les aspects de sa scolaritĂ©. D’oĂč l’apparition du en », de s’en moquer s’en foutre, s’en taper, s’en branler, histoire de tester la rĂ©sistance des oreilles enseignantes. Encore une vingtaine d’annĂ©es et s’en battre les couilles viendrait s’ajouter Ă  la liste. En », le constat quotidien de son Ă©chec, En », l’opinion que les adultes ont de lui, En », ce sentiment d’humiliation qu’il prĂ©fĂšre reconvertir en haine des professeurs et en mĂ©pris des bons Ă©lĂšves
 D’oĂč son refus de chercher Ă  comprendre l’énorme ça » qui ne sert Ă  rien », cette envie permanente d’ĂȘtre ailleurs, de faire autre chose, n’importe oĂč ailleurs et n’importe quoi d’autre. Leur dissection scrupuleuse de ce y » rĂ©vĂ©la Ă  ces Ă©lĂšves l’image qu’ils se faisaient d’eux-mĂȘmes des nuls fourvoyĂ©s dans un univers absurde, qui prĂ©fĂ©raient s’en foutre, puisqu’ils ne s’y voyaient aucun avenir. - MĂȘme pas en rĂȘve, monsieur ! No future. Y » ou l’avenir inaccessible. Seulement Ă  ne s’envisager aucun futur, on ne s’installe pas non plus dans le prĂ©sent. On est assis sur sa chaise mais ailleurs, prisonnier des limbes de la dĂ©ploration, un temps qui ne passe pas, une sorte de perpĂ©tuitĂ©, un sentiment de torture qu’on ferait payer Ă  n’importe qui, et au prix fort. D’oĂč ma rĂ©solution de professeur user de l’analyse grammaticale pour les ramener ici, maintenant, afin d’y Ă©prouver le dĂ©lice trĂšs particulier de comprendre Ă  quoi sert un pronom adverbial, un mot capital qu’on utilise mille fois par jour, sans y penser. Parfaitement inutile, devant cet Ă©lĂšve en colĂšre, de se perdre en arguties morales ou psychologiques, l’heure n’est pas au dĂ©bat, elle est Ă  l’urgence. Une fois y » et en » vidĂ©s et nettoyĂ©s, nous les avons dĂ»ment Ă©tiquetĂ©s. Deux pronoms adverbiaux fort pratiques pour noyer le poisson dans une conversation Ă©pineuse. Nous les avons comparĂ©s Ă  des caves du langage, ces pronoms, Ă  des greniers inaccessibles, Ă  une valise qu’on n’ouvre jamais, Ă  un paquet oubliĂ© dans une consigne dont on aurait perdu la clef. - Une planque, monsieur, une sacrĂ©e planque ! Pas si bonne en l’occurrence. On croit s’y cacher et voilĂ  que la planque nous digĂšre. Y » et en » nous avalent et nous ne savons plus qui nous sommes. 3. Les maux de grammaire se soignent par la grammaire, les fautes d’orthographe par l’exercice de l’orthographe, la peur de lire par la lecture, celle de ne pas comprendre par l’immersion dans le texte, et l’habitude de ne pas rĂ©flĂ©chir par le calme renfort d’une raison strictement limitĂ©e Ă  l’objet qui nous occupe, ici, maintenant, dans cette classe, pendant cette heure de cours, tant que nous y sommes. J’ai hĂ©ritĂ© cette conviction de ma propre scolaritĂ©. On m’y a beaucoup fait la morale, on a souvent essayĂ© de me raisonner, et avec bienveillance, car les gentils ne manquent pas chez les professeurs. Le directeur du collĂšge oĂč m’avait expĂ©diĂ© mon cambriolage domestique, par exemple. C’était un marin, un ancien commandant de bord, rompu Ă  la patience des ocĂ©ans, pĂšre de famille et mari attentif d’une Ă©pouse qu’on disait atteinte d’un mal mystĂ©rieux. Un homme fort occupĂ© par les siens et par la direction de ce pensionnat oĂč les cas de mon espĂšce ne manquaient pas. Combien d’heures a-t-il pourtant Ă©puisĂ©es Ă  me convaincre que je n’étais pas l’idiot que je prĂ©tendais ĂȘtre, que mes rĂȘves d’exil africain Ă©taient des tentatives de fuite, et qu’il suffisait de me mettre sĂ©rieusement au travail pour lever l’hypothĂšque que mes jĂ©rĂ©miades faisaient peser sur mes aptitudes ! Je le trouvais bien bon de s’intĂ©resser Ă  moi, lui qui avait tant de soucis, et je promettais de me reprendre, oui, oui, tout de suite. Seulement, dĂšs que je me retrouvais en cours de math, ou Ă  l’étude du soir penchĂ© sur une leçon de sciences naturelles, il ne restait plus rien de l’invincible confiance que j’avais retirĂ©e de notre entretien. C’est que nous n’avions pas parlĂ© d’algĂšbre, monsieur le directeur et moi, ni de la photosynthĂšse, mais de volontĂ©, mais de concentration, c’était de moi que nous avions parlĂ©, un moi tout Ă  fait susceptible de progresser, il en Ă©tait convaincu, si je m’y mettais vraiment ! Et ce moi, gonflĂ© d’un soudain espoir, jurait de s’appliquer, de ne plus se raconter d’histoires; hĂ©las, dix minutes plus tard, confrontĂ© Ă  l’algĂ©bricitĂ© du langage mathĂ©matique, il se vidait comme une baudruche, ce moi, et Ă  l’étude du soir il n’était plus que renoncement devant le goĂ»t inexplicable des plantes pour le gaz carbonique via l’étrange chlorophylle. Je redevenais le crĂ©tin familier qui n’y comprendrait jamais rien, pour la raison qu’il n’y avait jamais rien compris. De cette mĂ©saventure tant de fois rĂ©pĂ©tĂ©e, la conviction m’est restĂ©e qu’il fallait parler aux Ă©lĂšves le seul langage de la matiĂšre que je leur enseignais. Peur de la grammaire ? Faisons de la grammaire. Pas d’appĂ©tit pour la littĂ©rature ? Lisons ! Car, aussi Ă©trange que cela puisse vous paraĂźtre, ĂŽ nos Ă©lĂšves, vous ĂȘtes pĂ©tris des matiĂšres que nous vous enseignons. Vous ĂȘtes la matiĂšre mĂȘme de toutes nos matiĂšres. Malheureux Ă  l’école ? Peut-ĂȘtre. ChahutĂ©s par la vie ? Certains, oui. Mais Ă  mes yeux, faits de mots, tous autant que vous ĂȘtes, tissĂ©s de grammaire, remplis de discours, mĂȘme les plus silencieux ou les moins armĂ©s en vocabulaire, hantĂ©s par vos reprĂ©sentations du monde, pleins de littĂ©rature en somme, chacun d’entre vous, je vous prie de me croire. 4. VanitĂ© des interventions psychologiques les mieux intentionnĂ©es. Classe de premiĂšre. Jocelyne est en larmes, le cours ne peut pas commencer. Il n’y a pas plus Ă©tanche que le chagrin pour faire Ă©cran au savoir. Le rire, on peut l’éteindre d’un regard, mais les larmes
 - Est-ce que quelqu’un a une histoire drĂŽle en rĂ©serve ? Il faut faire rire Jocelyne pour qu’on puisse commencer. Creusez-vous la cervelle. Une histoire trĂšs drĂŽle. Budget, trois minutes, pas plus; Montesquieu nous attend. L’histoire drĂŽle jaillit. Elle est drĂŽle en effet. Tout le monde rigole, y compris Jocelyne, que j’invite Ă  venir me parler pendant la rĂ©crĂ©ation, si elle en Ă©prouve le besoin. - D’ici lĂ , tu ne t’occupes que de Montesquieu. RĂ©crĂ©. Jocelyne m’expose son malheur. Ses parents ne s’entendent plus. Ils se disputent du matin au soir. Se disent des horreurs. La vie Ă  la maison est infernale, la situation dĂ©chirante. Bon, me dis-je, encore deux coureurs de fond qui ont mis vingt ans Ă  se trouver mal assortis; il y a du divorce dans l’air. Jocelyne, qui n’est pas une mauvaise Ă©lĂšve, dĂ©gringole dans toutes les matiĂšres. Et me voilĂ  bricolant dans son chagrin. Mieux vaut, lui dis-je trĂšs prudemment, peut-ĂȘtre, le divorce, tu sais, Jocelyne, enfin
 deux divorcĂ©s apaisĂ©s te seront plus supportables qu’un couple acharnĂ© Ă  se dĂ©truire
 Etc. Jocelyne fond de nouveau en larmes - Justement, monsieur, ils avaient dĂ©cidĂ© de divorcer, mais ils viennent d’y renoncer ! Ah ! Bon. Bon, bon, bon. Bien. C’est toujours plus compliquĂ© que ne le croit l’apprenti psychologue. - Connais-tu Maisie Farange ? - Non, qui c’est ? - C’est la fille de Beale Farange et de sa femme, dont j’ai oubliĂ© le prĂ©nom. Deux divorcĂ©s cĂ©lĂšbres en leur temps. Maisie Ă©tait petite quand ils se sont sĂ©parĂ©s, mais elle n’en a pas perdu une miette. Tu devrais faire sa connaissance. C’est un roman. D’un AmĂ©ricain. Henry James. Ce que savait Maisie. Roman complexe au demeurant, que Jocelyne lut durant les semaines suivantes, stimulĂ©e par le terrain mĂȘme de la bataille conjugale. Ils se balancent les mĂȘmes arguments que les Farange, monsieur ! » Eh oui, pour ĂȘtre saignante de vrai sang, la guerre des couples et le chagrin des enfants n’en sont pas moins littĂ©raires. Cela dit, quand Montesquieu fait l’honneur de sa prĂ©sence Ă  notre classe, on se doit d’ĂȘtre prĂ©sent Ă  Montesquieu. 5. Leur prĂ©sence en classe
 Pas commode, pour ces garçons et ces filles de fournir cinquante-cinq minutes de concentration, dans cinq ou six cours successifs, selon cet emploi si particulier que l’école fait du temps. Quel casse-tĂȘte, l’emploi du temps ! RĂ©partition des classes, des matiĂšres, des heures, des Ă©lĂšves, en fonction du nombre de salles, de la constitution des demi- groupes, du nombre de matiĂšres optionnelles, de la disponibilitĂ© des labos, des desiderata incompatibles du professeur de ceci et de la professeur de cela
 Il est vrai qu’aujourd’hui la tĂȘte du proviseur est sauvĂ©e par l’ordinateur auquel il confie ces paramĂštres DĂ©solĂ© pour votre mercredi aprĂšs-midi, madame Untel, c’est l’ordinateur. » - Cinquante-cinq minutes de français, expliquais-je Ă  mes Ă©lĂšves, c’est une petite heure avec sa naissance, son milieu et sa fin, une vie entiĂšre, en somme. Cause toujours, auraient-ils pu me rĂ©pondre, une vie de littĂ©rature qui ouvre sur une vie de mathĂ©matiques, laquelle donne sur une pleine existence d’histoire, qui vous propulse sans raison dans une autre vie, anglaise celle-lĂ , ou allemande, ou chimique, ou musicale
 Ça en fait des rĂ©incarnations en une seule journĂ©e ! Et sans aucune logique ! C’est Alice au pays des merveilles, votre emploi du temps on prend le thĂ© chez le liĂšvre de mars et on se retrouve sans transition Ă  jouer au croquet avec la reine de cƓur. Une journĂ©e passĂ©e dans le shaker de Lewis Carroll, le merveilleux en moins, vous parlez d’une gymnastique ! Et ça se donne des allures de rigueur, par- dessus le marchĂ©, une absolue pagaille taillĂ©e comme un jardin Ă  la française, bosquet de cinquante-cinq minutes par bosquet de cinquante-cinq minutes. Il n’y a guĂšre que la journĂ©e d’un psychanalyste et le salami du charcutier pour ĂȘtre dĂ©coupĂ©s en tranches aussi Ă©gales. Et ça, toutes les semaines de l’annĂ©e ! Le hasard sans la surprise, un comble ! Il serait tentant de leur rĂ©pondre Cessez de rouspĂ©ter, chers Ă©lĂšves, et mettez-vous Ă  notre place, votre comparaison avec le psychanalyste n’est d’ailleurs pas mauvaise; tous les jours dans son cabinet, le pauvre, Ă  voir dĂ©filer le malheur du monde, et nous dans nos classes Ă  voir dĂ©filer son ignorance, par groupes de trente- cinq et Ă  heure fixe, notre vie entiĂšre, laquelle perception logarithmique ou pas est beaucoup plus longue que votre trop brĂšve jeunesse, vous verrez, vous verrez
 Mais non, ne jamais demander Ă  un Ă©lĂšve de se mettre Ă  la place d’un professeur, la tentation du ricanement est trop forte. Et ne jamais lui proposer de mesurer son temps au nĂŽtre notre heure n’est vraiment pas la sienne, nous n’évoluons pas dans la mĂȘme durĂ©e. Quant Ă  lui parler de nous ou de lui-mĂȘme, pas question hors sujet. Nous en tenir Ă  ce que nous avons dĂ©cidĂ© cette heure de grammaire doit ĂȘtre une bulle dans le temps. Mon travail consiste Ă  faire en sorte que mes Ă©lĂšves se sentent exister grammaticalement pendant ces cinquante-cinq minutes. Pour y parvenir, ne pas perdre de vue que les heures ne se ressemblent pas les heures de la matinĂ©e ne sont pas celles de l’aprĂšs-midi; les heures du rĂ©veil, les heures digestives, celles qui prĂ©cĂšdent les rĂ©crĂ©ations, celles qui les suivent, toutes sont diffĂ©rentes. Et l’heure qui succĂšde au cours de math ne se prĂ©sente pas comme celle qui suit le cours de gym
 Ces diffĂ©rences n’ont guĂšre d’incidence sur l’attention des bons Ă©lĂšves. Ceux-ci jouissent d’une facultĂ© bĂ©nie changer de peau Ă  bon escient, au bon moment, au bon endroit, passer de l’adolescent agitĂ© Ă  l’élĂšve attentif, de l’amoureux Ă©conduit au matheux concentrĂ©, du joueur au bĂ»cheur, de Tailleurs Ă  l’ici, du passĂ© au prĂ©sent, des mathĂ©matiques Ă  la littĂ©rature
 C’est leur vitesse d’incarnation qui distingue les bons Ă©lĂšves des Ă©lĂšves Ă  problĂšmes. Ceux-ci, comme le leur reprochent leurs professeurs, sont souvent ailleurs. Ils se libĂšrent plus difficilement de l’heure prĂ©cĂ©dente, ils traĂźnent dans un souvenir ou se projettent dans un quelconque dĂ©sir d’autre chose. Leur chaise est un tremplin qui les expĂ©die hors de la classe Ă  la seconde oĂč ils s’y posent. À moins qu’ils ne s’y endorment. Si je veux espĂ©rer leur pleine prĂ©sence mentale, il me faut les aider Ă  s’installer dans mon cours. Les moyens d’y arriver ? Cela s’apprend, surtout sur le terrain, Ă  la longue. Une seule certitude, la prĂ©sence de mes Ă©lĂšves dĂ©pend Ă©troitement de la mienne de ma prĂ©sence Ă  la classe entiĂšre et Ă  chaque individu en particulier, de ma prĂ©sence Ă  ma matiĂšre aussi, de ma prĂ©sence physique, intellectuelle et mentale, pendant les cinquante-cinq minutes que durera mon cours. 6. Ô le souvenir pĂ©nible des cours oĂč je n’y Ă©tais pas ! Comme je les sentais flotter, mes Ă©lĂšves, ces jours-lĂ , tranquillement dĂ©river pendant que j’essayais de rameuter mes forces. Cette sensation de perdre ma classe
 Je n’y suis pas, ils n’y sont plus, nous avons dĂ©crochĂ©. Pourtant, l’heure s’écoule. Je joue le rĂŽle de celui qui fait cours, ils font ceux qui Ă©coutent. Bien sĂ©rieuse notre mine commune, blabla d’un cĂŽtĂ©, griffonnage de l’autre, un inspecteur s’en satisferait peut-ĂȘtre; pourvu que la boutique ait l’air ouverte
 Mais je n’y suis pas, nom d’un chien, je n’y suis pas, aujourd’hui, je suis ailleurs. Ce que je dis ne s’incarne pas, ils se foutent Ă©perdument de ce qu’ils entendent. Ni questions ni rĂ©ponses. Je me replie derriĂšre le cours magistral. L’énergie dĂ©mesurĂ©e que je dilapide alors pour faire prendre ce ridicule filet de savoir ! Je suis Ă  cent lieues de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, de cette classe, de ce bahut, de cette situation, je m’épuise Ă  rĂ©duire la distance mais pas moyen, je suis aussi loin de ma matiĂšre que de ma classe. Je ne suis pas le professeur, je suis le gardien du musĂ©e, je guide mĂ©caniquement une visite obligatoire. Ces heures ratĂ©es me laissaient sur les genoux. Je sortais de ma classe Ă©puisĂ© et furieux. Une fureur dont mes Ă©lĂšves risquaient de faire les frais toute la journĂ©e, car il n’y a pas plus prompt Ă  vous engueuler qu’un professeur mĂ©content de lui-mĂȘme. Attention les mĂŽmes, rasez les murs, votre prof s’est donnĂ© une mauvaise note, le premier responsable venu fera l’affaire ! Sans parler de la correction de vos copies, ce soir, Ă  la maison. Un domaine oĂč la fatigue et la mauvaise conscience ne sont pas bonnes conseillĂšres ! Mais non, pas de copies ce soir, et pas de tĂ©lĂ©, pas de sortie, au lit ! La premiĂšre qualitĂ© d’un professeur, c’est le sommeil. Le bon professeur est celui qui se couche tĂŽt. 7. Elle est immĂ©diatement perceptible, la prĂ©sence du professeur qui habite pleinement sa classe. Les Ă©lĂšves la ressentent dĂšs la premiĂšre minute de l’annĂ©e, nous en avons tous fait l’expĂ©rience le professeur vient d’entrer, il est absolument lĂ , cela s’est vu Ă  sa façon de regarder, de saluer ses Ă©lĂšves, de s’asseoir, de prendre possession du bureau. Il ne s’est pas Ă©parpillĂ© par crainte de leurs rĂ©actions, il ne s’est pas recroquevillĂ© sur lui-mĂȘme, non, il est Ă  son affaire, d’entrĂ©e de jeu, il est prĂ©sent, il distingue chaque visage, la classe existe aussitĂŽt sous ses yeux. Cette prĂ©sence, je l’ai Ă©prouvĂ©e une nouvelle fois, il y a peu, au Blanc-Mesnil, oĂč m’invitait une jeune collĂšgue qui avait plongĂ© ses Ă©lĂšves dans un de mes romans. Quelle matinĂ©e j’ai passĂ©e lĂ  ! BombardĂ© de questions par des lecteurs qui semblaient possĂ©der mieux que moi la matiĂšre de mon livre, l’intimitĂ© de mes personnages, qui s’exaltaient sur certains passages et s’amusaient Ă  Ă©pingler mes tics d’écriture
 Je m’attendais Ă  rĂ©pondre Ă  des questions sagement rĂ©digĂ©es, sous l’Ɠil d’un professeur lĂ©gĂšrement en retrait, soucieux du seul ordre de la classe, comme cela m’arrive assez souvent, et voilĂ  que j’étais pris dans le tourbillon d’une controverse littĂ©raire oĂč les Ă©lĂšves me posaient fort peu de questions convenues. Quand l’enthousiasme emportait leurs voix au-dessus du niveau de dĂ©cibels supportable, leur professeur m’interrogeait elle-mĂȘme, deux octaves plus bas, et la classe entiĂšre se rangeait Ă  cette ligne mĂ©lodique. Plus tard, dans le cafĂ© oĂč nous dĂ©jeunions, je lui ai demandĂ© comment elle s’y prenait pour maĂźtriser tant d’énergie vitale. Elle a d’abord Ă©ludĂ© - Ne jamais parler plus fort qu’eux, c’est le truc. Mais je voulais en savoir davantage sur la maĂźtrise qu’elle avait de ces Ă©lĂšves, leur bonheur manifeste d’ĂȘtre lĂ , la pertinence de leurs questions, le sĂ©rieux de leur Ă©coute, le contrĂŽle de leur enthousiasme, leur emprise sur eux-mĂȘmes quand ils n’étaient pas d’accord entre eux, l’énergie et la gaietĂ© de l’ensemble, bref tout ce qui tranchait tellement avec la reprĂ©sentation effrayante que les mĂ©dias propagent de ces classes blackĂ©beures. Elle fit la somme de mes questions, rĂ©flĂ©chit un peu et rĂ©pondit - Quand je suis avec eux ou dans leurs copies je ne suis pas ailleurs. Elle ajouta - Mais, quand je suis ailleurs, je ne suis plus du tout avec eux. Son ailleurs, en l’occurrence, Ă©tait un quatuor Ă  cordes qui exigeait de son violoncelle l’absolu que rĂ©clame la musique. Du reste, elle voyait un rapport de nature entre une classe et un orchestre. - Chaque Ă©lĂšve joue de son instrument, ce n’est pas la peine d’aller contre. Le dĂ©licat, c’est de bien connaĂźtre nos musiciens et de trouver l’harmonie. Une bonne classe, ce n’est pas un rĂ©giment qui marche au pas, c’est un orchestre qui travaille la mĂȘme symphonie. Et si vous avez hĂ©ritĂ© du petit triangle qui ne sait faire que ting ting, ou de la guimbarde qui ne fait que bloĂŻng bloĂŻng, le tout est qu’ils le fassent au bon moment, le mieux possible, qu’ils deviennent un excellent triangle, une irrĂ©prochable guimbarde, et qu’ils soient fiers de la qualitĂ© que leur contribution confĂšre Ă  l’ensemble. Comme le goĂ»t de l’harmonie les fait tous progresser, le petit triangle finira lui aussi par connaĂźtre la musique, peut-ĂȘtre pas aussi brillamment que le premier violon, mais il connaĂźtra la mĂȘme musique. Elle eut une moue fataliste - Le problĂšme, c’est qu’on veut leur faire croire Ă  un monde oĂč seuls comptent les premiers violons. Un temps - Et que certains collĂšgues se prennent pour des Karajan qui supportent mal de diriger l’orphĂ©on municipal. Ils rĂȘvent tous du Philharmonique de Berlin, ça peut se comprendre
 Puis, en nous quittant, comme je lui rĂ©pĂ©tais mon admiration, elle rĂ©pondit - Il faut dire que vous ĂȘtes venu Ă  dix heures. Ils Ă©taient rĂ©veillĂ©s. 8. Il y a l’appel du matin. Entendre son nom prononcĂ© par la voix du professeur, c’est un second rĂ©veil. Le son que fait votre nom Ă  huit heures du matin a des vibrations de diapason. - Je ne peux pas me rĂ©soudre Ă  nĂ©gliger les appels, surtout celui du matin, m’explique une autre professeur – de math, cette fois –, mĂȘme si je suis pressĂ©e. RĂ©citer une liste de noms comme on compte des moutons, ce n’est pas possible. J’appelle mes lascars en les regardant, je les accueille, je les nomme un Ă  un, et j’écoute leur rĂ©ponse. AprĂšs tout, l’appel est le seul moment de la journĂ©e oĂč le professeur a l’occasion de s’adresser Ă  chacun de ses Ă©lĂšves, ne serait-ce qu’en prononçant son nom. Une petite seconde oĂč l’élĂšve doit sentir qu’il existe Ă  mes yeux, lui et pas un autre. Quant Ă  moi, j’essaye autant que possible de saisir son humeur du moment au son que fait son PrĂ©sent ». Si sa voix est fĂȘlĂ©e, il faudra Ă©ventuellement en tenir compte. L’importance de l’appel
 Nous jouions Ă  un petit jeu, mes Ă©lĂšves et moi. Je les appelais, ils rĂ©pondaient, et je rĂ©pĂ©tais leur PrĂ©sent », Ă  mi-voix mais sur le mĂȘme ton, comme un lointain Ă©cho - Manuel ? - PrĂ©sent ! - PrĂ©sent ». Laetitia ? - PrĂ©sente ! - PrĂ©sente ». Victor ? - PrĂ©sent ! - PrĂ©sent ». Carole ? - PrĂ©sente ! » - PrĂ©sente ». RĂ©mi ? J’imitais le PrĂ©sent » retenu de Manuel, le PrĂ©sent » clair de Laetitia, le PrĂ©sent » vigoureux de Victor, le PrĂ©sent » cristallin de Carole
 J’étais leur Ă©cho du matin. Certains s’appliquaient Ă  rendre leur voix le plus opaque possible, d’autres s’amusaient Ă  changer d’intonation pour me surprendre, ou rĂ©pondaient Oui », ou Je suis lĂ  », ou C’est bien moi ». Je rĂ©pĂ©tais tout bas la rĂ©ponse, quelle qu’elle fĂ»t, sans manifester de surprise. C’était notre moment de connivence, le bonjour matinal d’une Ă©quipe qui allait se mettre Ă  l’ouvrage. Mon ami Pierre, lui, professeur Ă  Ivry, ne fait jamais l’appel. - Enfin, deux ou trois fois au dĂ©but de l’annĂ©e, le temps de connaĂźtre leurs noms et leurs visages. Autant passer tout de suite aux choses sĂ©rieuses. Ses Ă©lĂšves attendent en rangs, dans le couloir, devant la porte de sa classe. Partout ailleurs dans le collĂšge, on court, on s’interpelle, on bouscule les chaises et les tables, on envahit l’espace, on sature le volume sonore; Pierre, lui, attend que les rangs se forment, puis il ouvre la porte, regarde garçons et filles entrer un par un, Ă©change par-ci par-lĂ  un Bonjour » qui va de soi, referme la porte, se dirige Ă  pas mesurĂ©s vers son bureau, les Ă©lĂšves attendant, debout derriĂšre leurs chaises. Il les prie de s’asseoir, et commence Bon, Karim, oĂč en Ă©tions-nous ? » Son cours est une conversation qui reprend lĂ  oĂč elle s’est interrompue. À la gravitĂ© qu’il met Ă  sa tĂąche, Ă  l’affectueuse confiance que lui portent ses Ă©lĂšves, Ă  leur fidĂ©litĂ© une fois devenus adultes, j’ai toujours vu mon ami Pierre comme une rĂ©incarnation de l’oncle Jules. - Au fond, tu es l’oncle Jules du Val-de-Marne ! Il Ă©clate de son rire formidable - Tu as raison, mes collĂšgues me prennent pour un prof du XIXe siĂšcle ! Ils croient que je collectionne les marques de respect extĂ©rieur, que la mise en rangs, les gosses debout derriĂšre leur chaise, ce genre de trucs, tient Ă  une nostalgie des temps anciens. Remarque, ça n’a jamais fait de mal Ă  personne, un peu de politesse, mais en l’occurrence il s’agit d’autre chose en installant mes Ă©lĂšves dans le silence, je leur donne le temps d’atterrir dans mon cours, de commencer par le calme. De mon cĂŽtĂ©, j’examine leurs tĂȘtes, je note les absents, j’observe les groupes qui se font et se dĂ©font; bref, je prends la tempĂ©rature matinale de la classe. Aux derniĂšres heures de l’aprĂšs-midi, quand nos Ă©lĂšves tombaient de fatigue, Pierre et moi pratiquions sans le savoir le mĂȘme rituel. Nous leur demandions d’écouter la ville lui Ivry, moi Paris. Suivaient deux minutes d’immobilitĂ© et de silence oĂč le boucan du dehors confirmait la paix du dedans. Ces heures-lĂ , nous faisions nos cours Ă  voix plus basse; souvent nous les terminions par une lecture. 9. En aura-t-elle profĂ©rĂ©, des sottises, ma gĂ©nĂ©ration, sur les rituels considĂ©rĂ©s comme marque de soumission aveugle, la notation estimĂ©e avilissante, la dictĂ©e rĂ©actionnaire, le calcul mental abrutissant, la mĂ©morisation des textes infantilisante, ce genre de proclamation
 Il en va de la pĂ©dagogie comme du reste dĂšs que nous cessons de rĂ©flĂ©chir sur des cas particuliers or, dans ce domaine, tous les cas sont particuliers, nous cherchons, pour rĂ©gler nos actes, l’ombre de la bonne doctrine, la protection de l’autoritĂ© compĂ©tente, la caution du dĂ©cret, le blanc-seing idĂ©ologique. Puis nous campons sur des certitudes que rien n’ébranle, pas mĂȘme le dĂ©menti quotidien du rĂ©el. Trente ans plus tard seulement, si l’Éducation nationale entiĂšre vire de bord pour Ă©viter l’iceberg des dĂ©sastres accumulĂ©s, nous nous autorisons un timide virage intĂ©rieur, mais c’est le virage du paquebot lui-mĂȘme, et nous voilĂ  suivant le cap d’une nouvelle doctrine, sous la houlette d’un nouveau commandement, au nom de notre libre arbitre bien entendu, Ă©ternels anciens Ă©lĂšves que nous sommes. 10. RĂ©actionnaire, la dictĂ©e ? InopĂ©rante en tout cas, si elle est pratiquĂ©e par un esprit paresseux qui se contente de dĂ©falquer des points dans le seul but de dĂ©crĂ©ter un niveau ! Avilissante, la notation ? Certes, quand elle ressemble Ă  cette cĂ©rĂ©monie, vue il y a peu Ă  la tĂ©lĂ©vision, d’un professeur rendant leurs copies Ă  ses Ă©lĂšves, chaque devoir lĂąchĂ© devant chaque criminel comme un verdict annoncĂ©, le visage du professeur irradiant la fureur et ses commentaires vouant tous ces bons Ă  rien Ă  l’ignorance dĂ©finitive et au chĂŽmage perpĂ©tuel. Mon Dieu, le silence haineux de cette classe ! Cette rĂ©ciprocitĂ© manifeste du mĂ©pris ! 11. J’ai toujours conçu la dictĂ©e comme un rendez-vous complet avec la langue. La langue telle qu’elle sonne, telle qu’elle raconte, telle qu’elle raisonne, la langue telle qu’elle s’écrit et se construit, le sens tel qu’il se prĂ©cise par l’exercice mĂ©ticuleux de la correction. Car il n’y a pas d’autre but Ă  la correction d’une dictĂ©e que l’accĂšs au sens exact du texte, Ă  l’esprit de la grammaire, Ă  l’ampleur des mots. Si la note doit mesurer quelque chose, c’est la distance parcourue par l’intĂ©ressĂ© sur le chemin de cette comprĂ©hension. Ici comme en analyse littĂ©raire, il s’agit de passer de la singularitĂ© du texte quelle histoire va-t-on me raconter ? Ă  l’élucidation du sens qu’est-ce que tout cela veut dire exactement ?, en transitant par la passion du fonctionnement comment ça marche ?. Quelles qu’aient Ă©tĂ© mes terreurs d’enfant Ă  l’approche d’une dictĂ©e et Dieu sait que mes professeurs pratiquaient la dictĂ©e comme une razzia de riches dans un quartier pauvre !, j’ai toujours Ă©prouvĂ© la curiositĂ© de sa premiĂšre lecture. Toute dictĂ©e commence par un mystĂšre que va-t-on me lire lĂ  ? Certaines dictĂ©es de mon enfance Ă©taient si belles qu’elles continuaient Ă  fondre en moi comme un bonbon acidulĂ©, longtemps aprĂšs la note infamante qu’elles m’avaient pourtant coĂ»tĂ©e. Mais, ce zĂ©ro en orthographe, ou ce moins 15, ce moins 27 !, j’en avais fait un refuge dont personne ne pouvait me chasser. Inutile de m’épuiser en corrections puisque le rĂ©sultat m’était connu d’avance ! Combien de fois, enfant, ai-je affirmĂ© Ă  mes professeurs ce que mes Ă©lĂšves me rĂ©pĂ©teraient Ă  leur tour si souvent - De toute façon j’aurai toujours zĂ©ro en dictĂ©e ! - Ah bon, Nicolas ? Qu’est-ce qui te fait croire ça ? - J’ai toujours eu zĂ©ro ! - Moi aussi, m’sieur ! - Toi aussi, VĂ©ronique ? - Et moi aussi, moi aussi ! - C’est une Ă©pidĂ©mie, alors ! Levez le doigt, ceux qui ont toujours eu zĂ©ro en orthographe. C’était une conversation de dĂ©but d’annĂ©e, pendant notre prise de contact, avec des quatriĂšmes par exemple; elle ouvrait systĂ©matiquement sur la premiĂšre dictĂ©e d’une longue sĂ©rie - D’accord, on va bien voir. Prenez une feuille, Ă©crivez DictĂ©e. - Oh, non m’sieueueueur ! - Ça ne se nĂ©gocie pas. DictĂ©e. Écrivez Nicolas prĂ©tend qu’il aura toujours zĂ©ro en orthographe
 Nicolas prĂ©tend
 Une dictĂ©e non prĂ©parĂ©e, que j’imaginais sur place, Ă©cho instantanĂ© Ă  leur aveu de nullitĂ© Nicolas prĂ©tend qu’il aura toujours zĂ©ro en orthographe, pour la seule raison qu’il n’a jamais obtenu une autre note. FrĂ©dĂ©ric, Sami et VĂ©ronique partagent son opinion. Le zĂ©ro, qui les poursuit depuis leur premiĂšre dictĂ©e, les a rattrapĂ©s et avalĂ©s. À les entendre, chacun d’eux habite un zĂ©ro d’oĂč il ne peut pas sortir. Ils ne savent pas qu’ils ont la clĂ© dans leur poche. Pendant que j’imaginais le texte, y distribuant un petit rĂŽle Ă  chacun d’eux, histoire d’émoustiller leur curiositĂ©, je faisais mes comptes grammaticaux un participe conjuguĂ© avec avoir, COD placĂ© derriĂšre; un prĂ©sent singulier prĂ©cĂ©dĂ© d’un pronom complĂ©ment pluriel et d’un pronom relatif sujet; deux autres participes avec avoir, COD placĂ© devant; un infinitif prĂ©cĂ©dĂ© d’un pronom complĂ©ment, etc. La dictĂ©e achevĂ©e, nous entamions sa correction immĂ©diate - Bon, Nicolas, lis-nous la premiĂšre phrase. - Nicolas prĂ©tend qu’il aura toujours zĂ©ro en orthographe. - C’est la premiĂšre phrase ? Elle s’arrĂȘte lĂ , tu es sĂ»r ? -
 - Lis attentivement. - Ah ! Non, pour la raison qu’il n’a jamais obtenu une autre note. - Bien. Quel est le premier verbe conjuguĂ© ? - PrĂ©tend ? - Oui. Infinitif ? - PrĂ©tendre. - Quel groupe ? - Euh
 - TroisiĂšme, je t’expliquerai tout Ă  l’heure. Quel temps ? - PrĂ©sent. - Le sujet ? - Moi. Enfin, Nicolas. - La personne ? - TroisiĂšme personne du singulier. - TroisiĂšme personne de prĂ©tendre au prĂ©sent, oui. Faites attention Ă  la terminaison. À toi, VĂ©ronique, quel est le deuxiĂšme verbe de cette phrase ? -a! - a ? Le verbe avoir ? Tu en es sĂ»re ? Relis. -
 -
 - Non, pardon, m’sieur, c’est a obtenu. C’est le verbe obtenir ! - À quel temps ? Une correction qui reprend tout de zĂ©ro puisque c’est de lĂ  que nous affirmons partir. En quatriĂšme ? Eh oui ! tout reprendre de zĂ©ro en quatriĂšme ! Jusqu’en troisiĂšme il n’est jamais trop tard pour repartir de zĂ©ro, quoi qu’on pense des impĂ©ratifs du programme ! Je ne vais quand mĂȘme pas entĂ©riner un perpĂ©tuel manque de bases, renier systĂ©matiquement la patate chaude au collĂšgue suivant ! Allez, on repart de zĂ©ro chaque verbe interrogĂ©, chaque nom, chaque adjectif, chaque lien, pas Ă  pas, une langue qu’ils ont mission de reconstruire Ă  chaque dictĂ©e, mot Ă  mot, groupe Ă  groupe. - Raison, nom commun, fĂ©minin singulier. - Un dĂ©terminant ? - La ! - Qu’est-ce que c’est, comme dĂ©terminant ? - Un article ! - Quel genre d’article ? - DĂ©fini ! - Raison a-t-il un adjectif qualificatif ? Devant ? DerriĂšre ? Loin ? PrĂšs ? - Devant, oui seule. DerriĂšre
 aucun. Pas d’adjectif derriĂšre. Juste seule. - Faites l’accord si vous avez oubliĂ© de le faire. Ces dictĂ©es, quotidiennes, des premiĂšres semaines se prĂ©sentaient sous la forme de brefs rĂ©cits oĂč nous tenions le journal de la classe. Elles n’étaient pas prĂ©parĂ©es. DĂšs leur point final elles ouvraient sur cette correction immĂ©diate, millimĂ©trique et collective. Puis venait la correction secrĂšte du professeur, la mienne, chez moi, et la remise des copies le lendemain, la note, la fameuse note, histoire de voir la tĂȘte que ferait Nicolas en sortant pour la premiĂšre fois de son zĂ©ro. La bouille de Nicolas, de VĂ©ronique ou de Sami le jour oĂč ils brisaient la coquille de l’Ɠuf orthographique. Affranchis de la fatalitĂ© ! Enfin ! Oh, la charmante Ă©closion ! De dictĂ©e en dictĂ©e, l’assimilation des raisonnements grammaticaux dĂ©clenchait des automatismes qui rendaient les corrections de plus en plus rapides. Les championnats de dictionnaire faisaient le reste. C’était la partie olympique de l’exercice. Une sorte de rĂ©crĂ©ation sportive. Il s’agissait, chronomĂštre en main, d’arriver le plus vite possible au mot recherchĂ©, de l’extraire du dictionnaire, de le corriger, de le rĂ©implanter dans le cahier collectif de la classe et dans un petit carnet individuel, et de passer au mot suivant. La maĂźtrise du dictionnaire a toujours fait partie de mes prioritĂ©s et j’ai formĂ© de prodigieux athlĂštes sur ce terrain, des sportifs de douze ans qui vous tombaient sur le mot recherchĂ© en deux coups, trois maximum ! Le sens du rapport entre la classification alphabĂ©tique et l’épaisseur d’un dictionnaire, voilĂ  un domaine oĂč bon nombre de mes Ă©lĂšves me battaient Ă  plate couture ! Tant que nous y Ă©tions, nous avions Ă©tendu l’étude des systĂšmes de classification aux librairies et aux bibliothĂšques en y recherchant les auteurs, les titres et les Ă©diteurs des romans que nous lisions en classe ou que je leur racontais. Arriver le premier sur le titre de son choix, c’était un dĂ©fi ! Parfois, le libraire offrait le livre au gagnant. Ainsi allaient nos dictĂ©es quotidiennes jusqu’au jour oĂč je passai commande de la dictĂ©e suivante Ă  un de mes anciens nuls - Sami, s’il te plaĂźt, Ă©cris-nous la dictĂ©e de demain un texte de six lignes avec deux verbes pronominaux, un participe avec avoir », un infinitif du premier groupe, un adjectif dĂ©monstratif, un adjectif possessif, deux ou trois mots difficiles que nous avons vus ensemble et un ou deux petits trucs de ton choix. VĂ©ronique, Sami, Nicolas et les autres concevaient les textes Ă  tour de rĂŽle, les dictaient eux-mĂȘmes et en guidaient la correction. Cela, jusqu’à ce que chaque Ă©lĂšve de la classe puisse voler de ses propres ailes, devenir, sans aucune aide, dans le silence de sa tĂȘte, son propre et mĂ©thodique correcteur. Les Ă©checs il y en avait, bien sĂ»r relevaient le plus souvent d’une cause extrascolaire une dyslexie, une surditĂ© non repĂ©rĂ©es
 Cet Ă©lĂšve de troisiĂšme, par exemple, dont les fautes ne ressemblaient Ă  rien, altĂ©ration du i ou du Ă© en a, du u en o, et qui s’avĂ©ra ne pas entendre les frĂ©quences aiguĂ«s. Sa mĂšre n’avait pas pensĂ© une seconde que le garçon pĂ»t ĂȘtre sourd. Quand il revenait du marchĂ©, ayant oubliĂ© une partie des commissions, quand il rĂ©pondait Ă  cĂŽtĂ©, quand il semblait ne pas avoir entendu ce qu’elle lui disait, abĂźmĂ© qu’il Ă©tait dans une lecture, dans un puzzle ou dans une maquette de voilier, elle mettait ses silences sur le compte d’une distraction qui l’émouvait. J’ai toujours cru que mon fils Ă©tait un grand rĂȘveur. » L’imaginer sourd Ă©tait au-dessus de ses forces de mĂšre. Un audiogramme et un examen trĂšs prĂ©cis de la vue devraient ĂȘtre obligatoires avant l’entrĂ©e de chaque enfant Ă  l’école. Ils Ă©viteraient les jugements erronĂ©s des professeurs, pallieraient l’aveuglement de la famille, et libĂ©reraient les Ă©lĂšves de douleurs mentales inexplicables. Une fois chacun sorti de son zĂ©ro, les dictĂ©es devenaient moins nombreuses et plus longues, dictĂ©es hebdomadaires et littĂ©raires, dictĂ©es signĂ©es Hugo, ValĂ©ry, Proust, Tournier, Kundera, si belles parfois que nous les apprenions par cƓur, comme ce texte de Cohen empruntĂ© au Livre de ma mĂšre Mais pourquoi les hommes sont-ils mĂ©chants ? Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ? Pourquoi adorent-ils se venger, dire vite du mal de vous, eux qui vont bientĂŽt mourir, les pauvres ? Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur cette terre, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, ne les rende pas bons, c’est incroyable. Et pourquoi vous rĂ©pondent-ils si vite d’une voix de cacatoĂšs, si vous ĂȘtes doux avec eux, ce qui leur donne Ă  penser que vous ĂȘtes sans importance, c’est-Ă -dire sans danger ? Ce qui fait que des tendres doivent faire semblant d’ĂȘtre mĂ©chants pour qu’on leur fiche la paix, ou mĂȘme, ce qui est tragique, pour qu’on les aime. Et si on allait se coucher et affreusement dormir ? Chien endormi n’a pas de puces. Oui, allons dormir, le sommeil a les avantages de la mort sans son petit inconvĂ©nient. Allons nous installer dans l’agrĂ©able cercueil. Comme j’aimerais pouvoir ĂŽter, tel l’édentĂ© son dentier qu’il met dans un verre d’eau prĂšs de son lit, ĂŽter mon cerveau de sa boĂźte, ĂŽter mon cƓur trop battant, ce pauvre bougre qui fait trop bien son devoir, ĂŽter mon cerveau et mon cƓur et les baigner, ces deux pauvres milliardaires, dans des solutions rafraĂźchissantes tandis que je dormirais comme un petit enfant que je ne serai jamais plus. Qu’il y a peu d’humains et que soudain le monde est dĂ©sert. Venait enfin l’heure de gloire le jour oĂč je dĂ©barquais chez mes quatriĂšmes, voire mes sixiĂšmes, avec les dissertations que mes secondes ou mes premiĂšres confiaient Ă  leur correction orthographique Mes abonnĂ©s au zĂ©ro mĂ©tamorphosĂ©s en correcteurs ! La volĂ©e des moineaux orthographiques s’abattant sur ces copies ! - Le mien, il ne fait aucun accord, m’sieur ! - La mienne, il y a des phrases, on ne sait pas oĂč elles commencent ni oĂč elles finissent
 - Quand j’ai corrigĂ© une faute, qu’est-ce que je marque dans la marge ? - Ma foi, ce que tu veux
 Protestations rigolardes des intĂ©ressĂ©s, dĂ©couvrant les observations de ces correcteurs impitoyables - Non mais, regardez ce qu’il a Ă©crit dans la marge CrĂ©tin ! Abruti ! Patate ! En rouge ! - C’est que tu as dĂ» oublier un accord
 S’ensuivait, dans les rangs des grands, une campagne de correction qui, pour l’essentiel, empruntait la mĂ©thode appliquĂ©e par les petits interroger verbes et noms avant de rendre sa dissertation, faire les accords appropriĂ©s, bref, se livrer Ă  un rĂ©glage grammatical qui a pour mĂ©rite de rĂ©vĂ©ler les errances de certaines phrases, donc l’approximation de certains raisonnements. À cette occasion, on dĂ©couvrait, et cela faisait l’objet de quelques cours, que la grammaire est le premier outil de la pensĂ©e organisĂ©e et que la fameuse analyse logique dont on conservait bien entendu un souvenir abominable ajuste les mouvements de notre rĂ©flexion, laquelle se trouve aiguisĂ©e par le bon usage des fameuses propositions subordonnĂ©es. Il arrivait mĂȘme qu’on s’offrĂźt, entre grands, une petite dictĂ©e, histoire de mesurer le rĂŽle jouĂ© par les subordonnĂ©es dans le dĂ©veloppement d’un raisonnement bien menĂ©. Un jour, La BruyĂšre en personne nous y aida. - Tenez, prenez une feuille, et regardez comment, en opposant subordonnĂ©es et principales, La BruyĂšre annonce – en une seule phrase ! – la fin d’un monde et le commencement d’un autre. Je vais vous lire le texte et vous en traduire les mots aujourd’hui incomprĂ©hensibles. Écoutez bien. Ensuite vous Ă©crirez en prenant votre temps, je dicterai lentement, vous irez pas Ă  pas, comme si vous raisonniez vous- mĂȘmes ! Pendant que les grands nĂ©gligent de rien connaĂźtre, je ne dis pas seulement aux intĂ©rĂȘts des princes et aux affaires publiques, mais Ă  leurs propres affaires; qu’ils ignorent l’économie et la science d’un pĂšre de famille, et qu’ils se louent eux-mĂȘmes de cette ignorance; qu’ils se laissent appauvrir et maĂźtriser par des intendants; qu’ils se contentent d’ĂȘtre gourmets ou coteaux, d’aller chez ThaĂŻs et chez PhrynĂ©, de parler de la meute et de l’arriĂšre-meute, de dire combien il y a de poste de Paris Ă  Besançon, ou Ă  Philisbourg, des citoyens s’instruisent du dedans et du dehors d’un royaume, Ă©tudient le gouvernement, deviennent fins et politiques, savent le fort et le faible de tout un État, songent Ă  se mieux placer, se placent, s’élĂšvent, deviennent puissants, soulagent le prince d’une partie des soins publics. - Et maintenant, l’estocade Les grands, qui les dĂ©daignent, les rĂ©vĂšrent heureux s’ils deviennent leurs gendres. - Deux principales, dont la seconde est elliptique, heureux ils sont heureux, tricotĂ©es avec deux subordonnĂ©es, la relative qui les dĂ©daignent et la conditionnelle finale, meurtriĂšre s’ils deviennent leurs gendres. 12. Et pourquoi ne pas apprendre ces textes par cƓur ? Au nom de quoi ne pas s’approprier la littĂ©rature ? Parce que ça ne se fait plus depuis longtemps ? On laisserait s’envoler des pages pareilles comme des feuilles mortes, parce que ce n’est plus de saison ? Ne pas retenir de telles rencontres, est-ce envisageable ? Si ces textes Ă©taient des ĂȘtres, si ces pages exceptionnelles avaient des visages, des mensurations, une voix, un sourire, un parfum, ne passerions-nous pas le reste de notre vie Ă  nous mordre le poing de les avoir laissĂ© filer ? Pourquoi se condamner Ă  n’en conserver qu’une trace qui s’estompera jusqu’à n’ĂȘtre plus que le souvenir d’une trace
 Il me semble, oui, avoir Ă©tudiĂ© au lycĂ©e un texte, de qui dĂ©jĂ  ? La BruyĂšre ? Montesquieu ? FĂ©nelon ? Quel siĂšcle, XVIIe ? XVIIIe ? Un texte qui en une seule phrase dĂ©crivait le glissement d’un ordre Ă  un autre
 » Au nom de quel principe, ce gĂąchis ? Uniquement parce que les professeurs d’antan Ă©taient rĂ©putĂ©s nous faire rĂ©citer des poĂ©sies souvent idiotes et qu’aux yeux de certains vieux chnoques la mĂ©moire Ă©tait un muscle Ă  entraĂźner plus qu’une bibliothĂšque Ă  enrichir ? Ah ! ces poĂšmes hebdomadaires auxquels nous ne comprenions rien, chacun chassant le prĂ©cĂ©dent, Ă  croire qu’on nous entraĂźnait surtout Ă  l’oubli ! D’ailleurs, nos professeurs nous les donnaient-ils parce qu’ils les aimaient, ou parce que leurs propres maĂźtres leur avaient serinĂ© qu’ils appartenaient au PanthĂ©on des Lettres Mortes ? Eux aussi, ils m’en ont collĂ©, des zĂ©ros ! Et des heures de colle ! Évidemment, Pennacchioni, on n’a pas appris sa rĂ©citation ! » Mais si, monsieur, je la savais encore hier soir, je l’ai rĂ©citĂ©e Ă  mon frĂšre, seulement c’était de la poĂ©sie hier soir, mais vous ce matin c’est une rĂ©citation que vous attendez, et moi ça me constipe, cette embuscade. Bien entendu, je ne disais rien de tout cela, j’avais beaucoup trop peur. Je n’y reviens, Ă  cette terrifiante Ă©preuve de la rĂ©citation au pied de l’estrade, que pour essayer de m’expliquer le mĂ©pris oĂč l’on tient aujourd’hui toute sollicitation de la mĂ©moire. Ce serait donc pour conjurer ces fantĂŽmes qu’on dĂ©ciderait de ne pas s’incorporer les plus belles pages de la littĂ©rature et de la philosophie ? Des textes interdits de souvenir parce que des imbĂ©ciles n’en faisaient qu’une affaire de mĂ©moire ? Si tel est le cas, c’est qu’une idiotie a chassĂ© l’autre. On peut m’objecter qu’un esprit organisĂ© n’a nullement besoin d’apprendre par cƓur. Il sait faire son miel de la substantifique moelle. Il retient ce qui fait sens et, quoi que j’en dise, il conserve intact le sentiment de la beautĂ©. D’ailleurs, il peut vous retrouver n’importe quel bouquin en un tournemain dans sa bibliothĂšque, tomber pile sur les bonnes lignes, en deux minutes. Moi-mĂȘme, je sais oĂč mon La BruyĂšre m’attend, je le vois sur son Ă©tagĂšre, et mon Conrad, et mon Lermontov, et mon Perros, et mon Chandler
 toute ma compagnie est lĂ , alphabĂ©tiquement dispersĂ©e dans ce paysage que je connais si bien. Sans parler du cyberespace oĂč je peux, du bout de mon index, consulter toute la mĂ©moire de l’humanitĂ©. Apprendre par cƓur ? À l’heure oĂč la mĂ©moire se compte en gigas ! Tout cela est vrai, mais l’essentiel est ailleurs. En apprenant par cƓur, je ne supplĂ©e Ă  rien, j’ajoute Ă  tout. Le cƓur, ici, est celui de la langue. S’immerger dans la langue, tout est lĂ . Boire la tasse et en redemander. En faisant apprendre tant de textes Ă  mes Ă©lĂšves, de la sixiĂšme Ă  la terminale un par semaine ouvrable et chacun d’eux Ă  rĂ©citer tous les jours de l’annĂ©e, je les prĂ©cipitais tout vifs dans le grand flot de la langue, celui qui remonte les siĂšcles pour venir battre notre porte et traverser notre maison. Bien sĂ»r qu’ils regimbaient, les premiĂšres fois ! Ils imaginaient l’eau trop froide, trop profonde, le courant trop fort, leur constitution trop faible. LĂ©gitime ! Ils s’offraient des trouilles de plongeoir - J’y arriverai jamais ! - J’ai pas de mĂ©moire. Me sortir cet argument, Ă  moi, un amnĂ©sique de naissance ! - C’est beaucoup trop long ! - C’est trop difficile ! À moi, l’ancien crĂ©tin de service ! - Et puis les vers c’est pas comme on parle aujourd’hui ! Ah ! Ah ! Ah ! - Ce sera notĂ©, m’sieur ? Et comment ! Sans compter les protestations de la maturitĂ© bafouĂ©e - Apprendre par cƓur ? On n’est plus des bĂ©bĂ©s ! - Je suis pas un perroquet ! Ils jouaient leur va-tout, c’était de bonne guerre. Et puis, ils disaient ce genre de choses, parce qu’ils les entendaient dire. Leurs parents eux-mĂȘmes, parfois, des parents ĂŽ combien Ă©voluĂ©s Comment, monsieur Pennacchioni, vous leur faites apprendre des textes par cƓur ? Mais mon fils n’est plus un enfant ! » Votre fils, chĂšre madame, n’en finira jamais d’ĂȘtre un enfant de la langue, et vous-mĂȘme un tout petit bĂ©bĂ©, et moi un marmot ridicule, et tous autant que nous sommes menu fretin charriĂ© par le grand fleuve jailli de la source orale des Lettres, et votre fils aimera savoir en quelle langue il nage, ce qui le porte, le dĂ©saltĂšre et le nourrit, et se faire lui-mĂȘme porteur de cette beautĂ©, et avec quelle fiertĂ© !, il va adorer ça, faites-lui confiance, le goĂ»t de ces mots dans sa bouche, les fusĂ©es Ă©clairantes de ces pensĂ©es dans sa tĂȘte, et dĂ©couvrir les capacitĂ©s prodigieuses de sa mĂ©moire, son infinie souplesse, cette caisse de rĂ©sonance, ce volume inouĂŻ oĂč faire chanter les plus belles phrases, sonner les idĂ©es les plus claires, il va en raffoler de cette natation sublinguistique lorsqu’il aura dĂ©couvert la grotte insatiable de sa mĂ©moire, il adorera plonger dans la langue, y pĂȘcher les textes en profondeur, et tout au long de sa vie les savoir lĂ , constitutifs de son ĂȘtre, pouvoir se les rĂ©citer Ă  l’improviste, se les dire Ă  lui-mĂȘme pour la saveur des mots. Porteur d’une tradition Ă©crite grĂące Ă  lui redevenue orale il ira peut-ĂȘtre mĂȘme jusqu’à les dire Ă  quelqu’un d’autre, pour le partage, pour les jeux de la sĂ©duction, ou pour faire le cuistre, c’est un risque Ă  courir. Ce faisant il renouera avec ces temps d’avant l’écriture oĂč la survie de la pensĂ©e dĂ©pendait de notre seule voix. Si vous me parlez rĂ©gression, je vous rĂ©pondrai retrouvailles ! Le savoir est d’abord charnel. Ce sont nos oreilles et nos yeux qui le captent, notre bouche qui le transmet. Certes, il nous vient des livres, mais les livres sortent de nous. Ça fait du bruit, une pensĂ©e, et le goĂ»t de lire est un hĂ©ritage du besoin de dire. 13. Ah ! Un dernier mot. Ne vous inquiĂ©tez pas, chĂšre madame pourrais-je ajouter aujourd’hui Ă  cette maman qui, de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, ne change pas, toute cette beautĂ© dans la tĂȘte de vos enfants, ce n’est pas ce qui va les empĂȘcher de chatter phonĂ©tique avec leurs petits copains sur la toile, ni d’envoyer ces sms qui vous font pousser des cris d’orfraie Mon Dieu, quelle orthographe ! Comment s’expriment les jeunes d’aujourd’hui ! Mais que fait l’École ? » Rassurez-vous, en faisant travailler vos enfants, nous n’entamerons pas votre capital d’inquiĂ©tude maternelle. 14. Un texte par semaine, donc, que nous devions pouvoir rĂ©citer chaque jour de l’annĂ©e, Ă  l’improviste, eux comme moi. Et numĂ©rotĂ©s, pour corser la difficultĂ©. PremiĂšre semaine, texte n°1. DeuxiĂšme semaine, texte n°2. Vingt-troisiĂšme semaine, texte n°23. Toutes les apparences d’une mĂ©canique idiote, mais ces numĂ©ros en guise de titre, c’était pour jouer, pour ajouter le plaisir du hasard Ă  la fiertĂ© du savoir. - AmĂ©lie, rĂ©cite-nous donc le 19. - Le 19 ? C’est le texte de Constant sur la timiditĂ©, le dĂ©but d’Adolphe. - Tout juste, on t’écoute. Mon pĂšre Ă©tait timide
 Ses lettres Ă©taient affectueuses, pleines de conseils raisonnables et sensibles; mais Ă  peine Ă©tions-nous en prĂ©sence l’un de l’autre, qu’il y avait en lui quelque chose de contraint que je ne pouvais m’expliquer, et qui rĂ©agissait sur moi de maniĂšre pĂ©nible. Je ne savais pas alors ce que c’était que la timiditĂ©, cette souffrance intĂ©rieure qui nous poursuit jusque dans l’ñge le plus avancĂ©, qui refoule sur notre cƓur les impressions les plus profondes, qui glace nos paroles, qui dĂ©nature dans notre bouche tout ce que nous essayons de dire, et ne nous permet de nous exprimer que par des mots vagues ou une ironie plus ou moins amĂšre, comme si nous voulions nous venger sur nos sentiments mĂȘmes de la douleur que nous Ă©prouvons Ă  ne pouvoir les faire connaĂźtre. Je ne savais pas que, mĂȘme avec son fils, mon pĂšre Ă©tait timide, et que souvent, aprĂšs avoir longtemps attendu de moi quelque tĂ©moignage de mon affection que sa froideur apparente semblait m’interdire, il me quittait les yeux mouillĂ©s de larmes, et se plaignait Ă  d’autres de ce que je ne l’aimais pas. - Formidable. 18 sur 20. François, le 8. - Le 8, Woody Allen ! Le lion et l’agneau. - Vas-y. Le lion et l’agneau partageront la mĂȘme couche mais l’agneau ne dormira pas beaucoup. - Impeccable. 20 sur 20 ! Samuel, le 12. - Le 12, c’est Émile de Rousseau. Sa description de l’état d’homme. - Exact. - Attendez, m’sieur, François se tape 20 sur 20 avec les deux lignes de Woody et moi, je dois rĂ©citer la moitiĂ© de l’Émile ? - C’est l’affreuse loterie de la vie. Bon. Vous vous fiez Ă  l’ordre actuel de la sociĂ©tĂ© sans songer que cet ordre est sujet Ă  des rĂ©volutions inĂ©vitables, et qu’il vous est impossible de prĂ©voir ni de prĂ©venir celle qui regarde vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet; les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d’en ĂȘtre exempts ? Nous approchons de l’état de crise et du siĂšcle des rĂ©volutions. Qui peut vous rĂ©pondre de ce que vous deviendrez alors ? Tout ce qu’ont fait les hommes, les hommes peuvent le dĂ©truire; il n’y a de caractĂšres ineffaçables que ceux qu’imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs.

CĂ©tait mon oncle. Auteur.rice.s : Yves Grevet. Le premier roman d’Yves Grevet, rééditĂ© dans la nouvelle formule Tempo. NoĂ© Petit, qui vit Ă  la campagne avec ses parents, est souvent seul et s’ennuie un peu. Un soir, un coup de

Dorelan marchait vers son habitation, un seau rempli d’eau fraiche dans sa main gauche, lorsque Darofrast l’interpella. L’humain avait un bras en Ă©charpe — le droit, qui s’était cassĂ© une semaine plus tĂŽt, lors de sa petite expĂ©dition catastrophique avec Sadidiane. Il paraissait incroyablement fatiguĂ©, et Vastiarna avait longuement partagĂ© ses inquiĂ©tudes Ă  son sujet avec son oncle. La magie Ă©tait vraiment mauvaise pour son organisme humain, et elle ne savait pas vraiment comment l’aider.— Je peux faire quelque chose pour t’aider, Darofrast ?Il Ă©tait poli, mais aussi
 prudent. Comme s’il pesait le pour et le contre de chaque syllabe qu’il prononçait. C’était ainsi depuis son retour du site pĂ©trolier de Velensarn. La mĂ©fiance s’était installĂ©e entre lui et les Akamorrs, et ce de maniĂšre Emkele, prĂ©venue presque immĂ©diatement, et Askoliarn Wendoki Ă©taient furieux aprĂšs l’humain, comme d’autres chefs de Clan — dont Randar Kelekian faisait partie. Valindaria Kadjebah Ă©tait la seule cheffe de clan Ă  ne pas avoir cĂ©dĂ© aux sirĂšnes de la colĂšre. Tous les autres Ă©taient furieux, Askoliarn Wendoki, Randar Kelekian et Ashinzo Lawotson en tĂȘte. Le troisiĂšme citĂ© Ă©tait le chef du Clan Boliarand, implantĂ© dans les Terres Sauvages Ă  l’ouest de Bakistiar. Ce clan avait des relations extrĂȘmement tendues avec le Clan Akaliost, dont il contestait farouchement l’autoritĂ© depuis soixante-dix ans environ, et avec le Clan Menordosia, implantĂ© dans les mĂȘmes Terres Sauvages, mais beaucoup plus au nord, proche du et Ashinzo avaient demandĂ© la peine de mort pour Dorelan, lĂ  oĂč Askoliarn avait demandĂ© son bannissement. La premiĂšre requĂȘte avait rendu Elindya folle de rage et elle avait refusĂ© que l’on tue un humain qui n’avait commis aucun crime, et qui avait mĂȘme partagĂ© son savoir et ses compĂ©tences avec les Akamorrs pour les proposition d’Askoliarn, en revanche, lui Ă©tait apparue beaucoup plus raisonnable. Sans aller jusqu’à bannir Dorelan, Elindya pensait Ă  le sĂ©parer de Sadidiane les faire aller chacun dans un clan, pour le bien de la Grande PrĂȘtresse du Monde. Elle considĂ©rait que Dorelan Ă©tait trop inconscient, trop humain pour avoir une influence positive sur l’adolescente, et que sa prĂ©sence allait lui nuire de plus en plus.— J’ai discutĂ© de toi avec ma mĂšre, rĂ©pondit sans prĂ©alable Darofrast.— Vous allez me couper la tĂȘte ?Sa question Ă©tait pleine de cynisme, mais aussi de lassitude.— Non, bien sĂ»r que non. NĂ©anmoins, ma mĂšre et les autres chefs de Clan ont pris une dĂ©cision te concernant. Elle n’est pas encore dĂ©finitive, mais je prĂ©fĂšre te lui fit signe de poursuivre, et c’est ce que l’Akamorr fit. Il lui exposa clairement la situation, en quelques mots.— C’est totalement hors de question, rĂ©pondit simplement le mĂ©decin quand il eut se remit ensuite en marche vers son habitation, laissant Darofrast un peu interdit. L’Akamorr le rattrapa rapidement et vint lui bloquer gentiment la route pour le forcer Ă  poursuivre la discussion.— Dorelan, ce n’est pas un choix qui t’est donnĂ©. C’est une dĂ©cision
— Prise par les chefs de Clan Akamorrs. Je suis un humain. Je n’obĂ©is pas Ă  vos lois. Je les respecte, je vous respecte tous, mais jamais je n’accepterai d’ĂȘtre sĂ©parĂ© de Sadidiane.— Ils pensent que c’est mieux pour elle. Et pour toi.— Je m’en moque. Je ne quitterai pas faisait preuve d’une fermetĂ© qui surprit Darofrast. L’Akamorr ne l’imaginait pas capable d’ĂȘtre aussi dĂ©terminĂ©. Une erreur que beaucoup commettaient au sujet du mĂ©decin.— Nous voulons juste ce qu’il y a de mieux pour elle, Dorelan.— Tout comme moi. C’est pour cela que je l’ai conduite Ă  l’Arbre de Sang. Parce qu’elle allait mal, qu’elle avait envie d’y aller et qu’elle mĂ©ritait que l’on respecte ses choix. Pour une fois. Je sais que le rĂ©sultat s’est avĂ©rĂ© catastrophique, que c’était une erreur et qu’à prĂ©sent Sadidiane est au plus mal, par ma faute, mais au moment oĂč j’ai pris cette dĂ©cision, je l’ai fait pour elle, parce que cela me semblait ĂȘtre la meilleure chose Ă  faire. Je ne pouvais pas savoir ce que cela donnerait.— Personne ne pouvait le y eut un lĂ©ger silence, et Dorelan reprit la parole.— Je ne quitterai pas Sadidiane. Je l’aime, et je vais prendre soin d’elle. Je vais m’assurer qu’elle puisse se pardonner elle-mĂȘme, et qu’elle ne vieillisse pas dans la fronça lĂ©gĂšrement les sourcils.— Tu parles de la haine des humains ?— De la haine quelle qu’elle soit. Mais oui, la haine de l’humanitĂ© que vous possĂ©dez tous, je ne veux pas de ça pour soupira profondĂ©ment.— Nous sommes en guerre avec l’humanitĂ©, mais nous ne la haĂŻssons pas pour autant, soupira une nouvelle fois en voyant que son interlocuteur ne le croyait pas du tout, et il reprit la parole — C’est pour cela que nous n’avons pas cherchĂ© plus activement Ă  rĂ©cupĂ©rer Sadidiane, au dĂ©but. C’était mon idĂ©e d’essayer de faire confiance Ă  l’Okalisto dans l’espoir qu’il ne remette pas la Grande PrĂȘtresse au Conseil Mondial du ContrĂŽle de la Magie. J’ai convaincu mon Clan, et par consĂ©quent les autres Clans, de me faire confiance. De lui faire confiance. Je voulais dĂ©montrer
 je voulais dĂ©montrer Ă  tous mes camarades que les humains n’étaient pas aussi mauvais qu’ils le paraissaient. AprĂšs lattaque de Randar, nous avons dĂ©cidĂ© de rĂ©cupĂ©rer Sadidiane, mais c’était trop tard nous ne pouvions plus la localiser. Passivement, involontairement, l’Okalisto occultait notre vision. Nous avons failli perdre Sadidiane Ă  cause de mes dĂ©cisions. Parce que je voulais prouver que j’avais raison ; que l’humanitĂ© n’était pas mauvaise et qu’il ne fallait pas la haĂŻr.— Pourquoi me raconter cela, Darofrast ? Qu’est-ce que tu cherches Ă  me dire ?— Tous les Akamorrs ne haĂŻssent pas l’humanitĂ©, mais nous ne pouvons pas faiblir dans notre lutte contre elle. Elle nous dĂ©truirait, et Akalivan avec nous. Sadidiane doit le comprendre, pour nous, mais surtout pour elle, et tu n’es malheureusement pas en mesure de l’aider Ă  le y eut un long silence durant lequel les deux hommes s’observĂšrent avec neutralitĂ©.— J’aimerais qu’Ademon soit lĂ , soupira finalement le mĂ©decin.— Je suis dĂ©solĂ©. C’était quelqu’un de bien. J’avais raison sur ce point-lĂ .— Pas suffisamment bien pour qu’on aille le dans sa voix Ă©tait difficile Ă  supporter.— Que veux-tu dire ?— Je me souviens de Dokistia affirmant qu’elle irait chercher Ademon elle-mĂȘme si elle le croyait encore en vie. Et je t’ai dĂ©jĂ  entendu tenir des propos similaires. Il est en vie. Mais personne ne va le rĂ©ponse laissa Darofrast sous le choc pendant un court instant, et cela suffit au mĂ©decin. Il prit congĂ© poliment et contourna son interlocuteur avant de reprendre sa route. L’Akamorr n’essaya pas de le n’allait pas bien. Des flashs de la destruction du site pĂ©trolier l’assaillaient constamment, Ă©veillĂ©e comme endormie, et la culpabilitĂ© l’étouffait. Elle avait causĂ© la mort atroce de plusieurs centaines de personnes. Elle entendait encore leurs cris, et voyait leurs cadavres dĂšs qu’elle fermait les paupiĂšres.— Sadi ?Elle tourna le regard vers Dorelan qui lui souriait avec gentillesse. Silencieusement, elle se remit Ă  boire le bouillon qu’il lui avait prĂ©parĂ©, le laissant faire la conversation seul. C’était ainsi depuis dix jours.— J’ai croisĂ© Adriliana, ce matin. Elle et Tadorian se languissent de toi, ils aimeraient beaucoup te voir.— Je ne veux voir ne voulait voir que Dorelan, et c’était uniquement parce qu’elle ne voulait pas l’inquiĂ©ter. Le mĂ©decin n’insista pas, et il changea rapidement de sujet, lui racontant une anecdote de Naskilie, qui lui avait racontĂ© ses premiers pas en tant que guerriĂšre. L’histoire Ă©tait amusante, et Naskilie l’avait sans doute racontĂ©e Ă  Dorelan pour le faire rire, mais cela ne tira pas un sourire Ă  Sadidiane. Elle Ă©coutait Ă  peine son interlocuteur, son regard se perdant parfois dans le vague, lorsqu’il ne se fixait pas sur le bras cassĂ© du mĂ©decin. C’était sa faute. Elle lui avait fait du mal, et elle aurait pu le tuer. Tout comme elle avait tuĂ© des centaines de personnes innocentes.— Ademon serait intervention, abrupte et hors contexte, laissa Dorelan perplexe. Sadidiane ne parlait jamais d’Ademon avec le mĂ©decin. Elle en parlait uniquement pour dire qu’il Ă©tait vivant et qu’il fallait aller le sauver.— Quoi ? Furieux de quoi ?— De ce que j’ai fait. J’ai tuĂ© tous ces gens, alors que lui aurait donnĂ© sa vie pour les sauver
 Il serait furieux. Peut-ĂȘtre mĂȘme qu’il me tuerait pour que je ne recommence pas, et il aurait Ă©taient tous les deux assis par terre, en tailleur, et c’était tant mieux. Dorelan aurait probablement eu besoin de s’asseoir s’il avait Ă©tĂ© debout, tant il Ă©tait choquĂ©.— Comment peux-tu dire une chose pareille ?— Je suis un monstre, Dorelan ! Tu le sais, tout le monde le sait ! Ademon le saurait lui aussi, et il ferait ce qu’il faut pour protĂ©ger les autres !Elle avait bondi sur ses pieds furieusement, ayant besoin d’exprimer toute la violence qui Ă©tait en elle. Dorelan se leva calmement, et il la fixa d’un air
 blessĂ© ? Inquiet ? Elle n’en savait rien et c’était dĂ©sespĂ©rant.— Tu n’es pas un monstre. Et jamais Ademon ne te ferait de mal. Jamais il ne te trouverait monstrueuse. Je ne te trouve pas monstrueuse.— Tu as simple rideau de perles sĂ©parait la piĂšce oĂč ils mangeaient de celle oĂč ils dormaient. Elle aurait prĂ©fĂ©rĂ© un mur opaque capable de lui garantir sa solitude. Elle se roula en rond dans son lit et ferma les yeux, espĂ©rant ainsi faire disparaitre tous ses problĂšmes. Elle sentit la main de Dorelan se poser gentiment sur son bras, rassurante.— Tout va bien, Sadi, d’accord ?Pourquoi mentir ainsi ? Il savait que c’était faux, et elle aussi. Rien n’allait bien.— J’ai juste besoin de me reposer un peu, souffla la jeune sentit l’hĂ©sitation du mĂ©decin.— Mais Ă  ton rĂ©veil, tu viendras voir les jumeaux avec moi, d’accord ?— D’ un mensonge, mais Sadidiane Ă©tait prĂȘte Ă  raconter n’importe quoi pour qu’il la laisse seule. Pourtant, Ă  la seconde oĂč la prĂ©sence de Dorelan s’effaça, elle regretta le mĂ©decin. Maintenant qu’il Ă©tait parti, les cris de souffrance et de terreur Ă©taient de retour, prĂȘts Ă  l’assaillir sans relĂąche, comme les flashs de ce qu’elle avait fait. Tous ces hommes morts, massacrĂ©s par sa faute
 Elle se redressa d’un coup, envahie par la culpabilitĂ© et la rage. Elle voulait maitriser ses pouvoirs pour aller sauver Ademon, mais tout ce qu’elle avait obtenu, c’était la mort. Le PhĂ©nix Fondateur lui avait menti, il l’avait manipulĂ©e pour la pousser Ă  blesser l’humanitĂ©. Il l’avait utilisĂ©e comme une arme. Et Ă  prĂ©sent, elle se sentait incroyablement faible. Mentalement, elle Ă©tait dĂ©truite. Physiquement, elle Ă©tait Ă©puisĂ©e. Magiquement, elle Ă©tait complĂštement vide. Elle n’avait rien gagnĂ© du tout. Elle ne pouvait mĂȘme pas sauver Ademon. Elle se laissa tomber Ă  genoux, soudainement vidĂ©e de toute son Ă©nergie. Tout ce qu’elle voulait, c’était devenir puissante pour pouvoir sauver l’Okalisto. Rien d’autre. Elle ne voulait pas faire de mal Ă  qui que ce soit. Les larmes qui lui montĂšrent aux yeux s’assĂ©chĂšrent avant d’avoir le temps de se former complĂštement, et elle ferma les paupiĂšres. Elle se sentait si mal. Elle Ă©tait coupable, elle Ă©tait un monstre.— Je voulais juste vous sauver, Daraniel, souffla-t-elle avec dĂ©sespoir. MĂȘme ça, je n’ai pas pu le secondes s’écoulĂšrent dans un silence mortel, et Sadidiane sentit brusquement un changement en elle. Elle avait l’impression de flotter, et lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle resta complĂštement bouche bĂ©e. Elle Ă©tait seule au milieu du cosmos. Elle Ă©tait entourĂ©e par une infinitĂ© de vide et d’étoiles, mais elle Ă©tait agenouillĂ©e sur un plancher invisible et n’avait aucune difficultĂ© Ă  respirer. Lorsqu’elle voulut se relever, tout se mit Ă  tourner autour d’elle, et elle dut refermer les changement de tempĂ©rature et d’ambiance fut brutal, et Sadidiane enregistra immĂ©diatement le froid et la pollution ambiants. Elle ouvrit ensuite les paupiĂšres, et elle se retrouva au cƓur d’une vaste Ă©tendue de bitume et de ruines, couverte de neige. Il neigeait fortement, il faisait trĂšs froid, et le ciel Ă©tait plein de fumĂ©e. L’air Ă©tait polluĂ©, dĂ©sagrĂ©able, et l’adolescente eut une quinte de toux douloureuse. Il n’y avait pas Ăąme qui vive, ici, dans cette Ă©trange ville fantĂŽme en ruines. Lentement, l’adolescente se releva et entreprit de faire un tour sur elle-mĂȘme pour observer les alentours. Elle sursauta en apercevant un homme, dos Ă  elle, Ă  quelques mĂštres. La neige, de plus en plus dense et fournie, le rendait difficile Ă  distinguer, mais elle le reconnut rapidement.— ADEMON !Elle se mit immĂ©diatement Ă  courir vers lui, continuant Ă  crier son nom, mais il ne semblait pas l’entendre. DĂšs qu’elle fut Ă  son niveau, elle l’attrapa par le bras, sentant son cƓur au bord de l’explosion. Toute son excitation s’évanouit lorsque l’Okalisto se dissipa littĂ©ralement devant elle, laissant ses doigts se refermer sur du vide.— J’ai enfin le plaisir de faire ta connaissance, fit volte-face et serra les poings en reconnaissant la femme qui se tenait Ă  quelques pas d’elle. Axiliko, la cheffe des PrĂȘtresses du Temple. Sa chevelure bleue, ses yeux roses, et l’inhumanitĂ© de son regard la rendaient extrĂȘmement reconnaissable. Elle portait une longue robe noire qui trainait sur le sol, et un chĂąle de la mĂȘme couleur qui entourait ses Ă©paules. Elle Ă©tait Ă©lĂ©gante, mais elle donnait surtout l’impression d’ĂȘtre dangereuse.— OĂč est Ademon ?!La femme la fixa en silence, laissant son regard la transpercer de part en part.— OĂč est Ademon ?! OĂč est-ce qu’on est ?!— Dans son rĂ©ponse laissa Sadidiane interdite.— Daraniel Estilion a toujours Ă©tĂ© un individu Ă  la forte volontĂ©. Il a créé un sanctuaire mental, inaccessible pour nous. C’est lĂ  que nous ne comprenait pas, et c’était visible dans son regard. Axiliko n’en parut pas Ă©tonnĂ©e, et elle reprit tranquillement la parole.— Tant que Daraniel se retranche dans son sanctuaire, sa volontĂ© demeure intacte. Peu importe les souffrances qui sont les siennes. Et sa volontĂ© nous empĂȘche de rĂ©cupĂ©rer ses pouvoirs. Mais grĂące Ă  toi, nous allons pouvoir l’atteindre. Enfin.— Qu’est-ce que vous racontez ?!— Tu nous as ouvert l’accĂšs Ă  son sanctuaire spirituel. Le siĂšge de sa volontĂ©. Nous allons la briser pour rĂ©cupĂ©rer ses cƓur de l’adolescente rata un battement.— Vous mentez ! Je ne vous ai rien ouvert du tout, je
Elle s’interrompit, incapable de continuer.— Je ne vous laisserai pas lui faire du mal !Axiliko l’observa durement.— Ne sois pas arrogante. En tant que Grande PrĂȘtresse du Monde, tu possĂšdes des pouvoirs incroyables. Inimaginables. Ils te seraient bien insuffisants lors d’un affrontement contre moi, cependant. Je t’écraserai comme un insecte si tu essaies de t’opposer Ă  moi.— Je n’ai pas peur de vous, rĂ©pliqua Sadidiane.— Tuer des centaines d’innocents ne fait pas de toi une grande Ă©carquilla les yeux sous l’effet du choc provoquĂ© par cette rĂ©ponse.— Tu es une arme faite pour dĂ©truire. Ton existence rompt l’équilibre et menace l’intĂ©gritĂ© de l’humanitĂ© entiĂšre.— C’est totalement faux ! C’est ma mort qui aurait rompu l’équilibre et causĂ© la fin d’Akalivan ! C’est vous qui avez rompu l’équilibre pendant cinq cents ans, et maintenant, le monde est au bord de la destruction !— Tu as tort. Les Akamorrs t’ont menti. Ton existence signifie la fin de l’humanitĂ©. Ta mort signifie l’équilibre. Il en est ainsi depuis cinq cents ans. Nous n’avons pas sacrifiĂ© la premiĂšre Grande PrĂȘtresse pour le plaisir ; nous l’avons fait car nous n’avions pas le choix. Nous devions sauver des centaines de millions de personnes, aprĂšs en avoir perdu des milliards. Tu n’étais pas lĂ . Tu ne sais pas ce que c’est de voir tes semblables mourir les uns aprĂšs les autres, massacrĂ©s sur l’autel de la vengeance d’un monde qui nous a chĂątiĂ©s sans nous donner le moindre regard et sa voix Ă©taient devenus lointains. Elle se replongeait dans des souvenirs, et Sadidiane rĂ©alisa qu’Axiliko Ă©tait lĂ . Il y a cinq cents ans. MĂȘme si c’était impossible, elle sentait que c’était la vĂ©ritĂ©.— ramena la femme dans la rĂ©alitĂ©, et elle observa la jeune fille.— La premiĂšre Grande PrĂȘtresse du Monde s’appelait Mayasha et elle n’avait que neuf ans ! Vous l’avez torturĂ©e et tuĂ©e pour assurer la survie de votre humanitĂ© !— Et son sacrifice en valait la rĂ©ponse laissa l’adolescente silencieuse. Comment pouvait-elle assumer ainsi des actes aussi monstrueux ?— Si nous ne l’avions pas fait, des milliers de Mayasha seraient mortes Ă  sa place. Une vie pour des millions, Sadidiane. Un sacrifice pour l’ jeune prĂȘtresse avait envie de pleurer. Elle sentait une boule dans sa gorge, et ses yeux la piquaient. Pourtant, elle ne pouvait s’y rĂ©soudre.— Vous mentez ! VOUS MENTEZ !Les mots d’Axiliko n’étaient que du poison destinĂ© Ă  la dĂ©stabiliser et Ă  la faire souffrir.— C’est ainsi que tu justifies ton existence. En acceptant les mensonges et en refusant les vĂ©ritĂ©s.— Vous ne faites que mentir. Je ne vous crois pas, je ne vous croirai jamais !— Alors il y aura bien des morts sur ta conscience. Bien du sang sur ton Ăąme dĂ©jĂ  ternie. Et Daraniel continuera Ă  souffrir jusqu’à en mourir.— Qu’est-ce que vous racontez ? Qu’est-ce qu’il a Ă  voir lĂ -dedans ?— La mort de la Grande PrĂȘtresse du Monde et l’existence d’un Okalisto sont les deux conditions pour que l’équilibre existe et permette Ă  l’humanitĂ© de persister. Tu n’es pas morte, et l’équilibre est rompu, mais avec un Okalisto, nous pouvons ralentir le processus. Au moins suffisamment longtemps pour te rĂ©cupĂ©rer et te sacrifier.— Vous avez un Okalisto ! Vous n’avez pas besoin qu’il se batte, ou qu’il vous rejoigne ! Sa simple existence vous suffit ! RĂ©cupĂ©rer ses pouvoirs en le torturant ne vous apportera rien !— Une fois de plus, tu as tort. Daraniel ne peut pas ĂȘtre l’Okalisto.— Il l’est dĂ©jĂ  !— Il ne le sera bientĂŽt plus. Ta prĂ©sence a Ă©veillĂ© quelque chose en lui. Ses pouvoirs et son statut mĂȘme d’Okalisto sont en train de disparaitre. Et ici, dans son sanctuaire spirituel, il utilise sa volontĂ© pour accĂ©lĂ©rer le secoua la tĂȘte, incrĂ©dule. Ce qu’elle lui racontait n’avait aucun sens. C’était impossible.— Dans quelques semaines, il n’y aura plus d’Okalisto, Sadidiane. L’humanitĂ© n’aura que quelques mois devant elle avant que tout sombre dans le chaos, comme il y a cinq siĂšcles.— Pourquoi vous me racontez ça ? souffla la jeune fille, ne savait plus ce qu’elle devait penser ou croire.— Parce que tu peux sauver lhumanitĂ© et tout petit espoir s’alluma en Sadidiane, mĂȘme si elle savait que son interlocutrice n’était pas fiable.— Comment ça ?— Si tu te livres, nous procĂ©derons Ă  ton sacrifice. Cela prĂ©servera l’humanitĂ©, mais nous libĂšrerons Ă©galement Daraniel. Nous laisserons ses pouvoirs d’Okalisto s’éteindre et un nouvel Okalisto sera nommĂ©, grĂące Ă  tes pouvoirs. Il pourra vivre sa vie, libĂ©rĂ© de ses responsabilitĂ©s. Ta vie contre la sienne, en somme, puisque l’humanitĂ© semble accessoire Ă  tes ne rĂ©pondit pas, durement atteinte. Elle serra les poings, essayant de ne pas laisser ses Ă©motions la guider.— Je ne peux pas vous faire confiance. Je ne peux pas ĂȘtre sĂ»re que vous libĂ©rerez vraiment Daraniel !— Mais c’est son seul espoir. Et tu peux ĂȘtre assurĂ©e que ton sacrifice sauvera l’ vie contre l’humanitĂ© et Daraniel
 C’était presque trop beau pour ĂȘtre vrai. Sadidiane n’avait pas envie de mourir, et elle s’en sentait coupable. AprĂšs tout ce qu’elle avait fait
 tous les malheurs qu’elle avait causĂ©s
 elle aurait dĂ» vouloir mourir. Se sacrifier Ă©tait la seule chose noble et juste qu’elle pouvait imaginer faire dans sa vie. Mais son interlocutrice n’était pas fiable. Le mensonge coulait dans ses veines, et son venin se rĂ©pandait dans celles de Sadidiane, ce qui troublait la jeune fille. Elle ne savait pas quoi faire. Tout se mit Ă  trembler brutalement, comme si un tremblement de terre venait de se dĂ©clencher, et les chutes de neige se changĂšrent trĂšs rapidement en blizzard. Axiliko lança un regard circulaire autour d’elle, nullement impressionnĂ©e, alors que l’adolescente paniquait. Une chape magique se matĂ©rialisa autour de la PrĂȘtresse du Temple qui disparut complĂštement quelques secondes plus tard. Le blizzard se calma aussitĂŽt, comme le tremblement de terre, et tout redevint silencieux. Sadidiane Ă©carquilla les yeux en rĂ©alisant qu’Ademon Ă©tait de retour, dos Ă  elle, Ă  moins de deux mĂštres.— Ademon ?Elle avança d’un pas hĂ©sitant, l’appelant Ă  nouveau. Elle s’arrĂȘta Ă  quelques centimĂštres, sans oser le toucher, ayant peur de le faire disparaitre une nouvelle fois.— Daraniel ? murmura-t-elle avec sursauta lorsqu’il fit volte-face, et elle put enfin croiser son regard. Elle y lut une forme de soulagement, puis elle se jeta dans ses bras, entendant vaguement l’homme lui grogner qu’il n’arrivait pas Ă  la trouver et qu’il avait eu peur qu’Axiliko lui ait fait du mal. Sadidiane savait que ce n’était pas rĂ©el, mais elle ne pouvait pas s’empĂȘcher d’ĂȘtre contente. Elle retrouvait enfin Ademon. C’est lui qui mit fin Ă  son Ă©treinte, repoussant gentiment la jeune fille pour l’observer droit dans les yeux. Il arborait son air soucieux, qui le caractĂ©risait parfaitement.— Le PhĂ©nix Fondateur, il ne vous a pas fait de mal ? Je suis dĂ©solĂ©e de ne pas l’avoir empĂȘchĂ© de vous blesser, je
— Je vais bien, la coupa-t-il savait visiblement trĂšs bien de quoi elle parlait. La licorne qui l’avait guidĂ©e jusqu’au PhĂ©nix venait bien d’Ademon. Il avait rĂ©ussi Ă  veiller sur elle et Ă  l’aider, mĂȘme prisonnier de son propre esprit. Sadidiane avait envie de lui exprimer sa reconnaissance, mais les mots lui manquaient.— Il faut que tu partes d’ici, Sadidiane. Ton esprit doit rĂ©intĂ©grer ton corps.— Je ne sais pas comment faire
 et je ne veux pas vous la scruta sans un mot, comme s’il la scannait du regard pour s’assurer qu’elle n’était pas blessĂ©e. C’était exactement ce qu’il Ă©tait en train de faire, rĂ©alisa Sadidiane. Il vĂ©rifiait l’intĂ©gritĂ© de son esprit.— Ferme les yeux, fais le vƓu de rĂ©intĂ©grer ton corps, et lorsque tu les rouvriras, tout sera redevenu parlait avec une douceur rare chez lui, et de maniĂšre trĂšs rassurante.— Non, je
 je ne veux pas partir ! Pas sans vous ! Pas encore !— Sadidiane
— Non ! Je veux vous sauver ! Le PhĂ©nix Fondateur voulait que je vienne vous voir, il
 il m’a fait venir jusqu’à vous !— Il voulait que ton cƓur soit apaisĂ©, la contredit calmement l’ ne savait pas si elle devait rire ou pleurer.— ApaisĂ© ? Mon cƓur est tout sauf apaisĂ© !Il ouvrit la bouche pour lui rĂ©pondre, mais elle ne lui en laissa pas le temps.— J’ai fait des choses horribles, j’ai
 j’ai tuĂ© des gens innocents, je
 j’ai besoin de vous ! Je ne veux pas
 je me sens tellement coupable, je
Elle savait qu’elle n’était pas cohĂ©rente, mais elle avait trop de choses Ă  lui dire et les exprimait toutes en mĂȘme temps. Ses Ă©motions la submergeaient, elle se sentait perdue. Gentiment, Ademon posa une main sur sa joue et l’observa droit dans les yeux. Il y avait une telle tendresse dans son regard que la jeune fille en aurait pleurĂ©. Son regard lui rappelait celui de Dorelan, mĂȘme s’il ne possĂ©dait pas sa douceur intrinsĂšque.— Tu dois vivre ta vie, Sadidiane. Pardonne-toi tes erreurs et cesse de regarder derriĂšre toi. J’aurais aimĂ© en ĂȘtre capable, ajouta-t-il avec regrets.— Je ne mĂ©rite pas de vivre ma vie ! Tout le monde meurt Ă  cause de moi ! Les Akamorrs, ces gens du site pĂ©trolier
 Peut-ĂȘtre mĂȘme l’humanitĂ© tout entiĂšre si ce que cette femme a dit est vrai !Ademon ne fut pas troublĂ© par ses mots, et il continua Ă  l’observer avec gentillesse.— N’écoute pas un mot venant de cette femme, ou d’Emilien Astrovian, ou d’un de leurs larbins. Tu n’es pas porteuse de mort, c’est mĂȘme tout l’inverse. Tu n’es pas responsable des morts qui jonchent ta route. Tu n’as pas Ă  te sentir coupable d’ĂȘtre en parlait sans hĂ©sitation, sans Ă©mettre le moindre doute, et il Ă©tait si persuasif que Sadidiane Ă©tait au bord de le croire. MĂȘme si cela signifiait se dĂ©douaner totalement, elle ne pouvait pas rĂ©sister Ă  la tentation plus longtemps. Elle voulait le croire.— Je ne veux pas partir sans vous, rĂ©pĂ©ta-t-elle en mettant toute la dĂ©termination dont elle Ă©tait capable dans ses mots.— Tu dois partir, rĂ©pondit-il simplement. Ça va aller.— Non ! Ça ne va pas aller et vous le savez ! Ils vous torturent et lorsqu’ils auront eu ce qu’ils veulent, ils
 ils vous tueront ! Mais si je me sacrifie pour vous, je pourrai vous ramener !— C’est trop tard, la coupa-t-il abruptement. Je ne sais pas prĂ©cisĂ©ment ce qu’Axiliko t’a dit, mais mon esprit est brisĂ©. Ce sanctuaire, c’est tout ce qu’il en reste. MĂȘme si j’étais libĂ©rĂ© et mis en sĂ©curitĂ©, je ne serais plus qu’une coquille vide. Et cela fait des mois que je suis dans cet essuya rageusement les quelques larmes qui s’étaient mises Ă  couler sur ses joues. Elle ne voulait pas entendre ça.— Vous mentez ! Comme la derniĂšre fois, vous
 vous m’aviez promis de me rejoindre, et vous ne l’avez pas fait, vous
 vous avez menti pour me laisser vivre, et vous faites la mĂȘme chose maintenant ! Mais je ne vous laisserai pas tomber, je vous jure que je ne vous laisserai pas tomber cette fois !Sa dĂ©termination Ă©branla Ademon, qui eut un lĂ©ger sourire.— Tu es exceptionnelle. Mais tu dois vraiment cesser de te tourner vers le main, Ă  prĂ©sent posĂ©e sur l’épaule de la jeune fille, se mit Ă  briller. Sadidiane se sentit cotonneuse, et elle lança un regard furieux Ă  Ademon.— Non ! Je ne veux pas partir ! Laissez-moi !— Dis aux Akamorrs qu’Astrovian est comme moi
Sa voix Ă©tait de plus en plus lointaine, et la vision de Sadidiane de plus en plus brouillĂ©e.— Il a volĂ© des pouvoirs aux Grandes PrĂȘtresses du Monde. Il Ă©tait lĂ  il y a cinq jeune fille essaya d’attraper Ademon, qui devait ĂȘtre quelques centimĂštres d’elle, devant elle, mais elle ne rencontra que le nĂ©ant.— Dis-leur aussi que quelque chose dort en dessous de moi
 C’est puissant
 Et si Dorelan a survĂ©cu, dis-lui que
L’air polluĂ© disparut, comme la neige, et tout ce qui entourait Sadidiane. Elle Ă©tait de retour dans le cosmos, sur son plancher de verre, dans le silence le plus total.— IL EST VIVANT ! ET JE VAIS VENIR VOUS CHERCHER ! JE VOUS LE PROMETS !Elle hurlait bien inutilement, mais elle en avait besoin. Elle voulait croire qu’ainsi, Ademon pourrait l’entendre et reprendrait espoir. Quelques secondes plus tard, elle fut de retour dans son corps, dans l’habitation prĂȘtĂ©e par le Clan Navodelie. En rouvrant les yeux, elle se retrouva immĂ©diatement face Ă  Valindaria Kadjebah, agenouillĂ©e face Ă  elle. Dorelan Ă©tait assis juste Ă  cĂŽtĂ© de l’Akamorr, et il semblait trĂšs inquiet. Il poussa un soupir de soulagement en serrant Sadidiane contre lui, et la jeune fille lui rendit son s’était montrĂ©e extraordinairement patiente et trĂšs gentille avec la jeune prĂȘtresse. Elle avait Ă©coutĂ© attentivement son rĂ©cit, et si Sadidiane avait hĂ©sitĂ© au dĂ©but Ă  se confier Ă  elle, elle avait fini par tout lui dire, encouragĂ©e et soutenue par Dorelan. Ce dernier avait paru bouleversĂ© par la rencontre entre Sadidiane et Ademon, mais il Ă©tait restĂ© calme et attentif jusqu’au bout. La cheffe Akamorr avait apportĂ© des prĂ©cisions au sujet d’Axiliko, avec laquelle elle avait un lien bien attristant Axiliko avait en effet tuĂ© sa mĂšre lorsqu’elle n’avait que 16 ans, et Valindaria avait dĂ» choisir entre se perdre dans la vengeance et essayer de tuer la cheffe des PrĂȘtresses du Temple, ou prendre les commandes de son Clan. Elle avait pris la seconde option, et il Ă©tait visible qu’elle ne regrettait pas son choix. Elle Ă©tait extraordinairement calme en parlant de cet Ă©vĂ©nement pourtant tragique, et cela suscita l’admiration de leur apprit qu’Axiliko Ă©tait incroyablement mystĂ©rieuse, et que les Akamorrs savaient peu de choses Ă  son sujet. Beaucoup pensaient qu’il ne s’agissait pas d’une unique femme, mais de plusieurs magiciennes choisies pour leur ressemblance et leur puissance, car il Ă©tait impossible de vivre aussi longtemps qu’elle. Valindaria, cependant, avait toujours Ă©tĂ© certaine qu’il n’existait qu’une seule Axiliko. Elle avait rĂ©ussi Ă  traverser les Ăąges, elle seule savait cheffe du Clan Strasmor Ă©tait par ailleurs entiĂšrement d’accord avec Ademon les paroles de la cheffe des PrĂȘtresses du Temple Ă©taient du poison, et il ne fallait surtout pas les Ă©couter. La survie de Sadidiane ne condamnait pas l’humanitĂ© elle sauvait simplement le monde face Ă  son Ă©goĂŻsme. En revanche, concernant l’Okalisto lui-mĂȘme, la cheffe du Clan Strasmor Ă©tait convaincue qu’il y avait un fond de vĂ©ritĂ©. En effet, le fait qu’Ademon perde ses pouvoirs expliquait pourquoi le Conseil Mondial du ContrĂŽle de la Magie le torturait et essayait de lui arracher sa magie de force, mais elle ne comprenait pas quel mĂ©canisme causait leur perte. Aucun Okalisto avant lui n’avait Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  une situation similaire, ou alors l’Histoire ne l’avait pas parut extrĂȘmement troublĂ©e par les avertissements finaux d’Ademon, au sujet d’Emilien Astrovian et de ce qui dort en dessous de lui ». Maintenant que l’adrĂ©naline Ă©tait un peu retombĂ©e, Sadidiane elle-mĂȘme Ă©tait extrĂȘmement perturbĂ©e par ces rĂ©vĂ©lations. PerturbĂ©e sans ĂȘtre vraiment Ă©tonnĂ©e ; au fond d’elle, depuis leur rencontre, elle savait qu’Emilien Astrovian avait un lien avec toutes les Grandes PrĂȘtresses du Monde. Il y eut un silence Ă  la suite des explications de la jeune fille, mais elle le brisa rapidement.— Je ne peux pas le laisser tomber une fois de plus ! s’écria-t-elle avec fougue. Il prĂ©tend que c’est trop tard pour lui, mais il ment, je sais qu’il ment ! Il dit ça pour que je le laisse oĂč il est, il
 Je sais que vous ne voulez pas le sauver, et je comprends, mais
 moi je vais y aller. Seule, s’il le faut. Je vais le sauver !— Sadidiane
Dorelan ne termina jamais sa phrase. Il ne savait pas quoi dire. Valindaria, elle, esquissa un lĂ©ger sourire Ă©nigmatique.— L’Okalisto t’a donnĂ© un excellent conseil, tu sais, lança-t-elle ensuite en se relevant.— Quel conseil ?— Cesse de regarder le passĂ© et se tourna ensuite vers Dorelan, toujours avec son petit sourire Ă©trange.— Merci beaucoup d’ĂȘtre venue, Valindaria. DĂ©solĂ© de vous avoir dĂ©rangĂ©.— Tu n’as pas Ă  t’excuser. Tu es l’un des nĂŽtres, Dorelan. Nos cƓurs vibrent lui posa une main sur l’épaule, amicalement.— Tu seras toujours la bienvenue chez moi. Je me charge de parler de tout cela Ă  Darofrast. Reposez-vous, tous les jours plus tard, alors que Sadidiane et Dorelan petit-dĂ©jeunaient en silence, la porte de leur cabanon s’ouvrit soudainement, les surprenant autant l’un que l’autre. C’était la premiĂšre fois que quelqu’un se permettait d’entrer ainsi sans frapper ou s’annoncer oralement avant. Ils n’eurent pas le temps de s’inquiĂ©ter que leur visiteur leur avait dĂ©jĂ  fondu dessus pour les saluer comme une vraie tornade. L’homme se prĂ©senta comme Ă©tant un membre du Clan Akaliost, fraichement arrivĂ© en renfort pour casser des dents de membres de l’Escouade Magique, porteur d’un petit cadeau pour Dorelan et d’un immense respect pour Sadidiane. Sa tirade d’introduction laissa ses deux hĂŽtes muets, et cela le fit sourire. Il avait d’ailleurs un trĂšs beau sourire, Ă©clatant et confiant, comme le reste de sa personne. Pourtant, il portait des vĂȘtements noirs peu reluisants, bien assortis Ă  ses cheveux trĂšs noirs eux aussi, et complĂštement en pagaille. Par ailleurs, il Ă©tait grand, mince et avait des yeux avec des monopaupiĂšres et des iris presque dorĂ©s Ă  la lumiĂšre. Il possĂ©dait une lĂ©gĂšre pilositĂ© faciale et une cicatrice sur la joue gauche. Sous son grand manteau en cuir noir, un gros fusil Ă  canon sciĂ© Ă©tait visible, accrochĂ© Ă  sa ceinture.— Fermez la bouche, vous allez gober des guĂȘpes ! Elles sont mĂ©chantes, ici, en plus. Le dĂ©sert me manque, soupira-t-il. Et pourtant je viens d’arriver ! Je m’appelle Aorion Lawotson-Mepharian, je suis vraiment content de faire votre connaissance Ă  tous les deux ! Tiens, Dorelan, ton petit cadeau !Il lui tendit une boite et le mĂ©decin la saisit en clignant des yeux plusieurs fois, hĂ©bĂ©tĂ©. Son cerveau se rĂ©activa cependant trĂšs vite.— Mepharian ? Comme Cariliam ? Et Lawotson comme Ashinzo Lawotson, le chef du Clan Boliarand ?— Tu es bien renseignĂ© ! Oui, c’est mon mari et mon pĂšre, dans cet ordre-lĂ , heureusement !— J’ignorais que Cariliam Ă©tait mariĂ©.— Il est peu dĂ©monstratif, contrairement Ă  moi ! Alors, tu le dĂ©balles ton cadeau ? Dokistia a mis moins longtemps que toi pour le sien !Toujours sonnĂ©, Dorelan ouvrit la boite et il resta bouche bĂ©e en dĂ©couvrant une nouvelle paire de lunettes. Sadidiane, qui reprenait enfin ses esprits, l’encouragea Ă  les essayer.— Elles sont parfaites, souffla-t-il d’un air Ă©merveillĂ©. Je ne savais pas que vous Ă©tiez Ă  la pointe de l’ophtalmologie ! Vastiarna avait dit qu’elle essaierait de faire de son mieux, mais je ne m’attendais pas Ă  un tel succĂšs, aussi rapidement !— On se dĂ©brouille ! On en a d’autres, des porteurs de lunettes, il faut qu’on s’adapte ! Par chance, le Clan Akaliost est particuliĂšrement Ă  la pointe dans ce domaine.— Comment pouvez-vous faire partie du Clan Akaliost si vous ĂȘtes le fils du chef du Clan Boliarand ?Dorelan se tourna vers Sadidiane, trouvant la question trĂšs pertinente, et Aorion sourit une nouvelle fois.— La force de l’amour m’a fait changer de Clan ! Vous voulez que je vous raconte ?Ils acquiescĂšrent mĂ©caniquement, sans mĂȘme y penser. Aorion se lança alors dans un rĂ©cit trĂšs rapide. Il leur expliqua ĂȘtre l’unique hĂ©ritier de son pĂšre, censĂ© lui succĂ©der, mais que son avenir tout tracĂ© avait Ă©tĂ© bouleversĂ© il y a dix, alors qu’il Ă©tait ĂągĂ© de vingt-six ans. Il avait ainsi rencontrĂ© un beau trentenaire du Clan Akaliost et ils Ă©taient tombĂ©s fous amoureux. Aorion avait larguĂ© son fiancĂ© de l’époque comme une vieille chaussette et, devant le refus de son pĂšre de bĂ©nir son union avec un chien des Emkele », il s’était enfui et avait ralliĂ© le dĂ©sert d’Ekelfran pour rejoindre le Clan Akaliost. Les tensions, dĂ©jĂ  trĂšs prĂ©sentes entre les deux clans, avaient failli finir en guerre, mais les choses s’étaient un peu tassĂ©es avec le temps.— C’est trĂšs romantique, lĂącha Dorelan Ă  la fin de son rĂ©cit.— L’amour, comme je vous le disais. Tu connaitras ça un jour, toi ! lança-t-il Ă  Sadidiane en ajoutant un petit clin d’ sentit la gĂȘne prendre possession de son ĂȘtre alors que Dorelan tempĂ©rait gentiment Aorion, indiquant qu’elle Ă©tait trĂšs, trĂšs jeune.— Je taquine, c’est tout ! Je sais bien que tu es encore un bĂ©bĂ© ! Bon, il faut que j’aille saluer Itizio et Askoliarn, je reviens vous voir vite !Il sortit en trombe, toujours comme un ouragan, laissant ses deux hĂŽtes se remettre tant bien que mal de sa visite Ă©tait vraiment une tornade, et il fatiguait Ă  lui tout seul le campement tout entier. ComplĂštement sans-gĂȘne, toujours surexcitĂ©, il n’avait pas peur du ridicule et Ă©tait imprĂ©visible. Ainsi, il pouvait se mettre Ă  brailler des dĂ©clarations enflammĂ©es Ă  l’adresse de son mari — qui paraissait complĂštement blasĂ© — ou se mettre brutalement Ă  courir vers l’extĂ©rieur du camp pour aller explorer la jungle et ses merveilles », selon ses propres dires. Il Ă©tait cependant profondĂ©ment gentil, et sa prĂ©sence dĂ©tournait un peu Sadidiane de ses sombres pensĂ©es. Sa dĂ©termination Ă  sauver Ademon n’en Ă©tait pas moins toujours prĂ©sente, et elle ne renoncerait pas. Elle ne l’abandonnerait pas, elle l’avait promis Ă  l’Okalisto et elle se l’était promis Ă  combats contre les humains semblaient s’ĂȘtre durcis en bordure de la Jungle d’Aglian, mĂȘme si les Akamorrs avaient rĂ©ussi Ă  faire des Ă©changes d’effectifs — d’oĂč la prĂ©sence d’Aorion et de quelques autres Akamorrs venus des Clans Akaliost et Strasmor, et l’absence de certains Akamorrs ayant rĂ©intĂ©grĂ© leur clan d’origine. Le Conseil Mondial du ContrĂŽle de la Magie avait dĂ©pĂȘchĂ© Fernando Arantres en tant que chef des opĂ©rations, et il avait rĂ©ussi Ă  faire une percĂ©e consĂ©quente Ă  l’est du campement principal, rĂ©ussissant Ă  atteindre un campement secondaire du Clan Arantres Ă©tait apparemment l’un des plus puissants magiciens du monde, comme Victorion Salakers. SurpassĂ© en puissance par ce dernier, il Ă©tait cependant beaucoup plus calme et rĂ©flĂ©chi que lui, et il Ă©tait dotĂ© d’une trĂšs grande intelligence. Aorion et Darofrast avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s en urgence au niveau de la percĂ©e ennemie, et Sadidiane avait cru comprendre qu’ils Ă©taient les plus puissants Akamorrs prĂ©sents avec Valindaria Kadjebah. L’ambiance au sein du campement principal Ă©tait tendue, et le transfert de Sadidiane vers une position plus lointaine et plus sĂ©curisĂ©e paraissait imminent, mĂȘme si pour cela il fallait trouver un moyen de la protĂ©ger efficacement pendant le de renforts venant d’un autre clan, le Clan Derostrian, apporta un certain soulagement aux guerriers pour la plupart Ă©puisĂ©s des trois clans en prĂ©sence. Le Clan Derostrian Ă©tait localisĂ© dans la grande chaine de montagnes du continent, au nord d’Aldavilos. La cheffe du cortĂšge s’appelait Sara-Angela Flories, et elle Ă©tait la plus puissante guerriĂšre de son Clan. En chemin, ils avaient pillĂ© une rĂ©serve d’armement militaire appartenant Ă  l’armĂ©e d’Aldavilos, et ce matĂ©riel de guerre lourd Ă©tait plus que la bienvenue. Cela redonnait du moral aux jours aprĂšs son voyage mystique dans l’esprit d’Ademon, Sadidiane se dĂ©cida Ă  agir. Elle avait fait un rĂȘve, la nuit prĂ©cĂ©dente, qui la poussait Ă  mettre ses plans Ă  exĂ©cution. Elle avait rĂȘvĂ© du PhĂ©nix Fondateur, qui se trouvait avec elle dans le cosmos, et Ă  qui elle avait reprochĂ© la mort des ouvriers du site pĂ©trolier de Velensarn, ainsi que l’état d’Ademon, et mille et une choses dont elle ne se souvenait plus au rĂ©veil. La rĂ©ponse du PhĂ©nix, en revanche, resterait gravĂ©e en elle pour le restant de ses jours. Je t’avais dit que tu aurais Ă  faire face aux consĂ©quences, Sadidiane. »Elle se souvenait de cet avertissement, et elle se souvenait avoir dĂ©cidĂ© de l’ culpabilitĂ© Ă©tait trop forte, elle ne pouvait plus la supporter. Il fallait qu’elle agisse. Qu’elle fasse quelque chose de bien, pour une avait prĂ©parĂ© son sac dĂšs son rĂ©veil, et l’avait cachĂ© dans un coin de la maisonnette qu’elle partageait avec Dorelan. Elle s’était montrĂ©e calme et silencieuse toute la journĂ©e — ce qui Ă©tait devenu son comportement habituel depuis le site pĂ©trolier — puis elle avait fait semblant de s’endormir en attendant que le mĂ©decin sombre rĂ©ellement dans les mĂ©andres du sommeil. Elle s’était ensuite silencieusement levĂ©e, avait pris son sac et s’était faufilĂ©e hors du campement comme une venait Ă  peine d’en sortir lorsqu’elle sentit une main lui attraper le bras, et elle se dĂ©gagea violemment, le cƓur battant. Dorelan. Il l’avait suivie.— Qu’est-ce que tu fais ? murmura-t-il d’un air sĂ©vĂšre.— Je vais me promener, rĂ©pondit-elle en s’efforçant de garder un air neutre.— Avec un sac de vivres et du matĂ©riel mĂ©dical ?Elle ne rĂ©pondit pas et baissa la tĂȘte, prise en faute. Elle la redressa rapidement, cependant, affichant un visage dĂ©terminĂ©.— Je vais chercher Daraniel ! dĂ©crĂ©ta-t-elle d’un air dĂ©cidĂ©. Personne ne m’en empĂȘchera !Sa rĂ©ponse troubla Dorelan.— Daraniel ? De qui parles-tu ?Sadidiane rĂ©alisa seulement qu’elle n’avait jamais utilisĂ© ce nom devant le mĂ©decin. Elle avait cependant toujours cru qu’il connaissait la vĂ©ritable identitĂ© de l’Okalisto, Ă  tort, visiblement.— Ademon. Son vrai nom c’est Daraniel Estilion.— Je l’ignorais, souffla le mĂ©decin d’un air un peu fallait profiter de cette confusion passagĂšre pour frapper.— Il a besoin d’aide, et je sais que je peux l’aider ! J’ai rĂȘvĂ© du PhĂ©nix Fondateur, la nuit derniĂšre, et je vais aller Ă  l’Arbre de Sang pour tout rĂ©gler !Elle ne mentait pas, techniquement. Tout ce qu’elle disait Ă©tait vrai, mĂȘme si le sens qu’elle donnait Ă  ces vĂ©ritĂ©s Ă©tait trompeur.— Sadidiane, tu
 tu crois vraiment que c’est une bonne idĂ©e ? AprĂšs ce qu’il s’est passĂ© la derniĂšre fois ?— Bonne ou mauvaise, c’est la seule idĂ©e que j’ai ! Et je suis la seule Ă  vouloir ramener Ademon.— Je veux le ramener, moi aussi, la contredit d’une voix douce Dorelan. Et si je pensais pouvoir y parvenir, j’y serai dĂ©jĂ  allĂ©. Mais c’est impossible.— Pas pour moi. Je te promets que je vais le ramener !Il y avait du conflit dans le regard du mĂ©decin. Il retira ses lunettes et les nettoya, geste qu’il faisait souvent lorsqu’il avait besoin de rĂ©flĂ©chir. Une partie de lui avait envie de croire l’adolescente. Il aimait Ademon, et il voulait qu’il soit sauvĂ©. Le savoir seul et soumis aux tortures du Conseil Mondial du ContrĂŽle de la Magie
 C’était insupportable. Sadidiane paraissait si sĂ»re d’elle — et elle Ă©tait la Grande PrĂȘtresse du Monde. Il avait vu ce dont elle Ă©tait capable. Pourquoi ne pas la laisser ramener l’Okalisto ? Pourquoi ne pas lui faire confiance ? Parce qu’elle est juste une enfant perdue, lui hurlait tout le reste de son ĂȘtre. Une enfant qui avait l’impression de ne causer que la souffrance et la mort autour d’elle. Une enfant qui avait besoin d’ĂȘtre rassurĂ©e, guidĂ©e et accompagnĂ©e, et qui avait terriblement besoin d’Ademon pour cela. Les Akamorrs et Dorelan faisaient de leur mieux, mais il y avait un lien indĂ©fectible et unique entre elle et l’Okalisto. Un antagonisme naturel, forgĂ© par le sang et l’histoire, mais qui n’avait pas pu empĂȘcher une affection mutuelle de naitre entre eux. Elle avait perdu quelqu’un qu’elle aimait, quelqu’un qui la comprenait mieux que quiconque, et elle voulait juste le rĂ©cupĂ©rer. Elle Ă©tait dĂ©terminĂ©e, et sa volontĂ© semblait d’acier. Cela ne signifiait pas qu’elle allait rĂ©ussir. La laisser partir Ă©tait une folie, et Dorelan ne savait mĂȘme pas comment une partie de lui pouvait oser l’envisager.— On rentre, souffla-t-il finalement.— Non ! S’il te plait, laisse-moi
 laisse-moi juste aller Ă  l’Arbre de Sang ! Pour revoir le PhĂ©nix, je
 je te promets que je ne ferai de mal Ă  personne !— Je n’ai pas peur que tu fasses du mal Ă  qui que ce soit, rĂ©pondit Dorelan d’un air un peu croyait vraiment que c’était ce qu’il pensait ?— J’ai peur qu’il t’arrive du mal Ă  toi, prĂ©cisa-t-il ensuite.— Juste l’Arbre de Sang. S’il te plait, Dorelan, je
 je veux juste trouver un moyen de parler Ă  nouveau au PhĂ©nix et cette fois
Cette fois, la licorne d’Ademon ne la guiderait pas. Dorelan resta silencieux, trĂšs hĂ©sitant.— Des mignons petits fugueurs !Ils firent tous les deux volte-face pour se retrouver face Ă  Aorion, qui leur souriait avec bienveillance.— Nous allions juste prendre l’ ne savait mĂȘme pas pourquoi il mentait. L’Akamorr ricana, moqueur, avant de leur demander de le suivre. Il avait formulĂ© sa demande avec gentillesse, mais Sadidiane n’avait pas envie d’obtempĂ©rer. Elle ne voulait pas d’une discussion inutile supplĂ©mentaire. Elle voulait agir. Rapidement, elle Ă©valua ses chances de succĂšs si elle se mettait Ă  courir, et un nouveau ricanement d’Aorion la sortit de ses pensĂ©es brutalement.— Je sais Ă  quoi tu penses et crois-moi, je cours trop vite pour toi !Elle le foudroya du regard, mais il l’ignora et continua Ă  sourire de toutes ses dents. Dorelan prit l’adolescente par la main et elle consentit Ă  suivre les deux hommes. Aorion les guida droit vers l’habitation partagĂ©e par Darofrast et Dokistia, mais lorsqu’ils y entrĂšrent, ils ne furent pas accueillis par les deux Akamorrs. Ou plutĂŽt, pas seulement par eux. En plus du couple, Cariliam, Valindaria, Naskilie et Sara-Angela Flories Ă©taient prĂ©sents, et ils venaient de s’interrompre en pleine conversation.— Mon amour, tu m’as tellement manquĂ© ! s’écria Aorion Ă  l’adresse de son dernier, qui Ă©tait adossĂ© contre le mur, esquissa un petit sourire.— Cela ne fait mĂȘme pas dix minutes que tu es parti.— C’était quand mĂȘme bien trop long !Cariliam ouvrit les bras et invita son mari Ă  le rejoindre, ce qu’Aorion fit sans se poser de questions. Ils s’enlacĂšrent tendrement alors que Sadidiane dĂ©taillait du regard tous ses interlocuteurs. Elle s’attarda particuliĂšrement sur Sara-Angela, qu’elle ne connaissait que de vue. C’était une femme d’une quarantaine d’annĂ©es, Ă  la peau mate, aux yeux ambrĂ©s et aux longs cheveux noirs bouclĂ©s. Consciente du regard insistant de la jeune fille, l’Akamorr lui adressa un gentil sourire.— Qu’est-ce qu’il se passe, ici ? demanda alors Dorelan, confus. Vous faites un genre de rĂ©union ?— C’est tout Ă  fait ça, rĂ©pondit tranquillement Aorion. Une rĂ©union secrĂšte, ajouta-t-il sur le ton de la et Sadidiane Ă©taient aussi sceptiques l’un que l’autre.— Nous parlons d’un projet qui nous tient Ă  cƓur, intervint Dokistia. Un projet qui va vous intĂ©resser et vous empĂȘcher de faire n’importe quoi.— De quel projet parlez-vous ?Darofrast fixa Dorelan droit dans les yeux avant de lui rĂ©pondre.— Nous allons sauver l’Okalisto.

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  • c Ă©tait mon oncle rĂ©sumĂ© par chapitre